Dans la collection de Chricyr
André Taymans, Erwin Drèze, Raphaël Schierer, Jacques Martin, Lefranc - Le châtiment - Planche originale
1099 

Lefranc - Le châtiment

Planche originale
2010
Encre de Chine
29.7 x 42 cm (11.69 x 16.54 in.)
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Le Mystère de la Grande Pyramide (Tome 1 - 1954) : un imperméable, un chapeau, une matraque, et un visage sombre…
Et dans la fameuse « splash page » qui suit : Olrik qui se dévoile en brandissant sa matraque bien au-dessus de la tête…
Le mystère Borg (1965 - Jacques Martin). Un hommage flagrant !
La version d’origine, sans les textes collés.
La page publiée.
Au verso, on voit bien la découpe de la rustine…

Description

Planche n°6 du tome 21 des aventures de Lefranc : Le châtiment.

Inscriptions / Signatures

La planche est signée par André Taymans et Raphaël Schierer. La case 2 est une rustine.

Commentaire

Le contexte : Lefranc vs Caroline Baldwin
Après avoir été longtemps exclusif envers Caroline Baldwin, j'ai décidé de diversifier un peu ma collection d’originaux d'André Taymans.
Voici donc une planche de Lefranc, un héros qui ne m'a jamais trop attiré quand j'étais jeune. De plus, j'ai toujours eu du mal avec le trait de Jacques Martin. Ni suffisamment ligne claire, ni assez réaliste, des personnages pas très expressifs : je n'ai jamais accroché à la lecture d'Alix alors que, pourtant, le thème de cette série m'attirait beaucoup.
Donc, même si je ne suis probablement pas objectif, vous devez vous douter que je préfère largement le Lefranc dessiné par André Taymans.
Et pourtant, ce n'est que très récemment que j'ai lu les trois albums qu'il a dessinés entre 2006 et 2010 (Le Maître de l'atome, Londres en péril et Le châtiment).
J'ai toujours inconsciemment éprouvé du ressentiment contre cette reprise, car c'est à cause d'elle que ma série favorite, Caroline Baldwin, a commencé son lent déclin.
En effet, après le succès inattendu du Maître de l'atome (environ 100 000 exemplaires vendus), Casterman a cru tenir en André Taymans la poule aux œufs d'or et a insisté pour lui confier d'autres albums alors qu'il ne s'était engagé que pour un seul (il voulait juste rendre un hommage à Jacques Martin et c’était tout). C'est donc à contrecœur qu'il va devoir mettre Caroline de côté pour se consacrer encore une fois à Lefranc. Mais pour gagner du temps, il va rajouter un collaborateur à sa petite équipe. Erwin Drèze va donc continuer à se charger du crayonné des décors comme il l’avait fait pour Le Maître de l’atome, mais en plus, Raphaël Schierer va assurer celui des personnages, André Taymans restant responsable du découpage et de la mise en scène de la planche ainsi que l’encrage final.
Nouveau coup gagnant : à sa sortie, Londres en péril se retrouve n°1 des ventes ! Dès lors, plus personne chez Casterman ne va se préoccuper de Caroline Baldwin dont le treizième album était sorti un an auparavant dans l'indifférence générale. Lefranc est en train de tuer mon héroïne favorite !
De plus, l'éditeur vient de refuser son projet pour le tome 14 de la détective qui devait se passer au Liban (trop sensible comme sujet)... Sous la pression, André Taymans va donc devoir s'engager pour une troisième aventure de Lefranc. La sortie est initialement prévue pour 2011, juste après celle du tome 14 de Caroline qui se déroule désormais au Tibet. En effet, les fans comme moi s'impatientent et commencent vraiment à maudire ce satané Lefranc : alors qu'il ne s'était jamais écoulé plus d'un an entre la publication de deux albums de Caroline, Free Tibet est programmé pour sortir pas moins de trois ans après La nuit du grand marcheur.
Malheureusement, une des autres équipes en charge de la série prend du retard : Les enfants du bunker ne pourra pas sortir en 2010 comme prévu. Il est alors demandé à André Taymans d'avancer la sortie de son album, Le châtiment. Il accepte, mais comme il est hors de question de repousser davantage la publication de Free Tibet, il va demander à Raphaël Schierer d'assurer non seulement les crayonnés des personnages (Erwin Drèze se chargeant toujours de ceux des décors), mais également de le remplacer pour l'encrage, à partir de la planche 21. Sa troisième et dernière collaboration pour Lefranc ne se termine donc pas vraiment comme il l’aurait souhaité. Et, pour couronner le tout, à la sortie de l’album, l’accueil des fans purs et durs va être catastrophique.
Après cet épisode agité, la parenthèse Lefranc est donc définitivement fermée pour André Taymans. Et il en sera rapidement de même pour Caroline Baldwin à cause de divergences inconciliables entre l'auteur et l'éditeur. Il quitte Casterman avec fracas en 2012 juste après la sortie du seizième album de son héroïne fétiche (voir ici : https://2dg.me/22nw) et il devra attendre quatre ans pour en récupérer les droits.
Et dire que tour ceci ne serait probablement pas arrivé sans Lefranc !

