Dans la collection de MV9957
Max Cabanes, Maxou contre l'Athlète - Planche originale
1083 

Maxou contre l'Athlète

Planche originale
1997
Aquarelle
35 x 51 cm (13.78 x 20.08 in.)
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Maxou contre l'Athlète
Colin-Maillard
Les Années Pat' d'Eph'
Bouquet de flirts

Commentaire

La planche

Cette planche est la dernière de Maxou contre l’Athlète, second volet d’une trilogie sur l’éveil à la sexualité, de la préadolescence jusqu’à la fin de l’adolescence, essentiellement vu du côté des garçons, (Colin-Maillard, Maxou contre l’Athlète, Les Années Pat d’Eph’). Mais, de la même façon que d’Artagnan complétait les Trois Mousquetaires, Max Cabanes livre la version féminine dans Bouquet de Flirts, et la trilogie devient tétralogie.

Cette planche est donc l’épilogue en forme de résumé de Maxou contre l’Athlète : une confrontation adolescente entre Maxou, jeune garçon hâbleur mais mal assuré (le jeune Max Cabanes himself), face à des filles sûres de leur pouvoir. L’une d’entre elles venait juste d’énoncer à la dernière case de la page précédente, cette phrase qui ressemble à une sentence sans appel : « A 15 ans on n’est pas encore un homme. Par contre on est déjà une femme ». Dans la foulée le jeune adolescent se heurte à « l’athlète », surnom péjoratif donné à un autre adolescent incarnant de façon caricaturale la loi et l’interdit. Dans la dernière case, coincé entre la cruauté des filles et la pression de la morale, Maxou se cache pour reprendre son souffle.

L’éveil à la sexualité et la nostalgie de l’adolescence

Doug Headline (scénariste de La Princesse de Sang, Fatale et Nada, et accessoirement fils de JP Manchette) rapporte qu’avec Colin-Maillard, Cabanes inventa un genre en BD : l’autofiction. Je ne sais pas jusqu’à quel point j’adhère à cette affirmation, le Quéquette Blues de Baru l’ayant chronologiquement précédé, mais il est vrai que Baru ne s’y mettait pas ouvertement en scène.

Chez Cabanes comme chez Baru, cet apprentissage sexuel-sentimental est un parcours difficile, brutal et/ou sensuel, accompagné de la bande son des débuts du rock ; c’est le négatif du mièvre sucre d’orge hollywoodien American Graffiti.

L’image que Cabanes donne de ce parcours, sensiblement différente, est le produit de sa sensibilité propre et le reflet de sa région d’origine aux antipodes de celle de Baru : le sud, une petite ville de province assoupie, Béziers, et le soleil qui, comme chez le peintre Sorolla, inonde et éclabousse tout, Cabanes montrant qu’il est aussi un génial coloriste.

Doug Headline encore, dit que : « la pulsion nostalgique renvoie Cabanes à ce passé qu’il ne cesse de revisiter, sans mièvrerie, sans l’embellir, ni en omettre les détails les moins glorieux, mais toujours avec bienveillance ».

Cabanes ne nie donc pas la rudesse de ce parcours d’apprentissage, mais chez lui le sexe est avant tout une affaire de désir, où la réalité se mêle à l’onirisme, la trivialité la plus crue à la poésie, où c’est l’attente qui rend cette éducation douloureuse et délicieuse (*1).

Tout autre est l’image donnée par Bouquet de flirts, album pour lequel Cabanes s’était adjoint les services de Sylvie Brasquet au scénario. Bouquet de flirts se révèle être, au sens photographique, le négatif du positif constitué par la trilogie Colin-Maillard. Les filles, qui n’étaient qu’objets dans Colin-Maillard, deviennent sujets. La palette s’éteint et la poésie nostalgique fait place à l’amertume. Vue du côté féminin, la découverte de la sexualité lors de l’adolescence n’est qu’un chemin de croix. Maxou était coincé entre la cruauté des filles et la morale. Pascale, son pendant féminin, qui est en proie à l’éveil de ses sens qu’elle ne réussit ni à comprendre ni à maîtriser, est coincée entre l’insoutenable légèreté masculine et une dure répression familiale et sociale. Dans le regard des autres Maxou est une sorte de héros, alors que Pascale est une salope. Si j’étais une militante féministe, je ferais de cet album un étendard.

Max Cabanes

La trajectoire de Cabanes est celle d’un auteur en recherche continue, qui remet sans cesse en cause ses propres acquis pour faire évoluer son art, tant dans la forme que dans le fond.

Cet autodidacte commença par un style N&B aux lignes précises et hachurées, comme Bernie Wrightson par exemple, ou comme un graveur ancien à la Daumier. Dans les Villages, Rencontres du 3ème Sale Type, Le Roman de Renard, autant d’histoires et de fables à l’humour stylé, décalé ou littéraire. Son style commença à évoluer au fil de la série Dans les Villages, se colorisant, s’allégeant et abandonnant progressivement le hachurage.

Avec Colin-Maillard il atteignit la maturité, sa palette s’ensoleilla, et l’humour se teinta de nostalgie. Cabanes y démontra en particulier, outre son talent déjà reconnu de dessinateur, sa palette géniale et de vraies qualités littéraires.

Après quelques tours et détours, il passa finalement à l’ordinateur pour l’adaptation au scalpel des polars de l’immense JP Manchette. La Princesse de Sang, Fatale et Nada, trois œuvres aux couleurs froides, au trait sec et tranchant, mariage parfait avec l’humour qui vire à l’ironie et au cynisme.

Cabanes est un des quelques auteurs français capables de rendre la transposition en images aussi passionnante que le texte d’origine, à l’instar de Tardi, Baru et Chauzy. Si vous aimez Manchette, Malet, Villard, Jonquet, Pelot, Vautrin (je parle de polars français), alors vous êtes comme moi, béats d’admiration devant l’œuvre de la bande des quatre.

(*1) François Truffaut disait que le meilleur de l’amour c’est quand on monte l’escalier.

Publication

  • Maxou contre l'Athlète
  • Casterman
  • 04/1997
  • Page intérieure

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A propos de Max Cabanes

Max Cabanes, né le 22 septembre 1947 à Béziers, est un illustrateur et auteur de bande dessinée français, principalement connu pour sa série fantastique Dans les villages (publiée depuis 1977) et pour ses bandes dessinées racontant la vie de jeunes gens dans les années 1960-1970 (Colin Maillard, Les années pattes d'eph’, Bouquet de flirts). À l'aise avec toutes les techniques du dessin, apte à exceller dans un grand nombre de genre (fantastique, chronique de société, policier), ce « faiseur de monde extrêmement doué1 » a reçu en 1990 le Grand prix de la ville d'Angoulême, plus haute récompense pour un auteur de bande dessinée francophone.