Dans la collection de Spirou 
Jijé, Jean Doisy, Valhardi n° 6 « Valhardi contre le Soleil noir », planche 42, 1957. - Planche originale
1893 

Valhardi n° 6 « Valhardi contre le Soleil noir », planche 42, 1957.

Planche originale
1957
Encre de Chine
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Atamato, le "méchant" de l'histoire.
L'édition originale.
La réédition.
L'édition prestige dans la Collection Jijé.
Publication dans SPIROU.
Annonce pour l'épisode, Spirou n° 967.
Spirou n° 987.
Le dernier plat de l'édition originale.
Promotion de l'album dans la Collection Jijé.

Description

(Pièce en collection depuis des lustres, et que je n'ai pas pris/trouvé le temps de présenter plus tôt sur ce site - merci de votre compréhension.)

Commentaire




JIJE : encre de chine pour la planche 42 de Valhardi contre le Soleil noir publiée dans le très beau Journal de SPIROU n° 987 du 14 mars 1957. Signée dans la dernière case. DUPUIS publiera cette aventure en album à partir de 1958.


L'épisode touche à son dénouement, Jean Valhardi, Gégène et Jimmy découvrent le pot aux roses du trafic de voitures miniatures en or massif, et dans la foulée se font coincer par Atamato, le « méchant » japonais de cette aventure délicieusement manichéenne. Sans doute un des trois meilleurs albums de VALHARDI, parmi ceux de JIJE, avec Le Gang du Diamant et Le mauvais Oeil. Encrage généreux, composition théâtrale et suspense de fin de planche.


