Dans la collection de TheDuke 
Dracula par Georges Bess - Planche originale
501 

Dracula

Planche originale
2019
Encre de Chine
32 x 45 cm (12.6 x 17.72 in.)
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Lucy Westerna
Détail
Lucy Westerna - Coppola
Lucy repose
Dracula - Werner Herzog
Dracula - Murnau

Description

Encre de Chine sur papier pour la planche 125 de l'album Dracula.
45 x 32 cm
Publication Glénat, 2019

Commentaire

Émancipation et punition de Lucy Westenra

Lucy Westenra est introduite dans le roman de Bram Stoker par ses lettres à Mina Harker, sa meilleure amie. Âgée de 19 ans, elle est la très belle et très populaire fille d'une riche famille victorienne. À travers ses lettres, nous avons un aperçu de l'esprit de cette jeune fille exubérante. Avec son caractère frivole, mais affectueux et doux, elle est le contrepoids de la sérieuse et intelligente Mina.

Cette beauté victorienne attire l'attention de trois prétendants potentiels, Quincey Morris, Jack Seward et Arthur Holmwood. Dans ce roman noir et gothique, Lucy Westenra vit, elle, dans une comédie romantique. Elle se lamente, "Pourquoi ne peuvent-ils pas laisser une fille épouser trois hommes ou plus s’ils en ont envie, et s’épargner tous ces ennuis?"

Seulement, dans une société victorienne opprimée sexuellement, les femmes n'étaient pas censées désirer les hommes. Le souhait de Lucy de "se marier" avec chacun des hommes qui s'intéressent à elle équivaut à admettre qu'elle veut avoir des relations sexuelles avec les trois. Cet aperçu de son désir sonne la fin de Lucy.

Première victime de Dracula, elle est un avertissement aux autres femmes sur les dangers de leur propre désir. Lucy Westenra désire des hommes en dehors du mariage monogame prescrit, et elle sera punie pour cela. Et de quelle manière! Sa mort est l'un des meurtres les plus frappants et violents de la littérature gothique: un pieu de chacun de ses amants potentiels. Le sort réservé à Lucy est injuste et cruel, ce qui rend son personnage particulièrement touchant.

La première et la plus importante règle pour survivre à un film d'horreur, exprimée clairement et assez drôlement dans Scream (1999) de Wes Craven, est que si vous voulez survivre à un film d'horreur, "n'ayez pas de relations sexuelles". Certains considèrent donc, à juste titre à mon avis, le personnage de Lucy comme précurseur du stéréotype de la jeune fille frivole et séduisante qui finit systématiquement sauvagement assassinée après avoir eu une relation sexuelle. C'est dans le film Dracula de Coppola (1992) que le personnage de Lucy Westenra sera finalement représenté de façon la plus intéressante, tout du moins à la hauteur de l'importance du personnage dans le roman.

Le choix de cette planche du Dracula de Georges Bess a donc autant été dicté par son sujet (la fin tragique de Lucy et le retour de sa beauté originelle) que par ses qualités esthétiques évidentes.


La planche de Georges Bess

De ses qualités esthétiques, je veux retenir en premier lieu la délicatesse avec laquelle Bess a dessiné le personnage de Lucy. Dans aucune autre planche de l'album Lucy n'est aussi belle. J'ai le sentiment que Bess a lui aussi été profondément ému par ce personnage et qu'il s'est arraché pour lui rendre un dernier hommage. J'aimerais pouvoir lui poser la question un jour.

La composition de cette planche, comme pour tout le reste de l'album, me semble aussi très réussie. Bess s'est presque entièrement affranchi dans son Dracula du carcan des cases et du gaufrier. Cela lui permet d'exprimer toute sa créativité et son originalité sans rien perdre en lisibilité pour le lecteur. Cela commence ici avec une contre-plongée, dans le plus pur style expressionniste allemand des années 20, sur Van Helsing et les trois 'amants' de Lucy réunis dans la crypte autour du tombeau de Lucy. Bess enchaîne ensuite avec la vision horrifique de Lucy en vampire dans lequel on plante le pieu de bois. Enfin, nous avons droit à la transformation de Lucy qui reprend sa forme humaine originelle aussi belle que sensuelle dans sa robe de fine dentelle.

Enfin, il y a l'utilisation en grande quantité de roses blanches, mises en valeur par l'encrage et le parti pris du noir et blanc de l'album. Ces roses font figure d'enluminure de la planche, ce qui est d'ailleurs un thème esthétique récurrent dans cet album et une réussite indéniable.

Le Dracula de Georges Bess est à mon sens un des tout meilleurs albums de l'année 2019. C'est aussi à mon avis le meilleur album de l'auteur, devant Le Lama Blanc que j'apprécie pourtant beaucoup. Le travail d'adaptation du roman de Bram Stocker est remarquable et l'ensemble des paris esthétiques réalisés par Bess fonctionnent parfaitement tout au long du livre. Cette approche artistique a d'ailleurs été reprise pour son Frankenstein qui m'a lui aussi ravi et dont je possède deux planches mais je place Dracula un tout petit peu au dessus.

J'attends désormais avec impatience le dernier opus de son triptyque gothique: Notre Dame de Paris qui, si je comprends bien, est en cours de création.

Publications

  • Dracula
  • Glénat
  • 10/2019
  • Page 125
  • Dracula
  • Glénat
  • 10/2019
  • Page 125

Voir aussi :   Dracula

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A propos de Georges Bess

Georges Bess est un dessinateur et auteur français de bandes dessinées. Georges Bess déploie depuis plus de 40 ans ses talents dans plusieurs courants de le bande-dessinée : le comics américain, les grandes séries d'aventure (grand public), et le roman graphique ("BD d'auteur").