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Enki Bilal, Pierre Christin, La ville qui n'existait pas - Comic Strip
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La ville qui n'existait pas

Comic Strip
1976
Ink
38 x 50 cm (14.96 x 19.69 in.)
Added on 3/27/25
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La ville qui n'existait pas couleur

Description

Planche 35
Prépubliée dans Pilote mensuel n°41 d'octobre 1977

Inscriptions

Signée au crayon à papier

Comment

En 1972, Pierre Christin a déjà à son actif trois épisodes de la série Valérian qui commence à rencontrer un certain succès. Dans l’hebdomadaire Pilote parait son scénario Rumeurs sur le Rouergue dessiné par Jacques Tardi, une histoire folklorique, sociale et fantastique.
Mais Tardi préférant illustrer ces propres histoires, Christin proposera son deuxième scénario dans la même veine à un jeune dessinateur de 21 ans.

1972 est aussi pour Enki Bilal l’année de ses premières publications dans Pilote, essentiellement des histoires de science-fiction.
Il accepte la proposition mais n’étant pas très à l’aise avec une histoire trop contemporaine, il demandera à son scénariste de mettre plus de fantastique et un coté onirique à son récit.

Leur premier album La Croisière des oubliés parait en 1975 aux éditions Dargaud dans la collection Histoires Fantastiques. Sur la couverture se trouve le sous-titre Légendes d'aujourd'hui.

Les deux auteurs se retrouvent une nouvelle fois en 1976 pour Le Vaisseau de pierre, dans la même collection.

Leur troisième collaboration La ville qui n’existait pas est d’abord publiée dans la revue Pilote, alors mensuelle, du numéro 39 à 42, d’aout à novembre 1977, puis est éditée la même année, toujours aux éditions Dargaud.

Sur la couverture de l’édition originale de 1977 le sous-titre Légendes d’aujourd’hui disparait étrangement.



Il sera présent sur des rééditions, et aujourd’hui les 3 histoires sont connues et regroupées sous ce titre global, faisant l'impasse sur les 2 récits suivants.

La couverture originale de cet album se trouve dans cette collection.



Après les Landes pour la Croisière des oubliés et la Bretagne pour le Vaisseau de pierre cette nouvelle histoire se passe dans le Nord de la France. A chaque fois les deux auteurs partent en repérage pour mieux connaitre et pour s'impregner des lieux.

La ville qui n’existait pas débute par un rêve, se poursuit par une grève et commence véritablement avec le décès du fondateur d’un empire industriel local. Sa seule héritière est sa petite-fille Madeleine bien décidée à reprendre le flambeau à sa manière.

Résumé extrait du Pilote 41



Dans ce récit il n’y a plus la dimension fantastique qui était présente dans les précédents scénarios, mais les trois histoires ont en commun leur dimension politique, sociale et un fort ancrage dans la société de l’époque.

Extrait du long entretien d’Enki Bilal issue de l’excellent livre L’art de la prospective à ce propos :
J’étais sur la même longueur d'onde que lui. Nous n'étions pas militants, ni l'un ni l’autre, moi encore moins. Pierre avait une conscience politique plus affirmée que la mienne, du fait de notre différence d'âge, sans doute, et aussi parce qu’il avait une formation d'universitaire, et parce qu'il était prof de journalisme. Il évoluait dans un milieu plus politisé que celui des artistes.

Après avoir hérité la jeune Madeleine qui est paralysée en fauteuil roulant décide de mettre toute sa fortune et ses moyens industriels pour réparer les dommages causés sur les ouvriers par des années d’exploitation.
Pour cela elle va commencer à rencontrer un à un les directeurs des différentes industries dans la luxueuse voiture de son grand-père.

La planche présentée montre un de ces moments où Madeleine parvient avec milles ruses à soudoyer un à un les administrateurs pour les soumettre à sa grande idée : transformer la ville sinistrée en une cité idéale coupée du monde par un dôme, et en faire une véritable utopie moderne.

