L'épée sauvage de Conan

24 mars 2016,  par  William Blanc

Le héros barbare dans les comics 

 

 

Le personnage de Conan a été créé en 1932 par l'auteur texan Robert E. Howard dans les pages de la revue pulp Weird Tales. Ses aventures narrent le parcours d'un individu hors norme, se hissant du statut de simple barbare vagabond à celui de roi dans un monde médiéval, sombre et violent.

Après la mort prématurée de l'auteur en 1936, qui se suicide suite à la mort de sa mère, le personnage est peu à peu oublié. Les rééditions de ses nouvelles, complétées et parfois transformées par l'écrivain Lyon Sprague de Camp, restent assez confidentielles.

 

Frank Frazetta, "The Barbarian", couverture pour Conan the Adventurer, Lancer, 1966

 

Il faut attendre les années 1960 et la publication des œuvres de Robert E. Howard par l'éditeur Lancer pour que le personnage connaissance une popularité nouvelle. Ce succès s'explique sans doute par l'attrait que suscite la fantasy au même moment, porté par la large diffusion de la trilogie du Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien.

Mais il est également dû aux couvertures saisissantes peintes dans des tons sombres par Frank Frazetta (qui a commencé sa carrière comme dessinateur de comics) qui influenceront par la suite la plupart des artistes s'attaquant au personnage Conan. Alors que les illustrations précédentes représentaient le héros comme un centurion romain, Frazetta, sans doute marqué par l'esthétique du culturisme qui se développe alors aux États-Unis, montre le barbare sous les traits d'un homme à la musculature saillante, couvert de cicatrices qui attestent des rudes combats qu'il a dû affronter pour survivre.

 

Les héros de DC, Batman et Superman en tête, à l'assaut d'une caricature d'un personnage Marvel.
The Justice League of America, #135, octobre 1976.

   

Cette nouvelle popularité graphique de Conan inspire rapidement Marvel Comics qui décide, en 1970, de lancer un titre consacré au héros barbare (Conan the Barbarian) sous la direction de Roy Thomas, rejoint rapidement par John Buscema au dessin. Le succès de ce comic-book permet rapidement à l'éditeur new-yorkais de développer toute une gamme de publications de fantasy s'appuyant sur les œuvres de Robert E. Howard : Kull The Conqueror (1917-1973) puis Kull the Destroyer (1973-1978), vite rejoint par la guerrière Red Sonja (1977-1979).

De son côté, DC Comics tente aussi de se lancer dans la fantasy avec sa propre publication inspirée d'un récit médiéval, Beowulf (1975). L'échec de ce comic-book, dont seuls six numéros sont édités, incite le concurrent de Marvel à changer de stratégie. Dans Justice League of America #135 #136 et #137 (octobre-décembre 1976), Superman, Batman, Green Arrow et consorts sont opposés à un super vilain (jadis utilisé dans les années 1950 par l'éditeur Fawcett Comics) appelé King Kull dont les traits parodient les deux héros barbares de Marvel : Conan et Kull.

 

Roy Thomas (scénario), Robert E. Howard (scénario), John Buscema (dessin), Alfredo Alcala (encrage)
The Savage Sword of Conan, #2, octobre 1974

 

Il faut dire qu'au même moment, le concurrent de DC Comics étoffe ses titres de fantasy. The savage Sword of Conan, publié à partir de 1974, permet au tandem Thomas-Buscema, appuyée par une solide équipe d'encreurs, comme le Philippin Alfredo Alcala, de montrer l'étendu de leur talent et de s'adresser à un public plus adulte.

Diffusée comme un magazine, la publication n'est pas soumise aux obligations du Comic Code instauré en 1954 sous la pression des partisans de l'ordre moral. Par conséquent, les auteurs peuvent représenter l'univers de Conan comme pouvait le concevoir Robert E. Howard : moins héroïque, remplis de monstres, scandé au rythme des combats sanglants et des apparitions de créatures de rêve, et surtout plus sombre. C'est sans doute ce dernier aspect qui incite Roy Thomas à éditer The Savage Sword of Conan en noir et blanc. Les couvertures en couleurs reprennent quant à elle une esthétique largement inspirée des illustrations de l'éditeur Lancer.  


L'influence du travail de Frank Frazetta et des comics du duo Thomas / Buscema est énorme. Le film Conan le barbare (1982), leur doit beaucoup, mais aussi l'esthétique de nombreux groupes de metal (comme Manowar), des jeux de rôle et finalement, des jeux vidéo, comme Barbarian (1987) ou plus récemment, le MMORPG Age of Conan (2008). Les comics, comme souvent, étaient à l'avant garde de la culture populaire.
 
Vous pouvez retrouver les oeuvres originales relatives à Conan sur le site 2dgalleries.com à cette adresse.

William Blanc

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