In Jan  's collection
Floc'h, Secret de la Pulmoll verte - Comic Strip
366 

Secret de la Pulmoll verte

Comic Strip
circa 1980
Ink
Encre de Chine ,crayon bleu, crayon, gouache correctrice
38.5 x 38 cm (15.16 x 14.96 in.)
Added on 5/22/24
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Description

La première planche de l'album publicitaire Secret de la Pulmoll verte publié en 1980.

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Floc’h : la ligne, le vide, l’autobiographie

« Entre Le Secret de la Pulmoll verte et son Blake et Mortimer, se cache toute une carrière », affirmait Floc’h lors d’un vernissage à la galerie Champaka. Une carrière en effet — ou mieux : un projet de vie, soigneusement mis en scène à travers des images, des poses, des silhouettes. Comme le disait Yves Chaland dans un entretien à PLG, citation reprise ici à bon escient : « Mon but, ce n’est pas vraiment la BD. La finalité de mon œuvre, c’est ma biographie. » Floc’h a bel et bien concrétisé cette ambition. Mais au lieu de se représenter directement, il s’est composé, image après image, comme une figure de style.

Dans Londres par un glacial matin d’hiver, l’un de ses premiers dessins en ligne claire, on perçoit déjà ce qui deviendra sa signature : une rigueur formelle qui n’exclut ni la sensualité ni la suggestion. Sa ligne n’est ni raide ni froide. Elle est précise, oui — mais elle vibre d’une tension silencieuse, d’un récit qui affleure sans s’imposer. Face à une œuvre de Floc’h, on a toujours l’impression d’être devant un cadre arrêté, un instant figé. Mais il s’agit bien plus d’un espace d’interprétation que d’une image statique. Le regard est invité à entrer, à imaginer, à projeter.

Floc’h est un enfant de la culture pop — il en assume les aplats de couleurs, les citations, la ligne graphique épurée. Mais là où la pop art, de Lichtenstein à Warhol, avait souvent pour effet de désactiver l’image, de la transformer en icône distanciée et ironique, Floc’h en fait un outil de construction de soi. Il reprend à la pop son efficacité visuelle, mais la détourne de son cynisme. Là où la pop art finira par nourrir la publicité, Floc’h tire la bande dessinée vers un raffinement personnel, un art de vivre graphique. Il ne détourne pas, il stylise.

Ce qui distingue Floc’h de ses contemporains, c’est son sens du minimalisme signifiant. Chaque trait, chaque cadre, chaque silhouette est ramené à son essence. Non pour appauvrir l’image, mais pour l’ouvrir à la lecture sensible. Sa réduction n’est pas une soustraction, mais une distillation. Une manière de faire parler les silences, les vides, les marges. Chez lui, la ligne claire n’est pas décorative. Elle devient une forme de méditation visuelle. Elle suggère, elle murmure. Le spectateur est amené à entrer dans l’image comme dans une pièce fermée, pleine d’échos discrets.

Floc’h ne raconte pas sa vie — il la met en scène comme une esthétique. Son œuvre tout entière fonctionne comme un autoportrait indirect, où chaque image est une variation sur un moi idéalisé, cultivé, cinématographique. Costumes anglais, intérieurs feutrés, clins d’œil à la littérature, au théâtre, au cinéma britannique des années 1940 à 1960 : c’est toute une culture de soi qui se déploie. Une autobiographie par projection, non par confession. Floc’h se montre moins qu’il ne s’invente. Il devient le personnage principal d’un récit qui passe par l’élégance, le silence, la mise à distance.

Dans ce contexte, on peut situer Floc’h dans une typologie élargie de la ligne claire : Hergé pour la clarté narrative, Jacobs pour la précision dramatique, Chaland et Ever Meulen pour l’énergie rétro et stylisée, Joost Swarte pour la rigueur intellectuelle et la distanciation ironique. Et Floc’h, enfin, pour une ligne claire sensuelle : raffinée, introspective, tendue vers l’essentiel. Il incarne une ligne qui ne décrit pas seulement le monde, mais une forme d’être au monde. Une ligne habitée, presque spirituelle.

Entre La Pulmoll verte (publicité ironique, déjà hautement stylisée) et Blake et Mortimer (héritage reconstitué), Floc’h trace un chemin personnel, cohérent et raffiné. Un chemin où l’image ne sert pas à raconter une histoire, mais à figurer une manière d’être. Sa ligne est un masque, oui — mais un masque qui dévoile plus qu’il ne cache. Elle ne dit pas : « Voici ce que je suis », mais plutôt : « Voici ce que je choisis de devenir. »

Et dans ce choix formel, distancié, élégamment réduit, se loge toute la richesse émotionnelle d’un grand styliste du silence.

Publications

  • Le secret de la pulmoll verte
  • M.b.c
  • 10/1980
  • Page 1
  • Objectif pub - La Bande dessinée et la Publicité, hier et aujourd'hui
  • Robert Laffont - Magic Strip
  • 10/1986
  • Page 121

5 comments
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About Floc'h

Jean-Claude Floc'h is a French comic strip artist and illustrator. He is one of the main proponents of the ligne claire style, alongside Yves Chaland, Ted Benoit and Joost Swarte.