Ci-après une partie du texte de la préface que j'ai eu la chance de rédiger pour l'édition de la Collection Jijé en 2015. Soleil noir de la mélancolie... Empreint d’une solide culture classique acquise lors de ses études à l’École Saint-Joseph de Maredsous, Jijé - dont le père publia de nombreux textes poétiques en dialecte wallon - ne pouvait ignorer le plus célèbre poème de Gérard de Nerval. Le fameux oxymore du Soleil noir lui fournit le titre idéal pour l’aventure de Jean Valhardi proposée par le Journal de Spirou à partir de son n° 967 du 25 octobre 1956. Pas une once de mélancolie chez ce Valhardi amené ici à affronter une puissante organisation mystérieuse. Et les lecteurs du Journal de Spirou le savent - tout du moins ceux familiers de l’hebdomadaire des années 1941 à 1954. Jean Valhardi est un héros dynamique, positif, un « redresseur de torts » à la poigne de fer et à la droiture d’esprit exemplaire. Tout en rivalisant avec une multitude de publications concurrentes, les Éditions Dupuis ont dû remplacer au pied levé les séries américaines que la guerre ne permettait plus de publier. Le héros imaginé en 1941 par Jean DOISY, rédacteur en chef du journal, aura donc un petit quelque chose de Superman et de Tarzan. Pas de super-pouvoir, ni de vie dans la jungle, non. Mais le même dynamisme, le même punch, la même force de vie. Va, l’hardi ! L’onomastique livre ici des clefs en toute transparence, jusqu’aux initiales qui résonnent comme une ligne directrice du personnage. J’y vais ! Valeureux, valable, hardi, une force qui va hugolienne anime ce qui n’était qu’un être de papier, pour en faire un personnage de chair et d’esprit, caractérisé autant par son élan vital que par l’essence idéalisée de sa morale. À l’origine, le personnage est conçu pour illustrer et incarner les principes moraux du fameux Code d’Honneur des A.d.S., le grand mouvement de jeunesse des Amis de Spirou créé en août 1938, dans la lancée de la naissance de l’hebdomadaire de bandes dessinées. Le prénom Jean est alors si commun, si populaire, si répandu qu’il est impossible pour le lecteur de ne pas s’identifier instantanément au héros. Sa fameuse poignée de main à la Valhardi vient encore ajouter un effet de réel qui renforce la croyance imaginaire, dans le cœur et la tête des gamins, en l’existence quasi réelle du personnage. La popularité de Valhardi est également favorisée par sa présence régulière dans les pages du Journal de Spirou. Bien qu’abandonnée par Jijé la dernière semaine de juin 1946 (Les Cargos disparus) la série est de suite reprise par le dessinateur Eddy Paape dans le Journal de Spirou de la semaine suivante (épisode Les Rubens). Aidé au scénario par Jean Doisy, Yvan Delporte puis Jean-Michel Charlier, Paape anime le personnage jusqu’en 1954. Si les lecteurs ont toujours dévoré les aventures de Valhardi, dont ils attendent la suite depuis deux longues années, c’est donc après dix ans de séparation que le héros est de nouveau pris en mains par son créateur graphique, bien décidé à lui faire vivre une aventure hors du commun.
Mais revenons à Valhardi contre le Soleil noir. D’emblée une dichotomie manichéenne suggère que l’astre en question ne se situe pas du côté du Bien. Quel est-il, cet étrange et fascinant Soleil noir ? C’est justement en cela qu’on peut parler de titre « parfait ». En ce qu’il donne envie de savoir. Donc de lire, et - s’il faut rester bassement matériel - de débourser 30 anciens francs français ou 6 francs belges pour acheter l’hebdomadaire, bien davantage pour se procurer la reliure éditeur ou l’album à partir de 1958. Car comment connaître, autrement, quoi que ce soit d’un astre solaire qui puisse être noir, froid, dépourvu de ses attributs essentiels : chaleur et lumière ? À cette problématique Jijé ne répond pas; toutefois, le lecteur ne sera pas déçu. Une fois l’album refermé, on retiendra du Soleil noir que c’est une organisation nébuleuse et opaque dont la finalité est de préparer un destin central, solaire et brillant à l’Asie, et particulièrement au pays du soleil levant. Tout cela fera pschittt. Tant il est vrai qu’un soleil viable ne saurait être noir… On peut aussi y voir en filigrane une résurgence estompée du mythe du péril jaune si vivace au début du XXe siècle. Surtout lorsqu’on mesure combien Jijé était impressionné par les dangers - réels ou phantasmés - des enjeux et des rivalités géopolitiques. La guerre froide ne poussa-t-elle pas l’artiste à s’exiler précipitamment en Amérique au sortir de la Seconde Guerre mondiale, avec toute sa famille et deux amis dessinateurs, aussi jeunes que prometteurs, nommés Morris et André Franquin ?
La couverture de l’album intrigue par sa composition originale et son cadrage audacieux. Elle appelle l’œil et frappe l’esprit par ses tonalités éclatantes. Le rêve aéronautique, le mythe de l’avion à réaction sont d’actualité en 1956. Que fait Valhardi aux commandes de cet engin au fuselage rouge orangé ? Et quel rôle jouent ces trois autres avions qui arborent, eux aussi, sur leur empennage l’étrange soleil éteint ? Il faudra, pour répondre en partie à ces questions, attendre de progresser à la moitié de la lecture du récit. Tout, ici, contribue et participe au suspense. Dans les trois premières planches, ce sont les monologues de Valhardi qui soulignent la mise en place des tensions narratives, des questionnements, des attentes liées à l’aventure. L’auteur s’est vite rendu compte que cette prédominance tout à fait singulière des soliloques, qu’ils soient menés à voix haute ou bien in petto, n’avait rien de naturel et rien de commode. Il fallait, pour répondre au héros, sinon un faire-valoir, au moins un partenaire. D’où l’apparition providentielle de Gégène. Une fois le duo constitué, Jijé emploie ici la même astuce qu’au début de Golden Creek, la première aventure de Jerry Spring : faire croire qu’un personnage, menacé par des bandits, est mort. La comparaison entre