Dans la collection de MV9957
Jaime Caldéron, Thierry Gloris, Felideus, Valois - 1. Le Mirage Italien - Planche originale
1315 

Valois - 1. Le Mirage Italien

Planche originale
2018
Encre de Chine
29.7 x 42 cm (11.69 x 16.54 in.)
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Esquisse Valois
Détail
Planche N&B avec plus de pixels
Album Tome 1
Planche couleur
Planche couleur
Planche couleur détail

Inscriptions / Signatures

Signature en bas

Commentaire

1. Le Dessin
Jaime Calderon est un dessinateur virtuose. Son dessin est d’une grande précision et d’une grande souplesse, ce qui le rend extraordinairement fluide, à l’égal d’un Delaby dans « Murena ». En outre, la mise en page classique/éclatée, le découpage des séquences, et les plans choisis, plongées/contre-plongées, gros plans/plans généraux, donnent beaucoup de rythme et de force à la mise en scène, en particulier dans les scènes d’action qui sont, à mon avis, les scènes où Jaime Calderon devient vraiment extraordinaire.

2. Le Scénario
Le talent de Calderon va enfin éclater au grand jour grâce à cette nouvelle série « Valois ». Le cadre historique s’inscrit comme dans les albums précédents (« Les Voies du Seigneur » et « Isabelle La Louve de France ») dans l’Europe des Moyen Âge classique et tardif et du tout début de la Renaissance.

Ces scénarios antérieurs étaient cependant frustrants :
- Une brève synthèse -plus ou moins réussie- de certains épisodes historiques : « Les Voies du Seigneur » par Fabrice David et Grégory Lassablière.
- Le biopic d’un personnage intéressant certes, mais somme toute secondaire et agissant dans l’ombre : « Isabelle La Louve de France » par Thierry Gloris et Marie Gloris

Le nouveau format choisi pour « Valois », scénarisé par Thierry Gloris, est la série, et il va permettre de déployer les personnages et leurs évolutions dans le temps et dans l’espace, de construire classiquement une fresque, avec une trame, des ambitions, des complots, des trahisons, des retournements de situation. Les personnages centraux sont en outre agissants (très agissants) et aux caractères opposés (très opposés), ce qui fonctionne à merveille. Comme quoi il n’y a pas 36 façons de construire une histoire, ou pour le dire autrement, c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe (cf. « Les Rois Maudits » ou « Versailles » sur des médias différents). Vivement la suite.

PS : Calderon a donné à ses deux héros deux têtes bien particulières. Henri Guivre de Tersac le français a une certaine ressemblance avec Vincent Cassel, et Blasco l’espagnol est le portrait craché de Rafael Nadal ; gage pour l’un comme pour l’autre de caractères bien trempés.

3. La Couleur
Il faut par ailleurs ajouter également un commentaire sur la colorisation, même si on ne la voit pas sur ces planches originales en N&B ; il faut pour cela se reporter à l’album. On parle toujours du dessin et rarement de la mise en couleurs, à juste titre pour ceux de ma génération qui avons par le passé vu tellement d’albums aux couleurs négligées ou massacrées ; la couleur était toujours un élément secondaire. On assiste cependant depuis quelques années à une montée en puissance de la couleur comme un élément à part entière de la narration. C’est le cas précisément dans « Valois », que je voudrais comparer à trois autres œuvres ultra connues dessinées également par des dessinateurs virtuoses : « Murena », « Le Scorpion » et « Le Sursis ».

Si le dessin de Calderon est déjà un tour de force en soi, sa mise en couleurs, qui a bien évolué au fil des albums, est également remarquable et originale.
- « Les Voies du Seigneur » étaient colorisées par Romain Lubière, qui pose d’emblée le style de colorisation spécifique aux histoires dessinées par Calderon (pistolet aérographe ?), comme si ces couleurs s’intégraient à son dessin et devenaient un élément à part entière de son style.
- Johann Corgié colorise « Isabelle la Louve de France » et enrichit la palette chromatique, lui donne plus de vivacité et de relief pour les carnations.
- « Valois » enfin, est colorisé par Felideus (Felideus Bubastis) qui tout en s’inscrivant dans la même ligne que ses prédécesseurs, pousse la technique un peu plus loin. La chair, les visages et les corps, prennent véritablement vie grâce à lui. En outre, sa colorisation permet également, en étageant les plans, de dégager la profondeur et la perspective.

En comparaison, « Murena » présente :
- Une palette moins agressive et plus douce avec une technique différente, proche de l’aquarelle
- Une évolution similaire, avec un même style de colorisation propre à l’œuvre de Delaby, quels que soient les coloristes (Dina Kathelyn, André Benn, Philippe Delaby lui-même, Jérémy Petiqueux, Sébastien Gérard), qui évolue progressivement avec une même recherche obsessionnelle de de la mise en valeur de la carnation.

La colorisation par Gibrat, de ses propres albums (un autre dessinateur virtuose extraordinaire), proche de celle de « Murena » est à cet égard, à mon humble avis, moins réussie de prime abord. Elle est plus "pastellisée", plus assourdie, moins vive et lumineuse et surtout moins charnelle, mais elle semble être élaborée pour être en accord avec ce qu’exprime Gibrat.

Enrico Marini colorise lui-même « Le Scorpion » depuis le début. La comparaison avec les œuvres précédentes est très intéressante :
- C’est un univers totalement différent des précédents. « Le Scorpion » ne prétend pas être « réaliste », c’est un univers romanesque proche de celui d’Alexandre Dumas.
- Du coup, Enrico Marini qui est un dessinateur virtuose capable de faire du dessin « réaliste » comme ses esquisses le prouvent, simplifie et force le trait pour lui donner une accessibilité, une dynamique et une force très cinématographique et hollywoodienne.
- Enrico Marini qui est son propre coloriste adopte fort logiquement une palette outrée aux couleurs criardes où abondent les rouges, ainsi que les aplats de jaunes et de bleus.

En conclusion : dans ces grandes œuvres modernes la couleur est un personnage à part entière du récit, pensée comme telle dès le début, en cohérence avec l’univers dans lequel elle s’inscrit, en cohérence avec le dessin et le scénario. Conçue de façon systémique et avec tous les atouts pertinents : dessin, scénario et couleur, « Valois » a tout pour devenir une grande œuvre à l’égal des trois autres mentionnées.

PS : Le pionnier en matière de carnation, pour moi, était Liberatore dans « Rank Xerox », qui utilisait cependant d’autres techniques (cf. son interview dans Les Cahiers de la BD n° 1 page 42).

Publication

  • Le Mirage italien
  • Delcourt
  • 01/2018
  • Page intérieure

Voir aussi :   Valois

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A propos de Jaime Caldéron

Jaime Caldéron est un illustrateur et dessinateur de bande dessinée espagnol notamment connu pour ses séries historiques moyenâgeuses au trait réaliste.