Valhardi - Le Gang du Diamant pl 23

Spirou n° 1000 du 13 Juin 1957

Très belle planche du mythique Le Gang du Diamant (celle-ci est parue dans le célèbre Spirou n° 1000!)*, intégrant de magnifiques profils de Valhardi, la fameuse cigarette et insigne de la modernité au milieu du siècle passé, les trenchs et un bolide à la Jijé.

En décrivant cet épisode de la saga Valhardi, personne ne l'a mieux exprimé que Pierre-André Dionnet dans son excellente introduction du volume six de la merveilleuse Collection Jijé (Musée Jijé, 2016) :

[…] Nous sommes en 1957. Et le dessin de Jijé épouse la modernité de son temps. La contemporanéité des vêtements - pulls jaune vif à col roulé, blousons, blue jeans à revers retroussés, casquettes, duffle coats, robes moulées, costumes et nœuds papillons - n’est pas la seule marque de l’esprit du temps. Voitures, trains et avions s’intègrent naturellement comme des éléments à part entière du scénario et du dessin.

[…] Notons que l’écran de fumée final peut aussi se lire comme un parachèvement paroxystique du choix de Jijé, dans cet album, de mettre fréquemment des cigarettes ou des cigares entre les doigts ou les lèvres de ses personnages. Valhardi, Marlier, les mécanos, les membres du gang, jusqu’à la charmante femme à la tête de cette association de malfaiteurs… tous fument et narguent les censeurs qui, dans les autres pages du Journal de Spirou, n’ont pas encore sevré de nicotine Fantasio, Lucky Luke et l’entourage de Buck Danny.

[…] Cette performance est aussi le fruit de l’exceptionnel travail de Jijé, qui a insufflé dans l’élaboration de ses planches toute sa vitalité, son dynamisme et ses élans créateurs. Le tandem des auteurs et le duo des personnages semblent mus par une énergie commune. Cerise sur le gâteau, le plaisir esthétique vient parachever la jouissance de la lecture. L’élégance des voitures rejoint celle des décors, des vêtements, des matières, et des attitudes des personnages. La précision, le réalisme, la justesse du trait deviennent jubilatoires. L’expressivité des visages et des gestuelles se fait savoureuse. On s’attarde sur telle case, tels aplats noirs, telle composition de planche. On revient sur telles et telles séquences, pour en apprécier la fluidité ou le soin apporté à quelque détail raffiné. La performance graphique accompagne l’efficacité de la narration et la sublime. Le regard de Valhardi ou d’un personnage secondaire suffit à lui seul à cristalliser une situation, une atmosphère, un nœud du récit. Le plaisir du lecteur passe autant par le détail d’un trait que par la globalité du propos, autant par le dessin que par le texte, ou que par le mariage naturel des deux. Oui, le récit emporte, transporte, émeut autant qu’il est possible dans les limites du genre et de l’époque. Le Gang du Diamant est une réussite. Celle de Jijé et de Jean-Michel Charlier. Car ne nous y trompons pas, Le Gang du Diamant, c’est avant tout la rencontre fructueuse de deux « géants » de la bande dessinée.

[...] De ces deux auteurs, on peut dire qu’ils sont deux professionnels au talent confirmé, et aussi deux bourreaux de travail. Courageux face au labeur, comme Valhardi est « valeureux » face au danger. Dans le nom « Valhardi », rappelons-le, il faut entendre « hardi » - c’est le côté piquant, excitant du personnage - et « valeureux » - c’est-à-dire à la fois « courageux » et « vaillant », « brave », porteur de « valeurs » morales traditionnellement humanistes.

[…] Une profonde humilité est aussi ce qui caractérise et réunit Charlier et Jijé, restés simples et accessibles tout au long de leur vie. Sans doute auraient-ils tourné en dérision le fait que soixante ans plus tard, on puisse pérorer, accumuler les éloges et les louanges à propos de leur premier album réalisé en commun. Quoi qu’il en soit, l’alchimie entre les deux créateurs fonctionne et d’autres collaborations suivront, avec les séries Tanguy et Laverdure et Barbe-Rouge.

[…] Décidemment, le Gang du Diamant n’en finit pas de nous charmer et de nous faire rêver…

* La couverture du Spirou n° 1000 est entièrement dessinée par Franquin et elle est composée de 999 têtes de Spirou et une de Gaston (saurez-vous la retrouver ?)