Dans la collection de Vertommen
Raymond Macherot, Sibylline - Illustration pour la page de garde - Sibylline en danger. - Illustration originale
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Sibylline - Illustration pour la page de garde - Sibylline en danger.

Illustration originale
1967
Encre de Chine
Encre de chine, mine de plomb sur papier à dessin. Accompagné de son calque d’indication des couleurs.
17 x 9 cm (6.69 x 3.54 in.)
Dimension du support papier à dessin : 22,5 x 32 cm
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Détail.
Détail.
Détail.
Calque d’indication des couleurs
Détail du calque d’indication des couleurs.

Description

Illustration pour la page de garde de l'album "Sibylline en danger".

Inscriptions / Signatures

Sur calque uniquement.

Commentaire

« Sibylline en danger » a été publié, en album, dès janvier 1968.
Cet album (numéro 2 de la série) compile les histoires « Sibylline et l’imposteur » (pré publiées dans Spirou N° 1488 du 20/10/1966 au N°1497 du 22/12/1966) et « Sibylline en danger » (pré publié dans Spirou N° 1510 du 23/03/1967 au N° 1529 du 03/08/1967.
Par après, il y eu diverses rééditions de cet album.
Cette illustration pour la page de garde fut également publié en 2007. Mais cette fois-ci comme quatrième de couverture de l’album « L'atelier de Raymond Macherot » de Philippe Cauvin et Raymond Macherot aux éditions « Melmac ».
Egalement publié dans l'intégrale Sibylline (1965 - 1969), chez Casterman en octobre 2011.


Nous y retrouvons Bacafleur, un rat noir encore plus idiot qu’Anathème Percemiche, 65e du nom pour lequel il est son assistant, poursuivant notre héroïne Sybilline.


Quand on parle de Raymond Macherot, c’est de la grande histoire du neuvième art qu’on parle.
Non-content d'être novateur, Raymond Macherot était également un visionnaire.
Sa superbe leçon d’équilibre entre un trait d’une douce rondeur et des histoires bien plus réalistes qu’il n’y paraît, illustrant souvent la « loi de la nature » sous un angle cruellement humain, Raymond Macherot a laissé une trace indélébile dans le paysage du 9e Art.

Malheureusement, force est de constater que le nombre de thèmes, qui y sont abordés dans ses histoires avec légèreté et humour, sont toujours très actuels (féminisme, migration, opportunisme, leçon politique, …).

Les rats de Macherot ont cette particularité d’incarner la recherche du pouvoir et l’injustice d’un coup d’Etat sur une société autonome et libre.

Nous nous venons donc à nous poser la question suivante : gentilles souris contre méchants rats ?

Dans la bande dessinée occidentale, les rats ont toujours le mauvais rôle face à leurs petites cousines les souris. Une image héritée du Moyen-âge qui a déterminé nos préjugés et notre vision de ces rongeurs envahissants.

De Mickey à Sibylline, face au rat, la souris incarne toujours le bien.
Espiègles, curieuses et intelligentes, innocentes et parfois naïves, c’est aussi des souris qu’Art Spiegelman a choisi pour représenter les victimes de l’holocauste dans Maus, où les bourreaux nazis sont incarnés par des chats. (1)

Dans la réalité, les souris appartiennent à la même famille que les rats, tout aussi envahissantes, nuisibles pour les récoltes qu’ils détruisent par leur souillure.
Comme les rats, les souris sont également vectrices de nombreuses maladies parmi les plus graves.

Question de physionomie et délits de facies, en comparaison à la petite souris blanche, le gros rat noir avec sa face de fouine, ses yeux rouges, sa queue repoussante et son air agressif ne recueille pas les faveurs des hommes.

Compagnons indésirables depuis la préhistoire, les rats profitent de l’homme qui leur fournit nourriture et abri.
L’homme et le rat sont pour ainsi dire inséparables et, jusqu’au bout du monde, les rats apportés par les navires ont suivi l’homme dans la colonisation.
Pour couronner le tout, leur caractère noctambule ajoute aux autres nuisances celui du tapage nocturne, ces bruits insupportables de rats qui grignotent, rongent ou grattent, jouent ou se chamaillent.
Opportunistes, dotés d’une ouïe, d’un gout et d’un odorat surdéveloppés, ces mammifères omnivores disposent d’incisives d’une efficacité redoutable, capables de ronger les métaux les plus durs.

Les rats repoussent par leur apparence, mais leur intelligence impressionne encore davantage en inspirant des fables terrifiantes ou des légendes populaires comme « Le joueur de flûte » de Hamelin, le célèbre conte des frères Grimm qui met en scène le plus grand dératiseur de tous les temps.
La grande peste noire en Occident au XIVe siècle a fini de tailler leur réputation, même si les puces étaient les véritables responsables de l’épidémie.

