Dans la collection de MV9957
Pierre-Henry Gomont, Pereira Prétend - Couverture édition italienne
1401 

Pereira Prétend - Couverture édition italienne "Sostiene Pereira"

Couverture originale
2016
Encre de Chine
21 x 22 cm (8.27 x 8.66 in.)
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Sostiene Pereira
Pereira Prétend
Antonio Tabucchi
Le film

Inscriptions / Signatures

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Commentaire

La planche

Couverture de l’édition italienne de Pereira Prétend (Sostiene Pereira).

Pereira Prétend est l’adaptation par Pierre-Henry Gomont du roman éponyme et multirécompensé d’Antonio Tabucchi, qui avait déjà donné lieu à une adaptation cinématographique par Roberto Faenza en 1996, aujourd’hui oubliée, avec Marcello Mastroianni et Daniel Auteuil.

Le dernier opus de Pierre-Henry Gomont, Malaterre, l’a définitivement consacré comme un des grands auteurs du roman graphique moderne, un de ceux qui, outre le plaisir esthétique, vous font vous sentir plus intelligent lorsque vous refermez le livre.

Pereira Prétend, qui a précédé Malaterre, était une toute aussi belle réussite, quoique moins accrocheuse de prime abord parce que plus intellectuelle et moins personnelle. Sur la durée je la préfère pourtant, d’où mon choix. Reconnue et récompensée elle-aussi, Pereira Prétend met en scène l’éternel conflit entre le confort d’une position, intellectuelle dans le cas présent, Pereira étant le journaliste en charge des pages culturelles d’un grand journal dans la Lisbonne de Salazar, et le risque de l’engagement, contre Salazar et pour la République espagnole en l’occurrence. On ne peut évidemment pas manquer d’évoquer l’ombre portée d’Albert Camus, de son engagement pendant la 2ème Guerre Mondiale dans le journal Combat, et de sa théorisation de l’Homme Révolté. Cette problématique de l’engagement a évidemment valeur universelle et peut être transposée sous toute latitude et à toute époque, … les rats contaminés ne sont jamais bien loin… (La Peste).

Le dessin de Gomont est simple, précis et nerveux, expressionniste et non réaliste. Il transmet parfaitement la complexité des états d’âme de ses personnages tourmentés. Il a également un talent particulier pour capter et mettre en valeur l’âme des lieux qui servent de toile de fond à l’action, et qui à leur façon contribuent à la dramatisation : la forêt africaine dans Malaterre ou la belle ville de Lisbonne dansPereira Prétend.

Pierre-Henry Gomont

On peut avoir différentes lectures de l’œuvre de Gomont, riche et foisonnante de complexité.

Malaterre est l’histoire de son père, et Pierre Henry Gomont a attendu 40 ans pour, arrivé à maturité, pouvoir la raconter et s’en libérer. Ça n’a sans doute pas été facile, et PH Gomont a eu auparavant un cheminement personnel qu’on devine douloureux et qu’on peut aisément retracer dans ses précédents opus :

Catalyse : le premier, marque la rupture avec le passé. PH Gomont, sociologue passé par une école de commerce, a eu une autre vie avant la BD. Ce premier opus est donc construit autour, d’une part de l’absurdité de la profession « utilitaire » du jeune diplômé, et d’autre part du meurtre symbolique du père en la personne du chef tyrannique.

Kirkenes : vacuité, errance et nihilisme de l’adolescence. La maladie mentale du père biologique du « héros » justifie la difficulté à s’y identifier, malgré l’amour qui les lie.

Crématorium : parcours criminel de deux jeunes adultes dû à la folie héritée des géniteurs et « éducateurs ».

Rouge Karma : point d’inflexion dans la trajectoire de PH Gomont. L’histoire qui tourne encore autour du thème de la recherche du père, finira cette fois-ci de façon positive.

Les Nuits de Saturne : dans le prolongement du précédent, celui-ci parle de rédemption, d’acceptation de soi et de l’autre malgré les différences. Le livre se clôt sur une note positive, malgré le drame, avec l’adoption de l’enfant plutôt que son exécution, signe de foi en l’avenir.

Pereira prétend : le passage à l’âge adulte. Le temps de l’éveil de la conscience, du doute, de la prise en compte du monde tel qu’il est, et de l’engagement. Il n’y a pas de liberté sans responsabilité.

Malaterre : album du pardon et de l’enfance retrouvée, la boucle est bouclée.

On pourrait aisément calquer cette évolution sur une courbe de deuil, avec une première partie descendante et, à partir de Rouge Karma, une remontée : acceptation, pardon et quête de sens.

Cette analyse psychologique peut être doublée d’une approche psychanalytique. En effet, sans attendre Malaterre, PH Gomont met en scène dès Catalyse, son premier opus, le meurtre œdipien du père et le rejet du monde dans lequel il vivait jusqu’alors, signifiant sa naissance véritable en tant que sujet autonome. Les œuvres suivantes marquent les étapes de la construction de cet adulte, avec ses questionnements douloureux.

Mais on peut également entrer dans l’œuvre de PH Gomont par la porte politique : Pereira prétend n’est-il pas un appel à la révolte face à l’absurde et l’inacceptable ? Catalyse n’est-il pas un rejet de la déshumanisation de l’entreprise ? Catalyse et Rouge Karma ne dénoncent-ils pas la cupidité criminelle du monde financier ? Malaterre n’est-il pas, en creux, un tableau acide du monde colonial et post-colonial ?

Publication

  • Sostiene Pereira: Una testimonianza (Italian Edition)
  • Feltrinelli Editore
  • 2019-04-04
  • Couverture

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A propos de Pierre-Henry Gomont

Pierre-Henry Gomont est un auteur de bande dessinée et illustrateur français, plusieurs fois primé pour ses ouvrages.

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