Théodore Poussin - Les jalousies

J’avais entrepris de lire toutes, absolument toutes les pièces de Sacha Guitry. Il se trouve que son théâtre est une excellente école, notamment pour les scénaristes de bande dessinée qui, quand l’information doit plutôt passer par le texte que par le dessin, font généralement avancer l’intrigue par le dialogue, tout comme au théâtre.
Et je n’avais jamais tâté de cet exercice : partir d’un sentiment – qui est une chose bien diffuse et difficile à cerner – et bâtir son histoire sur les variations possibles autour de ce thème. Guitry avait écrit La Jalousie ; j’ai choisi de mettre ça au pluriel et de distribuer généreusement ce vilain sentiment à tous mes personnages, sentiment qu’ils éprouvent souvent tout à tour, comme pour se relayer le long de l’histoire. Je trouvais cette construction amusante, quand l’un n’est plus dévoré, pour un temps, par la jalousie, c’est au tour de l’autre…
Un va-et-vient qui fait que, si le sentiment vagabonde de l’un à l’autre, il est sans cesse présent dans l’intrigue.

C’était un exercice difficile. Il me fallait jouer avec des personnages qui ne disent pas toujours ce qu’ils pensent, qui ne pensent pas non plus ce qu’ils disent, des malentendus, des mensonges, des erreurs de jugement… C’est évidemment plus simple, quand un personnage est tout d’une pièce, et plus encore si le lecteur à accès à ses pensées. C’est plus simple, mais c’est plus ennuyeux. Ici, j’avais, en plus, plusieurs personnages à faire agir de la sorte – principalement deux : Théodore et Chouchou. Et là, ça commence à tenir du casse-tête chinois, car il faut être toujours bien conscient de ce que le lecteur va percevoir et comprendre des éléments qu’on lui présente. Ça demande un goût pour la manipulation qu’un auteur n’est pas forcé d’avoir, ou alors à dose raisonnable.