Dans la collection de Zizanion
Derib, Buddy Longway - L'ennemi (t.2, pl.17) - Planche originale
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Buddy Longway - L'ennemi (t.2, pl.17)

Planche originale
1974
Encre de Chine
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Commentaire

Grâce à un ami belge, j’ai eu la chance de passer un après-midi très agréable avec Derib à son domicile et dans son atelier à La Tour-de-Peilz. J’ai eu la bonne fortune de bénéficier de son hospitalité, de sa gentillesse et de son érudition. Tout comme son fils, Buddy Longway, Derib est un homme imbu de sagesse et d’humanisme.

Cette planche issue du deuxième tome de la saga des Longway est pour moi une perle qui exemplifie le style de découpage unique à Derib. En tournant le dos à la lecture linéaire qu’imposait le gaufrier de la bande dessinée classique, Derib a su brosser de vastes espaces et faire de la nature un personnage à part entière.

Cette planche dépeint une superbe scène pluvieuse avec Buddy, Chinook et Fellow qui se trouvent en pleine évolution graphique du semi-réalisme de Go West vers le style réaliste et épuré qui caractérisera la série.

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Derib :

Mon envie de dessiner des BD mettant en scène des Indiens est née à la lecture de Golden Creek, le premier album de Jerry Spring, série créée par Jijé. J’étais tout petit, nous étions alors dans les années 1950, et je sais qu’après cela, j’ai très rapidement annoncé à mes parents lorsque je serai grand, je raconterai moi aussi des histoires d’Indiens. Sans doute, ai-je été profondément marquée par le personnage d’Une-Seule-Flèche, l’un des comparses indiens de ce récit… Il y a une telle noblesse dans sa relation avec Jerry Spring ! Alors qu’il l’a vu tuer son père, chose dont il aurait pu se venger, Jerry choisi de livrer Une-Seule-Flèche à la justice des blancs. Ce que l’Indien accepte…Admirable !
Le second album fondateur pour moi, c’est Corentin chez les Peaux Rouges de Paul Cuvelier. C’est avec cette histoire que j’ai découvert les Sioux, ces indiens des plaines.
En fait, je n’ai jamais vraiment été attiré par les cow-boys. Cela à tel point que lorsque j’étais enfant, je ne jouais qu’aux Indiens. J’étais toujours un peu furieux de voir que dans les films hollywoodiens, on les décrivait comme des sauvages que les pionniers devaient liquider pour pouvoir progresser…

Quand j’ai commencé cette saga, tout ce que je savais, c’est que Buddy et Chinook auraient une vie harmonieuse et au moins un fils… Je savais aussi que la toile de fond serait l’Histoire nord-américaine, que la série compterait vingt albums et que le récit se terminerait par la mort du couple. Vingt albums, je trouvais que ce nombre était beau…

Alors que nous étions en pleine libération sexuelle, je voulais raconter une histoire d’amour et de famille dans laquelle je me projetterais totalement.
Je suis d’une nature réaliste et affective, l’histoire de Buddy est à cette image. Buddy et moi sommes tellement proches qu’il joue un rôle très particulier dans ma vie. Si on trouve autant de thèmes universels dans la série (la nature, le couple, l’humanisme, etc.), cela tient à mon attitude intérieure.

La BD est, pour moi, un medium très favorable pour progresser graphiquement, intellectuellement et même spirituellement.

Le prénom de Buddy est très recherche : Buddy, c’est le copain… Le nom Longway désigne, lui, le chemin à parcourir. Je voulais avoir un nom cohérent avec mon projet.

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Derib selon Cosey :

Dans son travail, Il y a toujours une recherche de la plus grande efficacité. Il ne s'agit pas de faire de l'esbroufe mais de raconter véritablement une histoire par le dessin. Le lecteur doit être pris par la main et on doit l'amener exactement là où l'on veut. Et ça, c'est l'une des grandes qualités de son travail. Supprimer de nos planches tout ce qui parasite la lecture est en somme une forme d'épuration. Claude racontant des histoires basées autant sur l'émotion que sur l'aventure, l'efficacité est d'autant plus difficile à trouver. Mais c'est un point qui ne lui fait jamais défaut. Je pense que s'il était ne chez les sioux qu'il aime tant, on l'aurait nommé "Plume-Qui-Raconte". Je me souviens qu'il était lassé de cette bande dessinée post-classique qui se contentait de répéter les trouvailles des "Anciens" pour en faire de simples conventions. C'est ce qu'il qualifiait de petit théâtre, avec ces mises en page en gaufrier et des personnages toujours dans la même dimension...
Il a donc commencé à faire éclater les formats, ouvrir les cases, supprimer les cadres, insérer une image dans une autre, mais toujours dans le but de mieux raconter.

Bien sûr, Claude n’était pas le seul : Druillet et Giraud développaient déjà un langage graphique très original et nouveau. Il fait néanmoins partie des pionniers. Graphiquement, par ce qu’on vient de dire, puis par le choix des sujets. Le western en était à l’attaque de la diligence et aux bons Blancs contre les méchants Indiens. Lui, il a pris le contre-pied de tout ceci avec cette histoire de trappeur qui tombe amoureux d’une Indienne. C’est tout de même très original ! Remis dans le contexte du journal Tintin à cette époque, Buddy Longway était assez surprenant et nouveau. A part le Corto Maltese d’Hugo Pratt, je ne vois pas d’autres BD qui abordaient une telle dimension humaine.

Publication

  • L'ennemi
  • Lombard
  • 01/1975
  • Page intérieure

Voir aussi :   Buddy Longway

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A propos de Derib

Derib, de son vrai nom Claude de Ribaupierre est un auteur suisse de bandes dessinées. Passionné par les Indiens d'Amérique, il est l'auteur de séries de bandes dessinées populaires comme Yakari et Buddy Longway.