Dans la collection de Difool 
Enki Bilal, Pierre Christin, La ville qui n'existait pas - Planche originale
3174 

La ville qui n'existait pas

Planche originale
1977
Encre de Chine
Sur feuille cartonnée
39.5 x 50 cm (15.55 x 19.69 in.)
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2ème case - Le réveil
3ème case
4ème case - Clin d'oeil à Michel Blanc-Dumont
5ème case - Référence à la couverture
6ème case - Le manège "champigon" et le dôme
Le rêve de Paulo
Pages 54 et 55 de l'album
Angoulême 2020 sur TV7
Exposition Angoulême 2020 "Dans la tête de Pierre Christin"
Angoulême 2020 sur TV7
Mise en couleurs Enki Bilal
Couverture du journal Pilote

Description

Légendes d'aujourd'hui -" La ville qui n'existait pas", planche n° 49, prépubliée dans le journal Pilote n° 42 de 1977.

Triptyque "Légendes d'aujourd'hui" - Tome 3 La ville qui n'existait pas.

Planche sélectionnée pour l'exposition "Dans la tête de Pierre Christin" présentée lors de la 47ème édition du Festival d'Angoulême, en 2020

https://www.youtube.com/watch?v=wG8mFoq9Jdg

Inscriptions / Signatures

Signée en bas à droite

Commentaire

L'histoire :
Dans le Nord de la France, dans les années 70, la petite ville de Jadencourt connait une lutte acharnée entre les classes. A la mort du patron de la fonderie, sa petite fille handicapée hérite de l’empire Hannard. Celle-ci utilisera sa fortune et son influence nouvelle pour créer une ville utopique pour les habitants. Une partie du récit est vue au travers des yeux de Paulo, 10 ans, enfant d'ouvrier, dont les parents se battent pour joindre les deux bouts.

La planche :
Elle renvoie au rêve de l'enfant dans les 2 premières planches de l'album, il s'est réalisé avec cette planche 49. Paulo rêvait de cette cité idéale dans laquelle il déambulait revêtu de son costume de fête. Mais la réalité s'avère décevante, la cité idéale se révélant une prison dorée. La ville dans laquelle on ne peut plus sortir ou entrer, car protégée par son dôme puis par des gens armés et des barbelés. Coupée du temps et de la réalité, elle devient "La ville qui n'existait pas".

A noter un clin d'oeil du dessinateur à un des ses amis dessinateur de Pilote de l'époque, sur la façade de la boucherie chevaline en case 4. La case 5 a inspiré en partie la couverture.

La nouvelle Jadencourt a été créée de façon démocratique, chacun donnant son avis dans une collaboration des classes idéale mais uniquement rendue possible par de grasses contreparties versées par l’héritière aux cadres dirigeants. Pour les emplois, la répartition et les réformes s’organisent également sur le mode de la discussion, les femmes conçoivent notamment les vêtements qu’elles fabriquent (voir case 5).

L'Art Nouveau :
Enki Bilal a donné à cette ville une unité architecturale qui regroupe toutes les caractéristiques de l’Art Nouveau. Le dessinateur doit apprécier ce courant, car on retrouve son influence dans d'autres albums, comme dans le début de la BD "Exterminateur 17" sur scénario de Jean-Pierre Dionnet. Il est né en réaction contre les dérives de l’industrialisation à outrance, tout comme désire se placer cette ville. Les formes utilisées sont organiques. L’ajustement des pierres rappelle la carapace des insectes. La forme du lit, la couverture, les dômes et les multiples arcs brisés de l'architecture sont comme des bourgeons, des pétales de fleurs. Le manège évoque un champignon. Les ferronneries enfin peuvent faire penser au travail de Hector Guimard. La circulation s’effectue par ailleurs à pied, aucune voiture n'est visible.

L'utopie :
Une croyance en l'utopie régnait également mais l'humour noir a heureusement préservé ce triptyque des "Légendes d'aujourd'hui" (composé également des albums “La croisière des oubliés” et du "Vaisseau de pierre") de certaines illusions idéologiques désormais bien dévaluées. L'opinion publique était à l’époque révoltée contre toute forme d'autorité que ce soit l'armée, la police ou le seul patron. Beaucoup étaient utopistes et croyaient en une société parfaite mais le duo d'auteurs n'a pas penché dans ce genre d'utopies qui se sont avérées par la suite obsolètes.

On peut rapprocher la création de cette ville d'autres réalisations architecturales :

- On doit à Le Corbusier les plans de Chandigarh en Inde, à partir d'un plan précédent d'Albert Mayer. Ville nouvelle construite après l'indépendance de l'Inde en 1947, et internationalement réputée pour son urbanisme.
- Il est possible de citer un autre exemple fameux, celui de Brasilia, inaugurée en 1960 dont le projet fut dirigé par les architectes Oscar Niemeyer et Lucio Costa. Le président Juscelino Kubitschek avait assuré aux Brésiliens « 50 ans de progrès en 5 ans ».

Cela traduit l'utopie à l'origine de ces créations. Car l'Utopie, dans la fiction politique écrite par Thomas More en 1516 dont découle le néologisme, c'est un lieu et son modelage, la création d'une île que l'on coupe du monde, comme cette ville sous son dôme, comme s'il n'y avait pas de rupture avec l'ordre établi qui ne soit d'abord acté par une rupture spatiale.

L'utopie, projection imaginaire d'une société idéale, c'est souvent, une question de lieu et une question d'architecture. Lieux réinventés dont la structure spatiale est censée être l'incarnation du projet politique.

Il n'y a alors qu'un pas pour que l'architecture ne devienne utopiste et ne s’invente une capacité à infléchir, par sa seule puissance, les rapports sociaux et, tout simplement réinventer la vie en réinventant les villes et les lieux. Ces créations ont été rattrapées par la réalité, utopie en grec signifie "nulle part"...

Cette BD n'est qu'une première approche de la ville, espace de conflit entre modernité et passé, qui deviendra une véritable fascination dans l'oeuvre de Enki Bilal.

Publication

  • La ville qui n'existait pas
  • Dargaud
  • 10/1977
  • Page 55

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A propos de Enki Bilal

Enes Bilal, dit Enki Bilal est un réalisateur, illustrateur, dessinateur et scénariste de bande dessinée né en 1951 à Belgrade et installé en France. Son œuvre se situe en partie dans la science-fiction et aborde notamment les thèmes du temps et de la mémoire. En 1987, il obtient le grand prix du festival d'Angoulême.