Dans la collection de Difool 
Enki Bilal, Pierre Christin, Les Phalanges de l'Ordre Noir - Planche originale
2808 

Les Phalanges de l'Ordre Noir

Planche originale
1978
Encre de Chine
Sur feuille cartonnée
39.5 x 50 cm (15.55 x 19.69 in.)
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Pages 22 et 23 de l'album
Case 1
Case 2
Case 3
Case 4
Case 5
Cases 6 et 7
Exposition Angoulême 2020 "Dans la tête de Pierre Christin"
Angoulême 2020 sur TV7

Description

Les Phalanges de l'Ordre Noir planche n° 17, prépubliée dans le journal Pilote n° 53 de 1978.

Planche sélectionnée pour l'exposition "Dans la tête de Pierre Christin" présentée lors de la 47ème édition du Festival d'Angoulême, en 2020

Inscriptions / Signatures

Signée en bas à droite

Commentaire

L'histoire :
Par une nuit d’hiver en Espagne, sur les hauts plateaux de la province de l’Aragon, une expédition punitive a pour cible un petit village. Tous ses habitants, y compris les femmes et les enfants, sont exécutés et le village est incendié. L’attentat est revendiqué par un groupe politique, les Phalanges de l’Ordre Noir, au nom des « valeurs de l’Occident chrétien ». Le village, haut lieu des affrontements entre républicains et franquistes à la fin des années trente lors de la guerre d’Espagne, venait de voter massivement à gauche lors des dernières élections…

A Londres, le journaliste sexagénaire Pritchard (à droite dans la 1ère case) constate que ses anciens ennemis de la guerre d’Espagne appartiennent à cette organisation de terroristes. Il ressuscite alors son équipe d’autrefois des Brigades internationales, composée d’une dizaine de militants du parti communiste. Une dizaine de personnes que l’âge a rendus las, mais qui sont toujours restés fidèles à leurs convictions de jeunesse.

Ils sont aidés par un personnage dont on ne connait pas le nom (il porte un bonnet noir sur cette planche) identifié dans le 1er album de la trilogie par les autorités qui le recherchent activement sous l'appellation très poétique de « 50/22 B ». L’individu contestataire milite aux quatre coins du globe, « un simple avatar du devenir historique, un figurant qui n’est que l’expression de forces sociales en luttes, luttes de classes bien sûr, où l’idéologie dominante se voit bafouée ». Il fait le lien entre le triptyque des Légendes d'aujourd'hui (La croisière des oubliés, Le vaisseau de pierre, La ville qui n'existait pas), Les Phalanges de l'Ordre Noir, et Partie de chasse où il ne fera qu'une très brève apparition.

Publié en 1979, « Les Phalanges de l’Ordre Noir » est un brillant récit, avec lequel Enki Bilal et Pierre Christin inaugurent la veine des thrillers politiques qu’ils reprendront un peu plus tard avec « Partie de chasse ».

Libération écrira «Les Phalanges de l'Ordre Noir vient de hisser définitivement le monde des bulles au niveau du roman».

La planche :
Les anciens des Brigades Internationales après s'être rejoints dans le village de Saint-Jean-de-Luz en France, ont pour premier objectif de passer la frontière afin de rejoindre Barcelone en Espagne, accompagné de ce mystérieux personnage, ami de Castejon (curé et ancien membres de la brigade), qui va leur permettre de franchir la frontière sans se faire prendre par les douaniers. Ils vont perdre leur camarade Donahue qui meurt d'une crise cardiaque en chemin. Comme quoi il ne faut jamais abuser du Pastis...

J'ai apprécié la composition de la planche avec de grandes cases bien aérées, et peu de textes. La partie haute de la planche décrit une scène d'intérieur, qui fait la part belle aux personnages pour lesquels on sent le poids des ans, voire le renoncement déjà pour Donahue, qui pressent sa fin proche. La partie inférieure représente le pénible cheminement dans la neige profonde, sorte de chemin de croix hivernal avec de grandes cases verticales, et l'annonce de la première fin tragique pour cette petite troupe, qui chemine péniblement mais obstinément vers son destin.

