Le Pavé de l'Ours - Spécial Police 693

J’avais développé, dans un commentaire antérieur (cf. couverture du SP 825 « Appelez-moi Maître »), une des caractéristiques principales de Michel Gourdon, qu’avait déjà identifiée François Rivière (*1) lorsqu’il parlait du style et de la magie particulière qui se dégage des œuvres de Gourdon : sa capacité à donner une profondeur symbolique à l’image, qui dépassait l’histoire qu’il illustrait, en vrai peintre qu’il était en réalité.

Ce commentaire cadre parfaitement avec cette couverture du Spécial Police 693 « Le Pavé de l’Ours ».

Pas la peine de commenter l’intrigue de ce polar de Roger Faller (principal alias de Roger Ménanteau), elle tiendrait sur un ticket de métro. C’est un univers de ratés, de baltringues, de velléitaires et de petites gens médiocres, aux prises avec la solitude et le manque d’espoir, plus proche de Simenon que du hard boiled américain. Sordide plutôt que tragique, gris plutôt que noir.

Michel Gourdon, en livrant sur cette illustration les deux éléments principaux du livre, le portrait de « l’héroïne » et l’accident mortel de voiture, a déjà, à ce stade, « rempli son contrat » : l’image est un pitch succinct du livre, et en même temps une accroche visuelle susceptible d’attirer de potentiels lecteurs.

Mais ce qui me fascine dans cette illustration est au-delà de ce premier niveau de lecture de l’image. Cette illustration, je suis tenté de dire ce tableau, me fascine par le traitement que lui donne Gourdon : tous les éléments sont réels mais la scène est irréelle, nous sommes à la frontière entre réalité et rêve, comme dans un tableau de Paul Delvaux ou de Magritte.

(*1) Notre François Rivière, journaliste et scénariste de BD, mais aussi auteur, anthologiste, biographe et traducteur - dans le livre Noir de 1984

PS : merci d'avance à celui qui identifiera la femme qui a servi de modèle à Gourdon.