Dans la collection de MV9957
Almas Perversas par Oscar Bazaldúa Nava - Couverture originale
1357 

Almas Perversas

Couverture originale
Gouache
29.5 x 32 cm (11.61 x 12.6 in.)
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The IMP # 4 - Historietas Perversas - Mexico's addictive comics
The Imp # 4
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Commentaire

Sensacionales – ALMAS PERVERSAS - Oscar Bazaldúa

Hommage à TT qui a écrit un commentaire pertinent sur les pulps mexicains (sa planche La Sorcière de Lucas Marangón et Effrén). Merci à lui aussi pour la recommandation de l’étude menée par D. Raeburn sur le sujet, elle est passionnante (voir photos jointes).

Daniel Raeburn est un auteur américain qui a publié des études-monographies sur des auteurs tels que Chris Ware. Daniel Clowes, Jack Chick, et cette étude sur le mode journalisme gonzo sur ces BD mexicaines surnommées Sensacionales, ou Historietas Perversas ou encore Ghetto Librettos.

http://danielraeburn.com/index.html

Raeburn précise toutefois, que parmi toutes ces séries c’est surtout Almas Perversas (Âmes perverses) qui l’intéressait, et que c’est essentiellement sur cette série qu’il s’est focalisé. J’avoue, pour m’être procuré nombre d’exemplaires de ces diverses séries, qu’il avait raison.

Il y a effectivement un monde d’écart pour la plupart de ces séries, sur le plan artistique, comme il y en avait un pour les petits formats de notre enfance et plus tard les fumetti, entre le dessin du contenu et les illustrations de couverture dont certaines sont absolument géniales. Almas Perversas fait exception en offrant un dessin intérieur de qualité, qui plus est colorisé, et la mise à nu la plus aboutie du ressort dramatique et psychologique, la « mécanique » perverse de ces pulps. Almas Perversas est le musée de toutes les bassesses de l’âme humaine, de la cupidité, de la vénalité, de la luxure et de toutes les perversions, jusque et y compris le commerce de la viande humaine et le cannibalisme, le tout enrobé dans un langage strictement ordurier. Si beaucoup de numéros sont répétitifs, quelques-uns sont des morceaux d’anthologie.

Raeburn raconte l’histoire de l’illustration de couverture de Imp 4 Historietas Perversas – Mexico’s addictive comics, que Bazaldúa et Silva réalisèrent pour lui à Mexico. La composition était la plus typiquement représentative d'Almas Perversas mêlant le cul, la drogue et la mort. Sur un champ de bataille parsemé de détails-symboles tels que pneu incendié, antenne de TV rouillée, arme encore fumante et cadavre sanglant, des femmes dociles s’occupent du personnage central, l’une en lui faisant une injection d’héroïne pendant que l’autre lui administre une fellation, flagrante quoique non explicite. Bazaldúa arqua le sourcil et courba subtilement le coin de la bouche de cet homme, lui conférant le sourire suffisant qui est la marque de fabrique de la canaille, bas, sournois, et vile fripouille.

Commentaire de D. Raeburn : « … Bazaldúa et Silva sont des voyous avec brio ; ils sont vigoureux et lubriques. »

Mexico’s addictive comics - Brève synthèse de l’étude de D. Raeburn : Le marché des historietas traditionnelles mexicaines, le plus grand marché du monde de BD jusqu’aux années 80, s’effondra suite à l’arrivée massive des comics US de superhéros, suivis des mangas japonais. Les éditeurs réagirent en lançant les sensacionales, des pulps à base de violence, drogue et cul, sans aucun tabou et très bon marché, qui connurent un énorme succès jusqu’aux années 2000. Les trois éditeurs qui se partageaient le marché des sensacionales (EJEA, Toukan et Mango), appartenaient tous en fait à la même famille Flores. Ils contournaient les règles de censure en particulier en donnant une fin moralisante à leurs histoires. Ce marché s’effondra à son tour après un durcissement de la censure par le gouvernement Fox, l’augmentation du coût du papier, et surtout l’irruption d’internet.

Ces pulps que les américains baptisèrent Ghetto librettos, visaient une population adulte (et non plus adolescente), urbaine, appartenant aux couches les plus basses, le plus souvent sans argent, travail ou éducation, et que Raeburn qualifie de « f...-up » en anglais (« jodidos » en espagnol). Ce sont donc des histoires de « baisés » et de « baiseurs ». Méprisés par les populations éduquées, elles étaient cependant lues sous le manteau de façon aussi massive qu’honteuse (1).

Après être passée par toutes sortes de perversions, la fin des histoires s’inscrivait dans une morale classique quoique très brutale. Ces histoires alimentaient l’appétit pour la transgression, mais elles laissaient la situation inchangée ; elles subvertissaient tout mais ne menaçaient rien. Ces pulps se nourrissaient des peurs et des désirs les plus profonds de leurs lecteurs, en particulier en matière de revanche sociale. Ils n’étaient pas pornographiques à proprement parler, ils étaient obscènes et crasseux, et la crasse est cent fois plus sale que le porno. Comme dit l’un de leurs auteurs : « le porno made in USA ce n’est que du sexe, sans cause ni effets ; les sensacionales parlent de tout ce qu’il y a autour, les obstacles et les conflits », et ces causes et effets s’enracinaient dans la morale catholique. C’est le moralisme qui les rendait choquants et attirants, parce que rien n’équivaut au plaisir de la transgression.

En fait c’étaient des histoires carnavalesques, dans lesquelles il y avait inversion des valeurs, y compris des valeurs machistes, où l’oppressé avait l’occasion de devenir oppresseur, pour un temps tout du moins, ne serait-ce qu’au niveau du fantasme. D’une certaine façon, ces pulps fonctionnaient comme une catharsis de classe par laquelle les classes inférieures évacuaient leurs frustrations et humiliations.

(1) Comme le S.A.S. de Gérard de Villiers en France par exemple

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A propos de Oscar Bazaldúa Nava

Oscar Bazaldúa Nava, artiste vénéré au Mexique, est né en 1967. Il étudia d’abord dans une « Commercial Art School » dont le bâtiment s’effondra lors du tremblement de terre de Mexico de 1985. Contraint d’abandonner ses études il devint alors l’assistant pendant 3 ans du vieux maître Sixto Valencia, auteur et éditeur de Mad au Mexique, aux manettes alors de Memín Pinguín, un des personnages iconiques (et controversés vu que c’est un petit noir des rues assez caricatural) de la BD mexicaine traditionnelle. Oscar Bazaldúa devint dans les années 1990-2000 un dessinateur fondamental des séries sensacionales des éditeurs Toukan et Mango. Entré depuis dans l’univers Marvel, il a dessiné La Chatte Noire (Black Cat) et a travaillé sur nombre d’autres titres des franchises US comme Spiderman, Suicide Squad, ou encore l’adaptation BD de Rogue One – A Star Wars Story. Il a également travaillé pour Les Humanoîdes.

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