les deux albums ne s’arrête pas là. Valhardi tutoie Gégène, qui est trop impressionné pour s’affranchir du vouvoiement. Jerry et Pancho entretiennent, dans les premiers temps de leur rencontre, les mêmes rapports asymétriques. En multipliant inconsciemment les convergences et les similitudes avec l’épisode inaugural de la série Jerry Spring, après dix années d’interruption de son autre série maîtresse, Valhardi, Jijé agit comme si cette aventure était la toute première de l’athlétique héros blond. Et c’est un renouveau, effectivement. L’époque n’est plus la même qu’en 1941, lorsque Valhardi faisait ses premiers pas en bande dessinée. Les récits ne peuvent plus être aussi manichéens et naïfs. Lorsque Jijé décide, quinze ans plus tard, de reprendre les rênes de sa série, il tâche d’apporter davantage d’épaisseur et de crédibilité aux personnages et aux situations. Délaissant l’humour de Blondin et Cirage, il revient à Valhardi avec la volonté de s’exprimer dans la veine réaliste, pour laquelle - à juste titre - on l’a vivement complimenté à la publication des aventures du cow-boy Jerry Spring. Le dessin réaliste est alors considéré comme nettement supérieur au dessin comique, et comme le seul moyen un tant soit peu sérieux d’exercer le métier, sinon d’être reconnu comme un artiste de valeur.
Qui dit réalisme du dessin dit-il réalisme du récit ? On aurait bien du mal à résumer clairement l’intrigue de l’album. Tout commence lorsque Jean Valhardi croise le chemin - ou plutôt la route - de la Citroën 2 CV du journaliste Marchand. Il faudra pourtant attendre la toute dernière planche pour découvrir le visage de ce personnage qui n’aura servi que de prétexte à amorcer l’aventure. Mais là n’est pas le plus déroutant dans le fil de cette histoire. En réalité, tout se joue autour d’un étonnant Japonais nommé Atamato, tour-à-tour domestique obséquieux et stylé se déplaçant en solex, chef d’une très puissante organisation clandestine, commandant d’une base secrète ultrasécurisée au cœur du Pacifique, ancien combattant des forces japonaises lors de la récente guerre mondiale, traître prêt à se déshonorer par pure cupidité, trafiquant d’or à une échelle internationale… Doté d’un certain charisme, il permet à Jijé d’aligner des séquences pleines de suspense, de tension, et d’action, toutes empreintes d’un charme évident. Le lecteur se laisse entraîner dans l'histoire, bien qu’à l’image du caractère insaisissable de la personnalité d’Atamato, les cartes soient brouillées et l’intrigue un peu brouillonne, confuse, manquant assurément de logique et de vraisemblance. Qu’importe ! Dans l’instant et le plaisir de la découverte de chaque planche, on y « croit » tout de même. Et l’intention de Jijé est là, c’est-à-dire ailleurs que dans la construction rigoureuse et raisonnée d’une intrigue réaliste. L’ensemble ne résisterait pas à une analyse méthodique, mais chaque séquence, prise une à une et indépendamment des autres, reste crédible. Mieux : chacune de ces séquences nous emporte, frappe l’imagination puis la mémoire du lecteur. Le but est atteint. Il s’agissait de proposer des aventures « sensationnelles », selon l’expression de la page d’annonce publiée en couverture du Journal de Spirou n° 967. Il fallait des sensations. Toucher les sens, surprendre et susciter l’attention. Créer une tension, et la maintenir. Du reste, l’attitude arborée par Valhardi en couverture de l’hebdomadaire est fort significative : bras croisés, jambes solidement appuyées au sol, farouchement déterminé, le héros y exprime une tension intérieure ne demandant qu’à se libérer dans l’action contre quelque force maligne. Jijé jouera du même procédé en l’accentuant lorsqu’il composera les somptueuses illustrations de la page de titre et du dernier plat de l’album suivant, Le Gang du Diamant. L’esprit de la série tel que le concevait son auteur au milieu des années 1950 est entièrement contenu dans l’expressivité de ces trois dessins. De la tension et de l’action, donc, il y en a, tout au long de l’album ! Course-poursuite, attentat à la grenade, nouvel attentat - déjoué celui-ci - aux explosifs dissimulés dans un bouquet de fleurs, effraction d’une villa, séquestration sous la menace d’une arme, filatures, coups de poing, nouvelle séquestration, tentative d’évasion, dévoilement d’un avion supersonique dissimulé sous un hangar de ferme, neutralisation par un somnifère… Et surtout, surtout, la grande évasion. L’évasion - réussie ! - d’une île secrète dont on ne s’évade pas. La séquence la plus marquante, celle qui imprime profondément le souvenir des lecteurs, reste celle de cette île de l’Océan Pacifique dont Atamato a fait une base secrète. Valhardi, Gégène et le prisonnier américain Jim Leary ne cessent de s’y jouer des gardiens, avant d’échapper définitivement à leur surveillance. Ce séjour contraint dans une île exotique constitue bien le cœur de l’album Valhardi contre le Soleil noir.
On l’a dit, l’épisode est également marqué par l’apparition d’un nouveau personnage de la série, Gégène, et c’est là un de ses aspects les plus intéressants. Gégène a un look cool, relax. Il s’habille de façon jeune, moderne, décontractée, un poil artiste.
[...]


Publication

  • Valhardi contre le Soleil Noir
  • Dupuis
  • 01/1958
  • Page intérieure

Voir aussi :   Valhardi

Thématiques


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A propos de Jijé

Joseph Gillain, dit Jijé est un scénariste et dessinateur de bande dessinée belge.Jijé est considéré comme l'un des pères de la bande dessinée franco-belge. Son influence a été décisive sur plusieurs générations d'auteurs, qui ont travaillé à ses côtés, ont parfois été ses assistants ou plus simplement sont venus lui soumettre leurs travaux et ont bénéficié de ses conseils. Jijé reçoit le Grand Prix Saint-Michel 1975 et il est sacré Grand Prix de la ville d'Angoulême en 1977.

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