En 1668, Jean de la Fontaine distingue dans sa fable, le « rat de ville » du « rat des champs », même si à cette époque on désignait presqu’indifféremment les souris et les rats.
Il existe de nombreuses espèces de rats, mais les plus communément répandues en Occident se séparent en deux grandes espèces, toutes deux originaires d’Orient.
Le rat noir (Rattus rattus) s’oppose au rat brun (Rattus norvegicus), communément appelé rat d’égout, rat gris ou encore surmulot, immigrant récent dont la présence est attestée en Europe depuis 1727.

Les rats d’égouts plus adaptés à la vie urbaine ont peu à peu supplanté le rat noir, d’un naturel plus sauvage qui s’est depuis refugié à la campagne.
Ces deux espèces ne se ressemblent pas. Le rat noir s’accommode très mal de l’humidité et surtout s’associe par affinité individuelle à la différence des rats d’égouts qui respectent les règles très strictes du clan.

Une sociabilité inhérente à l’espèce comme l’a démontré l’expérience de Didier Desor (2).
Celui-ci a apporté la preuve que si le rôle des rats d’égout dans le clan n’était pas forcément déterminé à la naissance, la hiérarchie du clan impose nécessairement une répartition systématique de chacun des individus dans la société.
Cette sociabilité a privilégié la sélection génétique des rats d’égout pour l’utilisation en laboratoire et la domestication.


Albert Einstein disait “si le rat pesait 20 kg, l’homme ne serait pas le maître du monde”. Car les rats se comptent par milliards.
Si les rats noirs atteignent rarement les 250 grammes, les gros rats d’égout peuvent facilement dépasser les 400 grammes.
Avec leur rythme de reproduction accélérée les rats prolifèrent à une vitesse exponentielle, si bien qu’il est du ressort des autorités publiques de limiter leur population à défaut de pouvoir les exterminer.

En règle générale, on compte un rat par habitant dans les villes des pays développés et beaucoup plus dans le tiers monde.

Malgré une mortalité forte, la descendance d’une femelle peut compter plusieurs centaines d’individus sur une année.
En dépit des efforts des hommes pour les éradiquer, l’intelligence des rats, leur capacité de raisonnement, de mémorisation et d’adaptation les protègent et ils deviennent rapidement résistants aux produits anticoagulants.

Comble du paradoxe, le rat se révèle surtout un précieux allié écologique dans l’absorption des déchets et permet ainsi de déboucher quotidiennement égouts et canalisations. Les rats parisiens dévorent chaque jour 800 tonnes de détritus organiques.
Symbole d’avarice, de couardise, s’ils sont toujours les premiers à quitter le navire, les rats n’en sont pas moins solidaires, capables de sauver leur congénère coincé dans un piège.
Ultra-sociaux, ils font d’excellents animaux domestiques en construisant des relations complexes avec leur maître.

A la fin des années 70, le rat en animal de compagnie se multiplie, un phénomène renforcé par le succès du film d’animation Ratatouille de Pixar en 2007.

Doit-on y voir un petit pas vers une réconciliation ?


Exposition :
- Planche présentée, lors de la plus grande exposition de planches originales que la Scandinavie ai jamais connue, au Danmarks Industrimuseum (Horsens) du 16 avril au 21 août 2011.


Je vous engage à consulter les autres œuvres de Raymond Macherot se trouvant dans ma galerie 2DG :
www.2dgalleries.com/galleries/raymond-macherot-6178


(1) Des rats et des hommes - Le Calamar noir.

(2) Une étude scientifique en éthologie et neuroscience comportementale dans le cadre d’une thèse soutenu par Desor Didier en 1994 est extrêmement intéressante à découvrir.

Publications

  • Sibylline en danger
  • Dupuis
  • 01/1968
  • Page intérieure
  • 1965-1969
  • Casterman
  • 10/2011
  • Page intérieure
  • L'atelier de Raymond Macherot
  • Melmac
  • 01/2007
  • Quatrième de couverture

Voir aussi :   Sibylline

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A propos de Raymond Macherot

Raymond Macherot est un auteur de bande dessinée belge. Teintée d'une poésie très personnelle, l'œuvre de Raymond Macherot exprime, à travers les métaphores animalières, une satire acérée de la société des hommes, dans un état d'esprit « écolo » avant la lettre. Toutefois, cette poésie n'exclut pas un réalisme cruel en ce qui concerne la condition animale, gouvernée par la quête de nourriture.