Dans la collection de leppj 
Yslaire, Balac, Yann, Sambre - Je sais que tu viendras... (V1) - Planche originale
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Sambre - Je sais que tu viendras... (V1)

Planche originale
circa 1990
Encre de Chine
41.5 x 55 cm (16.34 x 21.65 in.)
Ajoutée le 10/06/2025
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Comparaison V1 et V2
Comparaison des deux versions du 3ème strip
Version définitive de la planche publiée
Détail 1
Détail 2
Détail 3
2Nde planche de l'album
Enchaînement planches définitives 2 et 3 comparé à la V1 de la planche 3
Page 17 de la version intégrale de l'album en 1991
Dos de la planche

Description

Première version de la 3ème planche du 2nd volume de Sambre

Inscriptions / Signatures

Signé sur le côté en bas à droite "Yslaire"

Commentaire

Le premier Sambre a fait un succès mais a été dessiné dans l'urgence en fonction de la parution dans Circus. Même si j'ai fait des crises de perfectionnisme, je n'ai pas pu aller jusqu'au bout de certaines de mes ambitions. Je décide de corriger le tir pour le second tome. Le romantisme, c'est aussi pouvoir se payer de gigantesques cases de décors avec le héros perdu dans l'immensité. Je décide de travailler sur des planches plus grandes afin que chacune d'elles soit super travaillée. [...]
Un an après la fin de "Plus ne m'est rien...", avec Balac, on n'a toujours qu'une ébauche de synopsis. Cela se passe beaucoup moins bien qu'au premier épisode. Alors on finit par se lancer dans ce deuxième tome en se disant que les noeuds de scénarios seront résolus sur le tas. L'introduction est purement graphique sur une description établie ensemble. L'histoire du lapin gelé, c'est Balac, de même l'inscription "Je sais que tu viendras" à l'intérieur de la cabane. Je décide de développer cette séquence sur trois planches. Ça ne posera pas de problème car c'est un territoire accordé au dessin. Balac écrit ensuite 3 autres pages. C'était sa livraison habituelle. [...]
La moitié des dialogues sont de moi. Mais la mayonnaise ne prend plus avec Balac. Le conflit le bouffe.

La création de ce deuxième tome de Sambre débute dans la souffrance, le tandem scénariste/dessinateur ne fonctionne plus, l'état de grâce s'achève. Seules les 12 premières pages seront écrites à deux dans une ambiance tendue.
Dans l'attente de scénario, Yslaire prend le temps de plonger le lecteur avec une introduction de trois planches qui bien que muettes sont extrêmement fortes et signifiantes. J'ai toujours été fasciné par cette ouverture et je suis très heureux d'avoir pu acquérir cette première version de la planche n°3 qui permet de comprendre le processus créatif d'Yslaire.
J'émets l'hypothèse, que c'est après avoir achevé cette version préliminaire qu'Yslaire décide de lui donner plus de force en la scindant sur deux pages. En effet, le contenu de la seconde planche est en fait le premier strip de cette V1. Pour amener un souffle romantique plus grand, un effet de solitude accentué et donner le sentiment d'un cheminement long et pénible, l'auteur s'offre trois pages d'introduction ! Tout dans cette page symbolise les drames passés et à venir de cet amour impossible. Bernard retrouve la cabane de Julie à l'abandon, désertée et en ruine : toit effondré, porte dégondée, verre brisé et mobilier renversé. Le jars symbole des Sambre est pendu. Julie lui laisse un message qui donnera son nom à l'album. Ce "Je sais que tu viendras" a-t-il été gravé dans la pierre avec son épingle à cheveux qui a crevé les yeux du jars, tué la mère de Bernard, et blessé la ligne de vie dans la main de l'adolescent lors de la nuit dans le caveau familial ?

Alors que tout ce qui précédait relevait plutôt d'une approche cinématographique, Bernard regardant sa main est plutôt théâtral. Ce geste deviendra répétitif jusqu'à la mort de Bernard. C'est un moment où je cherche à dire les choses avec la sobriété maximale. Un peu comme si l'oeuvre ultime, était celle dont on ne pouvait plus rien retirer de superflus.

La différence la plus notable au niveau narratif entre cette page d'ébauche et les deux planches définitives, c'est le déplacement de la case où Bernard regarde sa paume en conclusion de page afin de donner plus d'importance à ce moment.

Dans cette première version, Yslaire utilise déjà la photocopieuse. La case 5 est une photocopie recadrée de la case 3. De même les cases 6 et 8 sont travaillées à partir de photocopies issues de la case 7. Pour la 6, l'auteur à dessiné autour de la photocopie l'extérieur de la cabane tout en conservant la vue identique de l'intérieur mais refaisant l'encrage différemment. Pour le case 8, c'est simplement un très grand agrandissement du message laissé par Julie. Pour le coup, cela fonctionne beaucoup moins bien et Yslaire redessinera d'ailleurs cette case dans la version définitive, alors qu'il utilisera des photocopies retravaillées des cases 7 et 9 pour la planche finale. Dans la même idée, je pense que la case 3 est une photocopie recadrée de la case 2 de la page définitive. (mais je n'ai pas l'original pour m'en assurer)

Je suis bien dans Sambre, je connais désormais cet univers et je me permets d'échapper à l'évidence. Je fais des choses que je n'aurais jamais faites jusque là. Ces deux cases en sont un exemple. Au niveau du scénario, cela ne se dit pas, ce genre de choses, cela se dessine. C'est un effet de photocopie pour arriver à un zoom avant. Ce n'est pas du cinéma non plus, car le cinéma c'est un travelling, il y a un mouvement. En BD, on est dans l'illusion. Je commence à découvrir un langage où, plutôt que de dessiner un plan différent à chaque case, je vais essayer par moment d'en faire un minimum. L'instant dramatique peut devenir encore plus extrême à partir du moment où l'on insiste en prenant exactement le même dessin. Photocopier est, à priori, une faute de débutant - "il ne s'est pas cassé le cul" - mais en même temps, c'est plus fort. [...]
C'est le même dessin, mais je refais la mise en couleurs qui va donner cette impression de vie. La vraie photocopie, c'est la mort, le lecteur sent un trou. Si on refait la mise en couleurs ou l'encrage, cela revit.


Les originaux d'Yslaire, c'est plonger dans le processus créatif de l'auteur. Dès le second volume de Sambre, il n'y a plus un original unique. Ce n'est pas comme Juillard où le dessin est impeccable et sans repentir sur la planche, ou encore Loisel avec des rustines à foisons mais avec une seule planche qui sera l'aboutissement du travail créatif. Si pour Hislaire, ce n'est pas encore le cas, avec Yslaire, l'original est multiple, N&B ou couleur et cela avant même que l'auteur se mette au numérique. Pour un collectionneur, ça peut être frustrant, ça peut être passionnant, à chacun de voir !

Je vous invite à découvrir la première version de la planche n°1 de cet album dans ma galerie :
https://www.2dgalleries.com/art/sambre-je-sais-que-tu-viendras-v1-245302

Les extraits d'interviews d'Yslaire sont tirés de "La légende des Sambre" - Glénat 2003

Publications

  • Je sais que tu viendras...
  • Glénat
  • 11/1990
  • Page 5
  • Je sais que tu viendras...
  • Glénat
  • 11/1991
  • Page 17

7 commentaires
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A propos de Yslaire

Bernard Hislaire, dit Yslaire, est un scénariste et dessinateur belge de bande dessinée. Il signe également sous les pseudonymes Hislaire, Sylaire ou iSlaire. Il est principalement connu pour ses oeuvres poétiques et littéraires comme la série Sambre.