Dans la collection de archeobd 
12000 Miles par Christopher Clark - Œuvre originale
35 

12000 Miles

Œuvre originale
2023
Encre de Chine
Couleurs à la peinture aquarelle
18 x 25 cm (7.09 x 9.84 in.)
Couleurs à la peinture aquarelle
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Description

Galerie de portraits horrifiquement grotesques, à multiples facettes et à tendance surréaliste.

Inscriptions / Signatures

Monogrammé dans cartouche

Commentaire

Xilor était un mini cargo chargé de la surveillance des anneaux de Saturne.

Il avait été conçu en l'année 3.087 de la nouvelle ère, celle qui avait suivi le grand clash thermo-nucléaire qui avait mis fin à la plupart des espèces mais surtout à la domination de Sapien-Sapiens sur Terre, tout du moins dans sa forme originelle.

Les effets, l'explosion surpuissante avait endommagé la croute terrestre. Il s'en était suivi l'apparition d'une multitude d'explosions volcaniques qui avaient répandu tout autour du globe une ribambelle d'écharpes de cendres qui s'étaient mélangées aux radiations nucléaires. Le cocktail avait été si puissant que cette race intelligente mais si agitée avait vu s'opérer, à l'échelle de la planète entière, une déchéance physique et psychique rapide, irréversible. Les tissus des corps brûlés et bubonneux avaient commencé à se décomposer, ses membres s'étaient décharnés puis étaient tombés, os à vif, ne laissant plus qu'une vie précaire dans le tronc où les organes finirent par être aussi atteints. Par contre, la tête, bizarrement, fut en partie préservée, peut-être grâce à une étrange protection exercée par la boite crânienne: en partie seulement, c'est à dire que Sapien-Sapiens était devenu un débile mental, selon la définition du moment... Quoi qu'il en fut, le résultat n'était pas beau à voir.

Heureusement pour sapiens-sapiens, ou plutôt pour ce qu'il en restait, ses meilleurs savants venaient de découvrir les principes de base de l'informatique quantique qui, encore emprisonnée dans des murs électroniques gigantesques, avaient pu mettre en application les premières théories de ce qui fut appelé à l'époque "l'intelligence artificielle" (IA). Des robots chirurgiens avaient été fabriqués en toute hâte dans les deux ou trois laboratoires secrets, enterrés à grande profondeur, qui avaient survécus au cataclysme autodestructeur. IA, assistée de quelques savants rescapés, sauva une poignée de spécimens humains qui pouvaient encore l'être. Elle avait croisé la physiologie de leur crâne avec un système biomécanique sophistiqué, basé sur l'interconnexion entre ses cellules organiques et des molécules métalo-mécaniques qui formaient une enveloppe-caisson de survie. Les sapiens-Sapiens n'ayant pas voulu ou pu être soumis au traitement disparurent totalement de la surface de la Terre en moins de deux siècles. IA se retrouvait seule, mais elle avait eu le temps d'apprendre à être autonome.

IA s'était ensuite autodéveloppée à une vitesse fulgurante, créant sur Terre un nouveau monde basé sur un retour à l'équilibre de ses différents composants, de ses "bio-équilibres" comment dirent les humains en leur temps. Puis, une fois l'équilibre terrestre retrouvé, IA avait commencé à explorer son environnement spatial: elle avait créé, puis lancé, des sondes vers diverses parties du système solaire, vers des constellations comme Andromède, Cassiopée et Capricornus: forte de ses succès elle avait fini par envoyer de véritables vaisseaux interstellaires aux quatre coins des spirales de notre Galaxie, faisant des découvertes prodigieuses dont elle ramenait régulièrement le produit sur Terre: on pouvait être un être artificiel et aimer l'art et les sciences et techniques.

On en était là aujourd'hui. Et Sapiens-Sapiens dans tout cela? IA avait considéré que ce qui en restait faisait partie intégrante du nouveau bio-équilibre, que ses représentants étaient les vestiges d'une histoire qui ne devait pas être oubliée et que les quelques milliers d'exemplaires qui avaient pu être sauvés devaient trouver leur place dans le nouveau monde. Néanmoins, IA était toujours restée méfiante quant aux données psychologiques des ultimes représentants de la race: ceux-ci reproduisaient assez régulièrement une forme d'agitation qui faisait resurgir de très mauvais souvenirs à la surface des capteurs quantiques mémoriels de IA. Elle avait donc décidé de leur donner des taches strictement subalternes ici et là, dans des zones inertes, sans jamais leur faire dépasser les limites du système solaire car IA, par prudence, voulait toujours garder un œil sur eux (c'était une façon de parler bien évidemment).

C'est ainsi que Xilor se retrouva à compter les roches d'étoiles et les particules de poussière des anneaux de Saturne. Il y en avait des milliards de milliards. Xilor devait les mesurer, les classer puis établir des grilles d'analyse mentales qu'il transmettait à IA. Il trouvait que ce travail était un peu fastidieux et se demandait souvent si cela servait à quelque chose. Quand Xilor était au comble de l'ennui, il ouvrait le haut de son bloc biomécanique où une protubérance céphalique laissait sortir une ou deux idées qui se matérialisaient instantanément. A cet instant, un mini-crâne dentier apparut, ainsi qu'un crâne couteau, qui commencèrent à deviser mentalement avec lui. Il n'était pas question, dans l'environnement saturnien, de pouvoir converser comme on le faisait jadis sur Terre: la communication s'effectuait sous forme télépathique. Au bout d'un moment, les deux idées de Xilor s'écartèrent puis commencèrent à compter elles-aussi les poussières des anneaux.

IA, dans son infinie sagesse, avait permis à Sapiens-Sapiens de continuer à penser, mais il ne fallait jamais qu'il s'en serve trop longtemps, encore moins qu'il cherche à mettre en application les idées qui pouvaient lui venir. C'est pourquoi elle avait mis au point une forme d'autorégulation qui interdisait à Xilor de penser trop longtemps.

De son côté, Xilor voyant ses deux idées s'éloigner, se remit sans enthousiasme à compter les roches d'étoile des anneaux de Saturne, chose qu'il faisait maintenant depuis une éternité, depuis plus de 12.000 années terrestres.

(Texte de PHI pour la galerie Archéobd dans 2DG)

Personnages échappés d'un cauchemar surréaliste à tendance médiévale à la Brueghel ou a la Jérôme Bosch, pimenté d'un zeste moderne à la Basil Wolverton, anatomies à multiples faces souvent les unes dans les autres telles des poupées russes horrifiques et grotesques. La délicate mise en couleur à l'aquarelle jette un contraste d'apaisement face à la monstruosité des sujets.

Christopher Clark est un jeune dessinateur autodidacte nord américain d'une trentaine d'années. Installé à Philadelphie, il diffuse son travail dans diverses revues underground confidentielles. Son style emprunt d'une forte dose de surréalisme singe avec peu de grâce mais force intensité des personnages et situations réelles qu'il croise dans l'actualité puis qu'il retranscrit dans ses univers cauchemardesques.

Ses compositions sont riches et complexes. Il faut bien en scruter les détails, analyser la superposition des couches et strates d'individus pour discerner finalement la multitude d'intentions au sein d'un seul et même personnage.

Peut-être faut-il considérer que ses personnages aux multiples visages ne sont finalement que l'incarnation de multiples personnalités du même individu?

Si ça mord, si ça bave, si ça transpire, si ça suinte, si ça "beurk", çela ne laisse jamais indifférent.

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