Aâma - couv. T4

Aâma, couverture du tome 4 "Tu seras merveilleuse ma fille", encre de Chine

Frédéric Peeters a rejoint - avec Lupus et surtout Aâma - le rare cercle des créateurs d'univers, démiurge de grand talent aux côtés des grands auteurs comme Simmons, Herbert, Tolkien, Azimov, Banks.. Et graphiquement, il rejoint les maîtres de l'école suisse aux côtés de Cosey, Marini, Derib...

Les tribulations cosmiques de Verloc Nim sont prétexte à une fable "larger than universe" tant elles entrelacent son parcours intérieur initiatique, sa mortelle randonnée à travers Ona(ji) et les créations extraordinaires d'Aâma, l'assomption de l'Elu en symbiose absolu avec la Vie.

Arrivé au bout du chemin, Vernon ne fait plus qu'un sur cette couverture avec ce qui est en haut et comme ce qui est en bas, incarnant le premier maillon rizhomique d'un nouvel âge de l'humanité, surhomme apportant un épilogue organique à l'évolution nietzschéenne, fusion androgyne avec le féminin par sa fille pour parvenir au re-bis.

En bref, une tétralogie cosmique qui m'aura sidérée tant par sa richesse que ses mystères. Et c'est donc un rêve de collectionneur que de pouvoir accéder à l'une des quatre couvertures de cette série, surtout sachant que deux seulement sont en collection privée puisque Peeters gardera toujours la première (et que la troisième a été aboutie à la palette graphique).

À lire et relire

Avec, pour finir, la parole du maître sur ce dernier opus:
"En ce moment, c'est l'extase. En fait je me rends compte que tout ce périple, ces centaines de pages de bd, ces recherches sinueuses, ces piles de textes et de lectures, n'avaient que pour but de m'amener à ce quatrième volume. Enfin je me sens libre, chaque dessin ou presque est une évidence, toutes les images que je dessine sont mûres, prêtes dans ma tête depuis deux ou trois ans. Et le but est clair, je sais ce que je fais. Toute cette lente ascension en pleine forêt uniquement pour me permettre au bout du compte de me promener seul sur la crête dégagée ou milieu des chocards à bec jaune. J'en arrive même à faire des mises en pages éclatées, des doubles pages, des superpositions, des choses que je rêvais de faire depuis Lupus en fait, mais aucun projet ne s'y était prêté. C'est souvent un métier difficile, tout y est lent, il y a beaucoup d'entraves, mais quand le soleil perce à travers les branches, le plaisir est d'autant plus profond. Parce que c'est précisément pour ces sensations que je travaille."

Et à un des analystes sur cette 4eme couverture :
« Enfin, une figure monstrueuse, boursouflée, recouverte de protubérances végétales bourgeonnantes et d’entrelacs rhizomiques qui laissent à peine entrevoir, de ce corps difforme, le visage et la main du protagoniste en proie à une mutation – celle, pourrait-on dire, qui résulte d’un passage définitif du portrait réaliste à la représentation d’un être de science-fiction. La référence graphique aux portraits végétaux de Giuseppe Arcimboldo a été préalablement explicitée dans une vision cauchemardesque au tome 3 (p. 42), et, hors la seule vision subjective, s’incarne désormais dans une « chose » qui rappelle « The Swamp Thing », « Hulk » ou « Tetsuo », et se situe au cœur de la spéculation technologique de la série. Même si aucune désignation de collection ne vient préciser le genre, les motifs visuels convoqués ici (à l’exception, à la rigueur, de celui pour lequel Peeters a finalement opté pour le troisième album) renvoient indiscutablement au genre de la science-fiction et à ses mondes autres sur le plan de la technologie, des humanoïdes ou des environnements urbains ou végétaux ».
Alain Boilllat in « La science-fiction au prisme de l’intime : étude des séries Lupus et Aâma de Frederik Peeters (2002-2014) »