Dans la collection de MV9957
Vincent Bailly, Kris, Barbara Pellerin, Mon père était boxeur - Planche originale
1256 

Mon père était boxeur

Planche originale
2016
Aquarelle
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Mon père était boxeur

Inscriptions / Signatures

Signature en bas à droite

Commentaire

Planche n°6 Mon père était boxeur : « Mon père était boxeur » est une œuvre précieuse, en état de grâce, d’une fragilité et d’une sensibilité extraordinaires. Cette planche est une des plus belles (à mon humble avis). Deux fragilités se rencontrent, celle de l’enfant comme un petit moineau, et celle de l’adulte cabossé par la vie, dont la boxe est la métaphore. L’enfant ne comprend pas, ne sait pas encore ce que la vie lui réserve, n’est pas prêt à monter sur le ring. Le père, lui, est vaincu, et on comprend qu’il ne se relèvera pas de ce K.O. Au-delà de cette innocence et de ce désarroi, une infinie tendresse passe à travers ces images qui véhiculent un message universel, celui d’un amour qui unit et qui permet, pour un temps, à deux fragilités de se soutenir l’une l’autre pour affronter la vie.

Vincent Bailly est un grand auteur rare qui, sous des aspects bourrus, cultive la sensibilité. Son dessin a évolué au fil du temps et s’est définitivement fixé avec « Coupures Irlandaises », œuvre à partir de laquelle il abandonne les premières séries d’Héroic Fantasy de ses débuts pour se dédier à des One Shot avec le scénariste Kris, centrés sur l’enfance et ses drames dans un monde hostile, avec une tonalité majeure : la sensibilité de l’enfant.

A partir de « Coupures Irlandaises » son dessin se simplifie et devient surtout beaucoup plus lisible. Ce dessin qui se présente comme une ébauche, comme un crayonné, est pourtant très précis, en particulier en ce qui concerne les expressions des sentiments. C’est d’une certaine façon le cousin germain de Baru, qui par ailleurs a également un grand attachement pour le monde de l’enfance. Surtout il aquarellise ses dessins à grands coups de pinceaux traversant l’image, sans chercher là non plus la précision, mais à exprimer les sentiments dominants à travers la « couleur affective », la couleur du cœur plutôt que celle des yeux. Et les pages de Vincent Bailly, comme par magie, deviennent alors lumineuses. Cette luminosité reflète la clarté de l’enfance, et sa fragilité.

Ce sont de grandes œuvres qui atteignent leur but, toucher et sensibiliser sans verser dans un pathos exagéré. La qualité des œuvres va croissant et on atteint la perfection et le sublime dans « Mon père était boxeur », grâce à l’apport de Barbara Pellerin, 70 planches écorchées, en état de grâce, en équilibre instable sur le fil du rasoir. Un indispensable.

«…Dire que j'ai passé des années
A côté de lui sans le r'garder
On a à peine ouvert les yeux
Nous deux.

J'aurais pu c'était pas malin
Faire avec lui un bout d'chemin
Ça l'aurait p't'-êt' rendu heureux
Mon vieux.

Mon Vieux
Daniel Guichard
(Michelle Senlis / Jean Ferrat)


Vincent Bailly évolue encore avec sa dernière œuvre « Congo 1905 – Le Rapport Brazza », scénarisée par Tristan Thil. Le cycle de l’enfance s’est refermé, on change d’univers, la sensibilité se mue en indignation. C’est une œuvre forte et engagée, une dénonciation des atrocités et ignominies commises par les colons français au début du XX ème siècle dans les colonies africaines. Le travail de Vincent Bailly est toujours aussi admirable et sa maîtrise de l’aquarelle et de la palette de coloris permet de créer des atmosphères et d’atteindre des sommets.

« … Moi monsieur j'ai fait la colo,
Dakar, Conakry, Bamako.
Moi monsieur, j'ai eu la belle vie,
Au temps béni des colonies.
Les guerriers m'appelaient Grand Chef
Au temps glorieux de l'A.O.F.
J'avais des ficelles au képi,
Au temps béni des colonies.

On pense encore à toi, oh Bwana.
Dis-nous ce que t'as pas, on en a.
Y a pas d'café, pas de coton, pas d'essence
En France, mais des idées, ça on en a.
Nous on pense,
On pense encore à toi, oh Bwana.
Dis-nous ce que t'as pas, on en a…»

Le Temps des Colonies
Michel Sardou – Pierre Delanoë

A noter : Cette œuvre récente, ainsi que la publication du rapport retrouvé sur lequel elle se base, a donné lieu à pas mal de commentaires dans les médias, avec beaucoup de tartufferie puisqu’on prétend découvrir ces sujets. Le rapport Brazza avait certes disparu, enterré par les autorités françaises dès sa publication parce que scandaleux et inavouable. Pourtant, d’autres faits coloniaux tout aussi peu glorieux sont toujours restés accessibles, comme par exemple dans ce même Congo l’histoire du chantier du chemin de fer Congo-Océan qui coûta la vie à 20 000 travailleurs des colonies dans les années 1920. Ce sujet a fait l’objet de quelques travaux sérieux et fut dénoncé dès l’origine par André Gide et Albert Londres. Mais quel sera l’auteur qui s’en emparera pour en faire un roman, une BD ou un film, une œuvre artistique en somme, qui touche un large public, et par voie de conséquence l’imaginaire collectif et non pas seulement le stock de connaissances de quelques universitaires ?

Je ne peux que recommander également la visite de la magnifique exposition « Peintures des lointains » au Musée du Quai Branly jusqu’en janvier 2019, qui retrace l’évolution du regard porté sur l’ailleurs, l’étranger et les colonies, œuvres souvent soigneusement refoulées dans les caves des musées parce que dérangeantes.

Publication

  • Mon père était boxeur
  • Futuropolis
  • 05/2016
  • Page intérieure

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A propos de Vincent Bailly

Vincent Bailly est un illustrateur et dessinateur de bande dessinée né à Nancy. Après des débuts dans le dessin de presse et l'illustration jeunesse il se lance dans la bande dessinée. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages remarqués chez Futuropolis.