Torpedo 1936

Tomo 1 - El negro que puso los ojos en blanco

Jordi Bernet est d'abord un maître du noir et blanc. Son trait est d'une grande simplicité apparente, mais l'ensemble est très expressionniste : le jeu des noirs et blancs en dit plus sur l'esprit de la série que le texte, et d'une certaine façon c'est également le jeu des noirs et blancs qui donne le rythme puisque Bernet n'est jamais sorti de son sempiternel découpage classique en 6 cases. C'est une version simplifiée et plus brutale du maître Joe Kubert.

Le dessin de Jordi Bernet et le scénario de Sánchez Abulí sont au service d'une histoire du milieu, des gangsters et de la société américaine pendant la prohibition. Mais c'est une histoire non réaliste, décalée, ironique et grotesque, un sommet de cynisme, de mauvais goût jubilatoire et d'humour noir féroce, bestial et sensuel. Une grande oeuvre.

Exemple type de dialogue que n'aurait pas renié Michel Audiard ; Tome 2 :
...Torpedo vient de liquider le mec (très gros) d'une belle fille, qui évidemment est nue :
- Elle : Quién es usted ? (Qui êtes-vous ?)
- Torpedo : Me llaman Torpedo (On m'appelle Torpedo)
- E : Torpedo ! He oido hablar...de ti. Dicen que no tienes corazón (J'ai entendu parler de toi. On dit que tu n'as pas de cœur)
- T (il défait sa braguette) : Sí que tengo. Te lo voy a enseñar (Si, j'en ai. Je vais te le montrer)
- E (frayeur sur le visage) : Qué ... qué maquinas ? (Qu'est-ce que tu machines ?)
- T : Qué pasa ? Hay máquinas de todos los calibres, no ? (Qu'est ce qui se passe ? Il y a des machines de tous les calibres, non ? / jeu de mots : machiner => machine => engin sexuel)
- E (en plein orgasme): Me....me...voy a correr...(je pars...)
- T : Tu quieta ahí (toi, tu restes là !)
- E : Te quiero (je t'aime)
- T : No me digas esas cosas ...que me pongo muy "semental" (Ne me dis pas ces choses-là...je deviens très "étalon" / jeu de mots où semental = étalon-tombeur, mais phonétiquement c'est le raccourci de sentimental)
- T (il se rhabille) : No irás con el cuento a la poli, Eh ? (T'iras pas tout balancer aux flics, hein ?)
- E : Soy una tumba (je suis une tombe)
- T : Entonces te llevaré flores (alors je t'apporterai des fleurs)
- E (il s'en va) : Qué... hago con el gordo ? (Qu'est-ce que je fais du gros ?)
- T : Embutido (De la charcuterie / jeu de mots où gros = gras)