Dans la collection de TheDuke 
Grzegorz Rosinski, Jean Van Hamme, Thorgal - T. 8 -
1317 

Thorgal - T. 8 - "Alinoë"

Planche originale
1984
Encre de Chine
33 x 43 cm (12.99 x 16.93 in.)
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Détail 1
Détail 2
Détail 3
Tintin #438
Tintin #443
Alinoe tirage de tête
Tirage de tête page intérieure
Première page Alinoe

Description

Alinoë, tome 8 de la série Thorgal.
Encre de Chine sur papier pour la planche 17 de l'album.
Prépublication en février 1984 dans Tintin n°442, édition française.
Publication Le Lombard, février 1985

Commentaire

Alinoë… Attention, chef d'œuvre! Le huitième album de la série Thorgal met en scène dans un huis-clos irrespirable Aaricia et Jolan face à un enfant aux cheveux verts, malingre et muet, nommé Alinoë. Dans ce récit que Rosinski qualifiera en 2003 de thriller fantastique, Thorgal et Aaricia se sont construit une vie loin, très loin, de la société des hommes, suite à leur séjour catastrophique dans le village de Caleb (tome 4, La galère noire). Après avoir essayé vainement de vivre au milieu des hommes, Thorgal a donc fait le choix radical de vivre en n’en voyant plus aucun. L’île est un refuge, mais elle est aussi une cage, fermée pour ses habitants mais loin d'être impénétrable pour le monde extérieur. Sur cette île débarqueront ou apparaîtront tour à tour Alinoë, Kriss de Valnor, Jaax le veilleur et Sardaz l’écorché. Il faudra 15 années (d'Alinoë publié en 1984 à Arachnéa publié en 1999) et bien des péripéties pour que la famille Aegirsson se résolve enfin à quitter ce refuge qui n'en n'est pas un.

Mais revenons à l'album Alinoë… Alors que Thorgal a laissé sa famille seule, la découverte d'un mystérieux bracelet par son fils Jolan va semer le chaos sur l'île. Cette huitième aventure flirte avec le fantastique et les codes de l'horreur. Tous les personnages (et, détail génial, les animaux) sombrent progressivement dans la folie et la violence qui s'amplifient de page en page. Et dans ce registre horrifique, l'efficacité visuelle de Rosinski fait merveille. Qui ne se souvient pas de sa première lecture de cet album? Tout cela, à mon avis, fait d'Alinoë un des meilleurs albums si ce n'est le meilleur de la série. En tout cas le plus marquant (et le plus original puisque Thorgal, le héros, n'y apparaît quasiment pas).

Extrait d'un entretien avec Rosinski:
En relisant des histoires comme « Alinoë » ou « Le Maître des montagnes » on se dit que Van Hamme était quand même très inspiré à votre contact ?
L’influence est des deux côtés. Avant de commencer professionnellement dans la bande dessinée, avant d’avoir des contacts avec les Belges, je travaillais seulement sur des illustrations. C’est ensuite que j’ai pu continuer mon travail dans la bande dessinée car j’avais de l’estime pour mon scénariste, j’avais pleine confiance en ses textes. Et puis, c’est devenu ma nature alors que ce métier n’existait pas dans mon pays. Je les trouvais tous très professionnels. Ce n’est que beaucoup d’années plus tard que je me suis rendu compte que ce n’était pas toujours forcément le cas. Cette confiance m’est restée longtemps, sans que je fasse de remarque sur les scénarios.

Quand je lis Alinoë je ne peux m'empêcher de penser aux géniaux The Shining de Stephen King et Kubrick et L'île aux Trente Cercueils de Maurice Leblanc. L'isolement de l'Overlook Hotel et de l’île de Sarek font écho à celui d'Aaricia et Jolan dans Alinoë. Nous avons là aussi 3 récits fantastiques où la relation mère-fils joue un rôle central. Nous avons enfin 3 récits où la mère (Wendy Torrance, Véronique d’Hergemont, Aaricia Aegirsson) est le dernier rempart à la folie et la violence du monde. De ce fait, Alinoë est l'album où Aaricia, en tant que personnage de série, prend véritablement son envol. Elle ne se contente plus d'être belle et courageuse. Elle est l'héroïne de la série, au même titre que Thorgal. Une héroïne forte, indépendante et intelligente. Elle gardera désormais ce rôle jusqu'au bout. Il est intéressant de noter que Rosinski ne tarit d'ailleurs pas d'éloge sur son personnage féminin principal. Dans un entretien au Point il oppose ainsi Kriss de Valnor (qui, très visiblement, l'insupporte au plus haut point) à Aaricia dont il loue les qualités: Est-ce qu'une fois, Aaricia a été idiote? Non, jamais. Et Kriss, tout le temps assène-t-il au cours de cet entretien filmé.

Si j'insiste ainsi aussi longuement sur les qualités et l'importance de cet album et d'Aaricia dans la série Thorgal, c'est tout simplement pour expliquer ce qui a guidé le choix de cette planche parmi les très nombreuses planches de la série disponibles à la galerie Maghen. Il m'a fallu du temps avant de me décider il y a quelques mois de cela mais je suis revenu à mon choix initial (celui qui le plus souvent ne vous trompe pas). Le plaisir de pouvoir accrocher chez moi une planche de cet album culte est indéniable. Il y a ensuite les qualités de la planche elle-même bien évidemment. C'est une planche clef de l'histoire et c'est aussi à mon sens une des très belles de cet album qui en comporte de nombreuses.

Rosinski:
Quand je dessine, je deviens comédien. Je ressens tous mes personnages. Je suis une équipe de cinéma à moi tout seul. Je pose mes caméras où cela me plaît et j'interprète à tour de rôle les animaux, la mer, le ciel et même les femmes...

Cette 17ème planche d'Alinoë illustre merveilleusement les propos de Rosinski. En 6 cases aérées et quasiment muettes nous avons le droit à toute une série de plans cinématographiques: plongée, contre-plongée, zoom avant, zoom arrière, champ, contre-champ où Aaricia apparaît à chaque fois. Il me semble que la mer, le ciel et la roche sont aussi des personnages à part entière de cette planche. Je trouve chaque case très intéressante. La dernière notamment m'avait particulièrement marquée plus jeune. Aaricia, transformée en ombre noire qui descend doucement de la falaise, semble porter tout le poids du monde sur ses épaules. Je la trouve poignante personnellement. J'adore aussi la première case, la confrontation vue de côté, comme un duel, d'Aaricia (armée d'un bâton et d'un couteau!) qui essaye de rassurer Alinoë. L'avant dernière case est absolument terrible elle aussi. Bref, vous l'aurez compris, je l'aime bien moi cette planche!

Je finis avec une nouvelle citation de Rosinski qui résume bien ce que j'ai ressenti à la vue de cette planche et à la lecture de cet album:
Pour moi, Thorgal, ce n'est pas de la fantasy ou de la science-fiction. Si cela plaît à tout le monde, sans distinction d'âge ni de sexe, c'est parce qu'il s'agit d'une histoire profondément humaine, où un homme lutte en vain pour vivre en paix avec sa famille.

Publications

  • Alinoë
  • Lombard
  • 02/1985
  • Page 17
  • Alinoë
  • Le Lombard
  • 11/2015
  • Page intérieure

Voir aussi :   Thorgal

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A propos de Grzegorz Rosinski

Grzegorz Rosiński, né en Pologne, anciennement surnommé Rosek, est un dessinateur de bande dessinée polonais vivant en Suisse. Il est surtout connu pour être le dessinateur historique de la bande dessinée Thorgal.