Chlorophylle - Pas de salami pour Célimène

Chlorophylle
Dessin et scénario: Macherot Raymond
Tome 3 "Pas de salami pour Célimène" 1957
Planche 5
35/48cm

Cette planche est publiée pour la première fois dans le Journal de Tintin n°46 de 1955. Les planches originales de cet épisode varient en taille. Nous avons ici une grande planche (35/48 cm!). Ce nouvel épisode des aventures de nôtre petit héros fait suite à "Chlorophylle et les Conspirateurs". Pour ce nouvel opus, Macherot décide de confronter son petit monde animalier à celui des êtres humains, en ville. Ceci est directement inspiré par son déménagement dans un appartement de la capitale Belge. On retrouve Chlorophylle le lérot (encore "nu", il ne se fera habiller que dans le tome 5!) et son ami Minimum (enrhumé comme toujours) alors qu'ils viennent de pénétrer dans l'épicerie afin d'enquêter sur la mystérieuse disparition de salami. C'est le chien Rase-motte (le basset que l'on peut voir dans la deuxième case!), injustement accusé par son maître, qui fait appel à Chlorophylle pour l'aider à retrouver l'auteur du larcin qui ne serait autre que la perfide chatte du notaire, Célimène. Macherot s'applique particulièrement afin de rendre le plus réel possible chaque détail du décors de ce petit commerce. Grâce à cette minutie, la magie opère toujours plus de cinquante ans après. Cette planche nous renvoie directement dans l'atmosphère d'une petite épicerie de faubourg des années 50. La grande case attire en premier l'oeil mais le reste de la page est parfaitement équilibré et lisible. C'est sous la direction amicale et éclairée de Hergé à cette époque puis de Franquin chez Spirou, que Macherot apprendra les grandes règles techniques de la bande dessinée et en particulier l’art du découpage. Au-delà d'un des plus beaux titres jamais composés pour une bande dessinée, "Pas de salami pour Célimène" est une véritable peinture de moeurs que n'auraient pas reniée les plus grands auteurs satiriques. Teintée d'une poésie très personnelle, l'œuvre de Raymond Macherot exprime, à travers les métaphores animalières, une satire acérée de la société des hommes. Toutefois, cette poésie n'exclut pas un réalisme cruel en ce qui concerne la condition animale, gouvernée par la quête de nourriture. Cet épisode des aventures de Chlorophylle ne fait pas défaut à cette règle.

En image complémentaire, l'exemplaire original (et unique) d'époque de la mise en couleur réalisée sur un "bleu". Pour cet épisode, c'est bien Raymond Macherot qui se chargea en personne de l'application de l'aquarelle sur un format réduit de la planche originale imprimée en bleu ou gris. Un film du trait au noir y était ensuite superposé pour l'imprimeur... qui, malheureusement, ne respectait que trop rarement les indications de l'auteur ....

A noter la similitude entre l'épicerie dessinée par Franquin dans "Il y a un sorcier à Champignac" en 1951 et celle de Macherot 4 ans plus tard. Les deux auteurs ne font ici que reproduire un lieu du quotidien des années 50 et nous offrent plus de 60 ans après un magnifique témoignage de cette belle époque.

Raymond Macherot est né le 30 mars 1924 à Verviers en Belgique. Il nous a quitté le 26 septembre 2008. Voici alors ce qu'écrira Le Lombard et Dupuis, dans un communiqué commun: "Caricaturant la société des hommes à travers le petit monde des prés et des bois, Macherot a saupoudré toute sa production d'une poésie très personnelle. Ce grand classique unanimement apprécié a réalisé quelques-unes des meilleures pages de l'Histoire de la B.D belge.". Ses éditeurs soulignaient encore que, en accord avec son monde animalier, Raymond Macherot préférait le rythme des saisons dans la nature au brouhaha intemporel des cités où il n'a jamais voulu s'acclimater.