Christin déclarait dans une interview au magazine Schtroumpf - Les Cahiers de la bande dessinée en 1973 :
Ce qui est amusant, c'est de décrire des sociétés possibles, donc non idéales et fragiles, de les regarder se faire et se défaire. Mais après tout, je n'ai pas la science infuse, mon regard peut être perturbé. En tout cas, il ne peut pas être moralisateur et normatif. Sinon, je rentre dans une littérature téléguidée ce n'est pas la peine : ça c'est l'action politique

En revanche, alors que les deux premières histoires mettaient en scène une espèce de militantisme heureux celle-ci est beaucoup plus sombre.

On retrouve dans la planche la voiture dans laquelle Madeleine se déplace tout le long du début de cet album.
Cette voiture qui est aussi sur la couverture de l’album s’inspire de la Rolls-Royce modèle Phantom III cabriolet de 1937.



La seconde case de la planche, avec la voiture et les tours de la centrale électrique, a servi d’inspiration pour la couverture du Pilote n°41.



Dans sa mission l’héroïne est aidée par un mystérieux personnage aux cheveux mi-long vêtu d’un manteau au col relevé.



Cet homme, déjà présent dans les deux premières histoires, apparaitra dans les cinq récits du duo faisant ainsi le lien entre ses histoires indépendantes.

Dans le même entretien Enki Bilal revient sur ce personnage :
Ce héros sans nom deviendra le héros récurrent et finira par marquer les lecteurs ! C'est vrai qu'il plaisait aux lecteurs, ils appréciaient le fait de le retrouver dans chaque histoire. J'aimais aussi beaucoup cette espèce de héros un peu sombre, qui, même s'il était atypique, correspondait finalement bien aux codes de la bande dessinée.

Le dessin de Bilal utilise à cette époque la technique hachures et points dans un style influencé par Gustave Doré.
Encore deux albums avec cette technique Les Phalange de l’ordre noir, et La Foire aux immortels (son premier album en tant qu’auteur complet) et ce sera la couleur directe avec Partie de chasse.

Le scénario de Christin fait la part belle aux paysages et aux décors.
D’abord le Nord avec ses dunes balayées par le vent, ses petites routes sous la pluie, sa ville typique de cette région. On retrouve les deux derniers aspects sur cette planche.

Dans l’interview qu’il donne à Sapristi en 1994 Bilal ne semble pas ravi du résultat :
Maintenant je peux le dire, j’ai énormément souffert pour La Croisière des oubliés, Le Vaisseau de pierre et La ville qui n’existait pas. Il fallait que je dessine des arbres et des campagnes, françaises en plus (rires). A l'arrivée, c’est nul, ce n'est pas du tout ça.

Plus à l’aise pour les villes le dessinateur donne libre court à son imagination pour créer la cité idéale à l’inspiration art nouveau comme le montre cette planche sur 2D avec un très intéressant commentaire.

Pour finir je cite encore une fois les paroles d’Enki Bilal issues du n°53 de la revue Schtroumpf - Les Cahiers de la bande dessinée.:
Grâce à ses scénarios et à mon graphisme, un peu torturé, nous avons mis au point un style d'histoires inhabituels dans la bande dessinée. Parler des pêcheurs bretons, d'un camp militaire dans les Landes, d'une ville dans le Nord de la France avec des travailleurs en grève était nouveau en bande dessinée.


Planche achetée en 2001 à la galerie Maghen.

Publication

  • La ville qui n'existait pas
  • Dargaud
  • 10/1977
  • Page 41

12 comments
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About Enki Bilal

Enes Bilal, also known as Enki Bilal, is a film director, illustrator, cartoonist and comic strip scriptwriter who was born in Belgrade, in the former Yugoslavia, in 1951 and now lives in France. Part of his work is in the field of science fiction, dealing in particular with the themes of time and memory. In 1987, he was awarded the Grand Prix at the Angoulême Festival.