Monsieur Jean - Les Nuits les plus blanches

Planche 2 de l'histoire Le voyage à Lisbonne
Pas de prépublication

Signée par les deux auteurs

Philippe Dupuy et Charles Berberian se rencontrent en 1983. Très vite ils décident de travailler ensemble, et la même année ils publient leurs premières histoires dans P.L.G.P.P.U.R un fanzine de qualité qui mélange bd et interview d’auteur.
Leur premier album Petit peintre parait aux éditions Magic Strip en 1985 dans la collection Atomium.

Depuis 1984 ils collaborent à Fluide glacial mais malgré une présence régulière et des albums publiés ils auront du mal à véritablement s’épanouir, tant ils se sentent peu fait pour l’humour du magazine.

C’est enfin en 1989 que parait, dans l’album collectif Frank Margerin présente … la fête, leur première histoire avec un nouveau personnage Monsieur Jean, un écrivain ayant un petit succès et vivant à Paris des aventures tragi-comiques entouré de ses amis.

Deux ans plus tard parait le premier tome aux Humanoïdes associés : Monsieur Jean, l’amour, la concierge.

Parallèlement les deux auteurs mènent une importante activité dans la publicité pour de nombreuses marques.
Toujours en évolution que ce soit au niveau du dessin que des histoires le deuxième album de Monsieur Jean est publié en 1992 :Les Nuits les plus blanches.

Pour ce tome ce sont encore une succession d’histoires plus ou moins courtes.
Mais un récit se détache des autres par sa longueur mais aussi par ses thèmes : Le voyage à Lisbonne

Dans l’entretien avec la revue Bo Doï n°28 Philipe Dupuy revient sur cette histoire

Ce n'est pas un hasard si dans ce deuxième album Monsieur Jean va à Lisbonne, puisque c'est dans cet album-là qu'il commence à regarder son passé. Le premier album est un recueil d'histoires courtes où le personnage se met en place et on ne sait pas du tout où on va. Avec cette histoire, on s'aperçoit que, dans le cadre d’un 46 pages, on peut en consacrer la moitié a une grande histoire.

Ce récit commence avec les 30 ans de Monsieur Jean entouré de ses parents. La première case de cette histoire rappelle la dernière case de sa première aventure.

A cette occasion le tout juste trentenaire reçoit comme cadeau une perceuse !

La planche présentée est la seconde de ce récit qui en compte 15.
Monsieur Jean est d'abord au café parlant d’une lettre égarée avec son ami Clément, puis il essaye sa nouvelle perceuse dans son appartement avec peu de succès et enfin dans le bureau de son éditeur qui lui annonce son prochain voyage dans la capitale portugaise.

La suite de l’histoire mélange l’humour, la mélancolie et fait même appel à Pessoa le grand poète lisboète.

Dans le numéro 50 de PLG qui leur est consacré Berberian revient une nouvelle fois sur cet épisode particulier :

Je vais vous expliquer pourquoi M.Jean va à Lisbonne: pour deux raisons. Au début, Jean fête ses 30 ans, il s'est écrit une lettre lorsqu'il avait 17 ans et n'arrive pas à la retrouver, c'est donc ce qui va provoquer cette histoire. Comment raconter un sujet de ce genre en bande dessinée ? Parallèlement, nous avions une anecdote, Jean coincé dans une fête loin de chez lui ne pouvant pas repartir (il n'a pas le permis de conduire) et dans l'attente de la première voiture qui s'en va, s'emmerde, trouve un lit sur lequel il s'endort et se réveille le lendemain et tout le monde est déjà reparti. Ce sujet nous plaisait...
Là-dessus, un copain me parle de Pessoa et de cette fameuse Saudade portugaise qui est une espèce de sentiment nostalgique mêlé de mélancolie qu'il a beaucoup développé dans son œuvre.
Nous avons donc décidé de le faire voyager au Portugal et de mélanger tout ça ensemble, les choses ont commencé alors à se mettre en place.

Les trois strips qui forment la planche sont trois mini histoires qui se répondent l'une l'autre par une mise en page dynamique.
Trois unités de lieu, de temps et d'action.

L’anecdote de la lettre égarée et cherchée est directement tirée de la vie de Charles Berberian comme il le raconte toujours dans la revue PLG :

J'avais lu à 17 ans une interview de (Moebius) dans le bouquin de Numa Sadoul où il disait qu'il s'était écrit à lui-même une lettre à 15 ans pour quand il serait grand, j'ai trouvé cette idée et j'ai fait la même chose. Mais je l'ai tellement bien rangée, que je ne l'ai jamais retrouvée ! J'ai fouillé partout chez mes parents, j'ai mis à sac mes affaires...Rien

Une histoire pleine de qualité et marquante.
Le style de Dupuy&Berberian a beaucoup évolué mais il est resté toujours très lisible proche de la ligne claire et à une certaine école parisienne qui compte Chaland, Avril ou Clerc.
Détail de la planche avec la première case et son ambiance bistro.


En bonus une dédicace sur l’album faite à la convention BDExpo de Paris en 1993

Planche achetée en 2001 dans une vente aux enchères caritative en soutien à la famille du dessinateur Crespin décédé, à cette époque il n’y avait pas de planche de ces auteurs en vente.