Dans la collection de SupHermann 
Lycaons p37 par Alex Barbier - Planche originale
443 

Lycaons p37

Planche originale
1978
Techniques mixtes
Encres de couleur et Correc-bille
40 x 50 cm (15.75 x 19.69 in.)
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Charlie mensuel 118

Description

Lycaons
Planche 37 (sur 42)
Paysage de la mort (3e et dernier chapitre) : Planche 9 (sur 13)
Prépublication dans Charlie mensuel numéro 118 de novembre 1978

En album :
- Edition du Square, juillet 1979
- Edition Frémok, octobre 2003

Inscriptions / Signatures

signée par l’auteur en bas à droite

Commentaire

Parce que Barbier est unique, un sorte de peintre dessinateur capable de mélanger des planches d’une violence expressive (dès fois dérangeante) à la Francis Bacon avec des scènes magnifiques digne du réalisme américain d’Edward Hopper.

La planche exposée est un bel exemple d’ambiance du second artiste avec l’absence d’êtres humains, route, lumière crue, espace et solitude. Et lorsque l’on connait le synopsis de l’album, on present un malaise, le passage ou la nature et la maladie vont l’emporter sur la civilisation.

Lycaons a été réalisé en 42 planches sur 3 chapitres :
- "Se dérouler comme ça" en 13 planches
- "Qui dépasse la trentaine meurt" en 16 planches
- "Paysage de la mort" en 13 planches
24 planches disparurent dans l’incendie de l’atelier de l’artiste pendant l’hiver 83

Thierry Groensteen écrira sur cet album (extrait de la préface à la réédition) :

"Lycaons, œuvre moderne et vénéneuse n’invente pas seulement la couleur directe, elle renouvelle en profondeur les exigences du genre. Elle aurait du balayer de sa puissance dévastatrice les derniers préjugés juvéniles qui collaient à la bande dessinée. C’était sans compter sur la puissance des conservateurs de l’ordre narratif. Aujourd’hui, ce livre fondateur de l’esprit trouble du Frémok est réédité par nos soins, augmenté de trois précieux récits parus unique ment dans Charlie dont l’importance ne saurait échapper aux lecteurs avisés. Lycaons retourne enfin sur les tables des libraires ! On va pouvoir commencer à parler de nouvelle bande dessinée…. Grâce à cette réédition, une nouvelle génération va pouvoir lire Lycaons et se laisser envoûter par ce livre qui n’a rien perdu de sa puissance. Elle y trouvera un peu de politique, un peu de fantastique, un peu de défonce, beaucoup de sexe (surtout entre garçons), et des décors de banlieue américaine, d’étendues désertiques, de maisons borgnes, d’intérieurs de bagnoles et de chambres à coucher. L’œuvre, adulte résolument, d’un artiste qui a fait son livre sans concession d’aucune sorte, avec une confiance remarquable dans la bande dessinée comme moyen d’expression susceptible de véhiculer, aussi bien qu’un autre, une poétique et une fantasmatique personnelles.

Publiées la même année qu’Arzach, le célèbre récit muet de Moebius, les premières planches de Barbier ont participé à l’irruption d’une pratique nouvelle dans la BD française, celle de la couleur directe. Précurseur sur le plan technique, l’auteur de Lycaons s’affirmait aussi d’emblée comme un formidable dynamiteur de codes : ici pas de blanc entre les images, pas de bulles (sauf celle prononcée par " l’homme qui parle comme dans les bandes dessinées " !), une voix narrative omniprésente, un récit troué, déconstruit, des personnages aux identités floues, des pages fréquemment réduites à deux images. Barbier avait quelques longueurs d’avance sur l’avant-garde graphique des années quatre-vingt-dix. En imaginant "un virus qui se colle aux gens par l’acte sexuel", il signait aussi, malheureusement, une douloureuse prémonition. Comme tout ce que Barbier dessinera plus tard – les artistes hantés par un univers obsessionnel font toujours plus ou moins le même livre – Lycaons reste une œuvre inclassable, dérangeante, sulfureuse, hypnotique. Ce ne sera jamais un classique. Et c’est tant mieux."

Ci dessous, partie de l'extrait de l'interview de l'auteur par Vincent Bernière, (Fillols, juillet 2003) lors de la sortie de la réédition :

"Dans Lycaons, il est question de rapports sexuels entre jeunes hommes, de prise de drogues hallucinatoires. Et de maladie sexuellement transmissible, déjà. Peut-on dire que ce sont des éléments autobiographiques ?

