Dans la collection de Kyeezee 
Moebius, Arzach, Fascicule 3 (ARZAK) - Planche 4 - Planche originale
1644 

Arzach, Fascicule 3 (ARZAK) - Planche 4

Planche originale
1975
Encre de Chine
25.8 x 33.5 cm (10.16 x 13.19 in.)
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Illu 09 de Moebius Métamorphe

Description

Encre de Chine et encres de couleur sur carton pour la planche 4 de l'histoire « Arzak », 3ème histoire de la première édition, publiée en album en 1976 aux éditions Les Humanoïdes Associés. Prépubliée dans le numéro 4 de la revue « Métal Hurlant » en octobre 1975.

Commentaire

Dans 'Mister Moebius et Docteur Gir', Numa Sadoul décrit la planche en ces termes: ‘Mais Moebius explore ici (Arzach) les possibilités temporelles de l'image. II y a par exemple, dans le n° 4, une planche fantastique où l'auteur exprime un hiatus dans le mouvement normal, la vitesse: en deux images, un personnage exécute une série de gestes cependant que les gens qui l'entourent demeurent figés dans leur posture. Le mouvement a duré le dixième d'un micron de seconde, le personnage étant allé plus vite que le son, la lumière et toutes ces sortes de choses, plus vite que le temps lui-même... Je ne puis malheureusement pas reproduire cette planche le numéro en question de Métal Hurlant n'est pas encore paru au moment où je remets mon livre à l'imprimeur ! C'est d'ailleurs dans ces deux mêmes cases que Jean Giraud se livre une fois de plus au petit jeu de maniaque dont je parlais à propos du « Bandard », le jeu du détail dingue au coin de l'image : à la seconde case, l'un des personnages figés remue doucement ses doigts de pieds....’


Dans la revue TAO, Jean-Luc Coudray reprend la deuxième case de la planche comme case mémorable 1 et en dit :
‘J'appellerai cette case "Rencontre entre deux mondes"
Le personnage principal est vêtu en aviateur. Il est plastiquement relié et organiquement dépendant d'une vieille voiture (cases précédentes) qu'il conduit manifestement comme un aéroplane. Sa mallette montre qu'il est en mission.
Les autres personnages ont la gémellité d'un destin commun : ils sont nus et leur agressivité est une puissance lente. C'est dans le ralenti d'un sommeil que l'un d'eux, qui est n'importe lequel d'entre eux, tente le seul contact possible avec le conducteur de la voiture : le coup de pied parfaitement codé d'un karatéka, rencontre non-personnelle, liaison réduite au plus simple passage de la cause à l'effet, le transfert d'énergie.
Ainsi, la relation entre ces deux mondes est une relation quantitative, où un élan passe d'un personnage à l'autre, relation à sens unique.'


Cette planche fait l'objet d'analyses détaillées dans l'ouvrage 'Moebius Métamorphe' des Humanoïdes.
Je reprends le texte de l'ouvrage pour ce qui concerne la temporalité, qui amène une relecture de la planche:

"C’est une banalité de dire que la narration en bande dessinée est une affaire de temps. Chaque case représente un moment capturé et séparé du suivant par une ellipse. Mœbius introduit cependant d’étranges distorsions temporelles, perceptibles uniquement si l'on observe attentivement les arrière-plans. En peinture, ce qui se passe autour ou derrière le sujet est souvent plus révélateur que le sujet lui-même. L'arrière-plan occupe en effet une grande part de la réflexion de l'artiste pose son image et peut parfois suggérer un propos parallèle volontairement décalé. Il se trouve que Mœbius agit souvent de même dans ses créations. Il est donc particulièrement révélateur dans son cas de s'attarder sur les arrière-plans, comme il nous y invite d'ailleurs lui-même à sa manière (ill. 18 - dans le livre).
Dans Arzach, épisode 3, planche 4, case 1 tout à sa routine et ne craignant visiblement pas les hommes verts, le réparateur traverse la salle, indifférent à ce qui l'entoure. Or, un personnage à l'arrière-plan a l'attention attirée ailleurs. Quelque chose se passe hors-champ (ill. 19).
Case 2, surgit la révélation. Mœbius fige alors le temps pour décomposer ce mouvement du karatéka qui dure en réalité une fraction de seconde. Le personnage est en apesanteur, comme saisi par un appareil photo à grande vitesse. Dans cette phase et la suivante, le dessin restitue la technique d'un coup de pied sauté réel de karaté. Mœbius pratiquait cette discipline à l'époque.
Case 3, le coup est porté. Le réparateur n'a même pas eu le temps de faire un pas. Sous le choc, il est projeté en avant et décolle du sol.
Le plus troublant dans cette séquence réside dans les détails étranges dissimulés dans ces deux images pourtant limpides à première vue. Reportons-nous sur les personnages à l'arrière-plan.
Case 2, l'instant est figé. Tout le monde est immobile. À gauche, l'un des personnages lance un caillou en l'air. Au centre, l'homme vert qui anticipait la présence hors champ du karatéka observe désormais le réparateur. Lui aussi a une position de karatéka s'entrainant à un blocage. Derrière lui, l'autre personnage a imperceptiblement tourné la tête. À droite, l'homme assis tourne le dos à la scène et regarde ses pieds.
Case 3, le temps s'est écoulé. Mais en examinant l'arrière-plan, on s'aperçoit qu'il s'est écoulé différemment pour chaque groupe! En bonne logique, le petit nuage de poussière soulevé par le bond du karatéka est en train de retomber. Mais que se passe-t-il du côté du lanceur de caillou? Rien. Le caillou n'est pas descendu d'un millimètre. Ce personnage est donc désynchronisé par rapport à la séquence «principale» (karatéka + réparateur). Deux hypothèses: soit il est hors du temps, soit le caillou est en lévitation. Il ne peut en effet s'agir d'une erreur. Mœbius n'avait d'autre choix que de redessiner un à un tous les personnages de l'arrière-plan (Photoshop et la fonction «copier-coller» n'existaient pas en 1975). Passons au duo central de l'arrière-plan. Lui non plus n'a pas bougé. Qu'en est-il du personnage droite qui observait ses pieds? Il a maintenant les doigts en éventail. Il est manifeste qu'il appartient au même continuum temporel que le groupe karatéka-réparateur. Entre les deux instants, les doigts de pied du karatéka et son sexe changent de position. Mœbius gère des fractions de secondes dans un temps qu'il désarticule."

Publications

  • Arzach
  • Les Humanoïdes Associés
  • 06/1976
  • Page intérieure
  • Metamorphe
  • Les Humanoïdes Associés
  • 08/2021
  • Page 83

Voir aussi :   Arzach

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A propos de Moebius

Jean Giraud, connu sous son vrai nom et sous les pseudonymes Moebius et Gir est un auteur français de bande dessinée. Sous le pseudonyme de Moebius, il est l'auteur et/ou le dessinateur de bandes dessinées fantastiques qui lui valent une reconnaissance internationale jusqu'aux États-Unis et au Japon, habituellement peu réceptifs à la bande dessinée européenne.

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