Dans la collection de MV9957
Jean-Christophe Chauzy, Thierry Jonquet, La Vie de ma Mère - Face A - Planche originale
927 

La Vie de ma Mère - Face A

Planche originale
2003
Encre de Chine
30 x 42 cm (11.81 x 16.54 in.)
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La Vie de ma Mère - Calque et couleurs
La Vie de ma Mère - Calque et couleurs
La Vie de ma Mère - Face A    page 18
La Vie de ma Mère - Face A
La Vie de ma Mère - Face B
La Vie de ma Mère
En noire
En Folio
Le Jour se lève

Commentaire

Jean-Christophe Chauzy a eu la gentillesse de me laisser choisir cette planche extraite de La Vie de ma Mère – Face A, adaptation avec Thierry Jonquet de son propre livre éponyme.


Liberté ou déterminisme ?

J’avais déjà dit lorsque j’ai commenté ma planche de l’album Rouge est ma couleur, combien j’aimais la partie Néo-Polar dans l’œuvre de Chauzy, qu’il était à mes yeux un héritier du Réalisme Poétique du cinéma français, et qu’il était le peintre du naturalisme social des quartiers Nords de Paris et de ses banlieues.

J’avais écrit : « Les récits sont circonscrits aux quartiers nord de Paris et aux banlieues glauques, et ils s’inscrivent bien dans cette tradition d’une peinture noire, sordide, désespérante, peuplée d’êtres brisés et de loosers sans aucune chance de salut. »

Je m’aperçois rétrospectivement que je n’avais pas assez mis l’accent sur la chance qui est donnée à certains des personnages, aussi bien de Rouge est ma Couleur que de La Vie de ma Mère, qui ont à un moment donné le choix, mais hélas, comme poussés par une fatalité obscure - le fatum, la prédestination, le déterminisme social ou tout simplement la bêtise – ils font les mauvais choix et plongent. Comme le Jean Gabin dans Le Jour se Lève de Carné-Prévert justement. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai choisi cette planche, qui commence par « …J’sais pas pourquoi j’ai fait ça !... ».

L’autre raison qui me l’a faite choisir, c’est le contraste entre la stupidité et la violence du geste de Kevin - le pré ado personnage central de La Vie de ma Mère – d’une part, et d’autre part le visage pur et angélique que lui donne Chauzy, symbolisant cette innocence première et accentuant ce faisant le décalage avec ses actes. Cet acte peut s’interpréter de diverses façons ; d’aucuns y verront une réminiscence chrétienne du péché originel et du paradis perdu, alors que d’autres se rappelleront La Mauvaise réputation de George Brassens :
… Je lance la patte et pourquoi le taire
Le cul-terreux se retrouve par terre
Je ne fais pourtant de tort à personne
En laissant courir les voleurs de pommes….

Les deux interprétations ne sont d’ailleurs pas contradictoires, le paradis perdu pouvant être celui des « braves gens » moqués par l’anarchiste Brassens.

Jonquet/Chauzy ne tranchent évidemment pas l’éternel débat : les choix des hommes sont-ils libres ou déterminés ? Pas plus qu’ils n’apportent la réponse en corollaire à l’autre éternel débat : l’homme est-il bon par nature et corrompu par la société ou au contraire mauvais par nature et racheté par l’éducation ? Tout est sur la table (sur les planches) et le lecteur en tirera ses propres conclusions.


Force du dessin

J’avais également écrit « Son dessin colle à la peau de ce genre. Son dessin n’est pas léché, il est parfois comme brouillé ; il souligne les cernes, les rides, la décrépitude, les teints cireux et blêmes, la boursouflure ou l’avachissement des chairs ; les corps et les visages reflètent de façon très expressive toute la solitude, l’usure et la désespérance. Ce sont souvent presque « des morts qui marchent ». L’obscurité, la crasse, la dèche et les seringues sont parfaitement restituées. Sa palette de couleurs se restreint à quelques tonalités : le rouge, le bleu, le jaune pâle, le gris, et Chauzy en joue comme le ferait le metteur en scène de théâtre de façon à faire ressortir le caractère des scènes et des personnages. »

Cette planche de La Vie de ma Mère met également en lumière la force de l’encrage de Chauzy, qui, par ce contraste puissant accentue encore le décalage entre l’innocence et la destinée sinistre, entre le bien et le mal.

Publication

  • Face A
  • Casterman
  • 01/2003
  • Page intérieure

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A propos de Jean-Christophe Chauzy

Jean-Christophe Chauzy, est un auteur de bande dessinée et illustrateur français. Entre 1982 et 1990, il travaille régulièrement avec la presse rock indépendante. En 1988 il publie sa première bande dessinée chez Futuropolis. Il se consacre par la suite à la création de divers ouvrages et collaborations.