La planche : une inspiration jacobsienne ?
Alors maintenant, quoi dire par rapport à la planche elle-même ?
On pourrait la considérer exceptionnelle de par la présence du héros dans toutes les cases, mais quand on parcourt les albums de Lefranc, on ne peut que constater l'omniprésence quasi systématique du reporter.
En fait, ce qui m’a particulièrement attiré se situe davantage dans la dynamique du combat que livre Lefranc contre le mystérieux inconnu.
Dans Londres en péril, les hommages à Blake et Mortimer et à leur auteur Edgar P. Jacobs (un des mentors d’André Taymans à ses débuts) étaient multiples et c'était même un petit jeu rigolo que de tous les trouver.
Or, je suis peut-être le seul, mais je vois dans cette séquence un autre hommage au père de Blake et Mortimer, beaucoup plus subtil, celui-ci.
La façon dont les deux hommes se battent, leurs attitudes (notamment lorsque Lefranc percute l'employé de l'hôtel) me font immanquablement penser à certaines scènes du Mystère de la Grande Pyramide. Dans cette aventure, qui est ma préférée, Jacobs multiplie les scènes de combat avec des postures toutes plus exagérées les unes que les autres de façon à faire ressortir au maximum la sensation d'action. La matraque qui oblige l'agresseur à lever la main est typique de la scénique jacobsienne. Impossible d'oublier ce fameux passage, au musée du Caire, où Olrik assomme le Professeur Mortimer.
D’ailleurs, si vous avez la chance de posséder une des premières éditions, vous verrez qu’Olrik n’y est pas reconnaissable car la mise en couleur de son personnage est systématiquement noire ou très sombre. Ce n’est que dans l’extraordinaire « splash page » que l’on distingue enfin son visage.
Mine de rien, ce genre de séquences « à l’ancienne » n’est pas évident à dessiner. C’est d’ailleurs la raison de la présence d’une rustine en case 2 : trop de gommages pour trouver la bonne attitude ont ruiné le papier (dixit Raphaël Schierer).
Quant à la fin de la planche, elle est certes plus conventionnelle, mais elle permet de joliment conclure la scène sur le visage perplexe de Lefranc et d'obtenir ainsi une planche qui fonctionne parfaitement toute seule, même sortie du contexte de l'album. C’est juste un peu dommage que les dernières cases soient si bavardes…

Moi j’aime pas les bulles vides !
À noter que, suivant l'exemple de Oscarls1 pour sa planche du Maître de l'atome, j'ai moi aussi tenu à rajouter les textes dans les phylactères en les recréant à partir de mon exemplaire de l'album.
En effet, afin d'uniformiser la forme des caractères quel que soit le dessinateur, ceux-ci sont intégrés plus tard lors de la finalisation de l'album. Les planches originales de Lefranc sont par conséquent toujours sans texte, ce que je déteste !
Un scan de la page, un agrandissement au bon format, un peu de découpage, de minuscules morceaux de scotch double face pour que l’opération soit réversible et le tour est joué : désormais, ma planche parle !

Conclusion
Ben finalement, elle est plutôt sympa cette planche de Lefranc, non ?

[Complément au 18/08/2022]
Après avoir enfin lu les premières aventures de Lefranc, je crois pouvoir dire que mon analyse est probablement un peu foireuse. En effet, s'il y a peut-être inconsciemment du Jacobs dans cette planche, il y a surtout du Jacques Martin : les deux premières cases sont un hommage flagrant à la troisième aventure du reporter, la dernière dessinée par son créateur historique.
Il suffit de regarder à la page 53 de cet album de 1965, Le mystère Borg pour constater l'évidence !
Mais alors finalement, si on y réfléchit, ne serait-ce pas Jacques Martin qui s'est inspiré d'E.P. Jacobs ??

Publications

  • Le châtiment
  • Casterman
  • 06/2010
  • Page 6
  • Le châtiment
  • Bd Must
  • 06/2010
  • Page intérieure

Voir aussi :   Lefranc

Thématiques


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A propos de André Taymans

André Taymans est un dessinateur et un scénariste de bande dessinée belge. Auteur capable de s'adapter à de nombreux styles, Il est surtout connu pour être l'auteur de la série semi-réaliste Caroline Baldwin.