Et bien oui, on peut le dire. Tout ce que je raconte dans mes bandes dessinées, les personnages, les situations et les lieux, ne viennent pas de nulle part, évidemment. Les garçons, oui, ça m’a intéressé un moment. Il faut bien le reconnaître. D’ailleurs, ça ne m’intéresse plus du tout désormais. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Mais disons qu’à cette époque, oui, j’avais eu quelques expériences. Notamment lors de mon service militaire. Dans le bureau du sergent-chef. On prenait du Mandrax. Et avec le Mandrax, il faut bien reconnaître qu’on fait un peu n’importe quoi. Notamment du point de vue sexuel. Mais en aucun cas je n’ai consommé des drogues au moment de faire mes bandes dessinées. Burroughs a des mots très justes, à ce sujet. Sur le moment, on a l’impression de commettre un chef-d’œuvre. Mais le lendemain, le tout est à foutre à la poubelle… En tout cas, ne me demandez pas de vous dire exactement ce qui est autobiographique ou pas dans mes histoires. Je n’ai qu’une seule réponse : tout.

Les pages de Lycaons ont été détruites par le feu, contribuant à l’érection de votre légende personnelle. Était-ce un acte terroriste délibéré, spécifiquement élaboré à votre encontre ?

Absolument pas. En fait, cette histoire gardera sans doute à jamais une part de mystère insoluble, dans la mesure où l’on a jamais retrouvé le pyromane. C’était un déséquilibré, qui avait déjà mis le feu à quelques villages avant de débarquer à Fillols, le village des Pyrénées orientales dans lequel nous vivions, à l’époque, avec ma femme. Mais ça, nous ne le savions pas, bien entendu. C’était en 1983, durant l’hiver. Le type est arrivé dans le village et a demandé la maison d’Alex Barbier. Ce qui reste tout de même assez troublant. Et c’est ma femme qui lui a indiqué ! À l’époque, les maisons n’étaient jamais fermées à clef. Le type a du mettre le feu pour se réchauffer ou je ne sais quoi mais, en tout cas, il a mit le feu à cette baraque désaffectée dans laquelle je travaillais et où j’entreposais mes planches. Tout est parti en fumée. Tout, sauf une trentaine de pages que j’exposais à l’époque dans une galerie et une trentaine qui avait été achetées. On peut donc dire que c’étaient mes planches préférées. En tout cas, aucune édition intégrale de Lycaons faite à partir des originaux n’est plus possible depuis cette date."

Interview dans du9
https://www.du9.org/entretien/alex-barbier-le-dernier-fauve-du/

Publications

  • Lycaons
  • Frémok
  • 10/2003
  • Page 130
  • Lycaons
  • Éditions Du Square
  • 07/1979
  • Page 70

Thématiques


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A propos de Alex Barbier

Alex Barbier naît à Saint-Claude dans le Jura. Après des études d'art, il devient professeur de dessin, mais l'éducation nationale le renvoie pour « attitude subversive ». Il commence à publier des bandes dessinées dans Charlie Mensuel en 1974. Réalisées à la couleur directe, abordant crûment la sexualité et recourant à une narration moderne, elles rencontrent aussi bien l'enthousiasme que le rejet : Gébé et Wolinski ont tout de suite voulu le publier, tandis que Métal hurlant a jugé ses pages « artistiques, dans le plus mauvais sens du terme ». Il refuse le blanc entre les images, les paroles rapportées dans les bulles et se consacre à construire une divagation plus qu'un récit chronologique. Entre 1982 et 1994, Alex Barbier se consacre à la peinture, puis revient à la bande dessinée avec Les Paysages de la nuit et Comme un poulet sans tête. Certains ont voulu reconnaître parmi ses influences : Francis Bacon, William S. Burroughs, Soutine, Edward Hopper, Louis-Ferdinand Céline… auxquels il conviendrait toutefois d'ajouter Stanislas-André Steeman6, Lucian Freud et Maurice Tillieux. Dans un reportage de 1994 intitulé Les Paysages de la nuit, Alex Barbier nous présente le village pyrénéen de Fillols, près de Perpignan, qui constitue le cadre de plusieurs de ses bandes dessinées et où il réside une bonne partie de l'année. En 2014, il publie Dernière bande, signant ses adieux à la bande dessinée. Une exposition lui est consacrée au Festival d'Angoulême 2015 dans l'Hôtel Saint-Simon.