Cette planche reflète parfaitement selon moi cette méditation désenchantée sur la fraternité, le temps qui passe et la vanité des idéaux. Les auteurs présentent une vision cynique et glaciale du destin de l’homme et de ses combats idéologiques absurdes.

Le trait d'Enki Bilal reflète l'influence de Moebius, période « La déviation », et pourtant avec sa propre identité. Une multitude de détails et de hachures qui donne une puissance incroyable à ses planches !

Le contexte, présenté par les auteurs :
Extraits de l'interview issu de l'album "Fin de siècle" édité en 2016 :

Pierre Christin :
Il y a certainement eu pour moi, dans le désir de passer à quelque chose de plus puissant, la confiance de plus en plus grande dans le dessin d’Enki. Je voyais ses images prendre de plus en plus d’ampleur et de force, notamment dans le traitement de la couleur. […] Et puis surtout il y avait une réflexion politique manifeste, sur un sujet qui était vraiment contemporain : le terrorisme d’extrême gauche. Il y avait à l’époque dans pas mal de milieux, une complaisance qui m’outrait à l’égard des Brigades Rouges, Action Directe, ou la Bande à Baader. Cette soi-disant « violence révolutionnaire » face à des états démocratiques était une chose que je ne supportais pas et dont j’avais envie de parler.

Enki Bilal :
Après « la ville qui n’existait pas », de manière plus ou moins consciente, on sentait qu’on en avait fini avec la France et qu’il fallait ouvrir les portes, élargir le propos. Un jour Pierre m’a dit qu’il avait une idée. Quelques jours plus tard, quand il m’a fait lire un premier texte, j’ai été scotché. C’était clair, limpide, « indiscutable ».

Le thème de la guerre d’Espagne s’est imposé tout de suite ?


Pierre Christin :
Oui, il correspondait d’ailleurs à une forme d’actualité puisque l’histoire est née peu après la mort de Franco, à un moment ou le devenir de l’Espagne n’était pas clair. Mais la guerre d’Espagne me passionnait depuis très longtemps. […] Quand j’ai commencé à écrire l’histoire, il y avait aussi un sentiment d’urgence, car les anciens des Brigades internationales disparaissaient les uns après les autres ou devenaient trop vieux pour témoigner. Mais j’ai pu en rencontrer quelques-uns et les interviewer […].


Une autre chose très importante pour "Les Phalanges de l'0rdre Noir, c'est l'accueil critique et public qu'il a reçu. C'est un album qui a eu un impact considérable. La grande presse s'y est intéressée. La télévision avec "Apostrophes". On a l'impression que le livre correspond à un moment de maturation de la bande dessinée, et en même temps il a contribué à accentuer ce mouvement de reconnaissance. Vous vous attendiez à ce succès ?

Pierre Christin :
Pour les Phalanges je dirai que je n'ai rien vu venir. [...] Ce qui est sûr, c'est que le livre est arrivé à un moment où, tant sur le plan culturel que politique, les choses étaient prêtes.

Publications

  • Les phalanges de l'ordre noir
  • Dargaud
  • 10/1979
  • Page 23
  • Les Phalanges de l'Ordre Noir
  • Les Humanoïdes Associés
  • 11/1990
  • Page 23
  • Les Phalanges de l'Ordre Noir
  • Magnard - Casterman
  • 09/2009
  • Page 23

Thématiques


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A propos de Enki Bilal

Enes Bilal, dit Enki Bilal est un réalisateur, illustrateur, dessinateur et scénariste de bande dessinée né en 1951 à Belgrade et installé en France. Son œuvre se situe en partie dans la science-fiction et aborde notamment les thèmes du temps et de la mémoire. En 1987, il obtient le grand prix du festival d'Angoulême.