Eddy Paape, Rubrique du Fureteur : le bathyscaphe (journal Spirou, 1960) - Comic Strip
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Rubrique du Fureteur : le bathyscaphe (journal Spirou, 1960)

Comic Strip
1960
Ink
Indications de couleurs au dos
36.5 x 25 cm (14.37 x 9.84 in.)
Added on 8/3/20
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Planche à la lumière
Indications de couleurs au dos de la planche
Journal Spirou n° 1174 (13 octobre 1960)
Page 23 du n° 1174 du journal Spirou (13 octobre 1960)

Description

Demi-Planche réalisée par Eddy Paape pour la célèbre rubrique du Fureteur du journal Spirou. Dessinée durant l'été 1960 et publiée dans le numéro 1174 du 13 octobre 1960.
Au dos, les indications de couleurs.

Inscriptions

Signée : Eddy Paape 18

Comment

Cette demie-planche d'Eddy Paape n'est pas seulement joliment réalisée. Elle témoigne aussi de l'esprit du journal Spirou durant son "âge d'or". Les illustrés de cette époque s'efforçaient d'associer bande dessinée, lecture de romans ou de nouvelles et rédactionnels pédagogiques. Dès avant-guerre, Jean Doisy avait été le maître d'œuvre de cet alliage du divertissement dessiné et de la lecture instructive. Si Yvan Delporte (redac chef de 1955 à 1968) et Maurice Rosy (directeur artistique à partir de 1956) reprirent cette exigence, imposée en partie par l'esprit du temps (la bande dessinée passait encore pour un loisir peu éducatif, pour ne pas dire abêtissant), ils y ajoutèrent une drôlerie et une légèreté qui donnèrent véritablement au journal Spirou son identité propre et son charme inégalé.
Eddy Paape avait été spécialement chargé de concevoir et de dessiner une foule de jeux et de rédactionnels illustrés, notamment la rubrique du Fureteur, créée par Jean Doisy. Comme souvent, ces encarts pédagogiques étaient l'occasion de nouer une relation directe et interactive entre la rédaction et ses jeunes lecteurs - là encore, un heritage de Jean Doisy : Eddy Paape répondait, sous la forme d'une illustration, à une question précise d'un lecteur. Généralement, les questions posées au Fureteur avaient pour thème les technologies modernes et temoignaient d'un optimisme et d'une curiosité pour le progrès technique typiques des Trente Glorieuses.
La plupart de ces encarts ludiques ou didactiques étaient livrés par l'équipe de dessinateurs de l'agence World Press dirigée par Georges Troisfontaines. S'ils passent aujourd'hui pour un aspect mineur du 9e art, on peut néanmoins souligner ici l'extraordinaire habileté d'Eddy Paape, capable d'expliquer le fonctionnement de machines complexes à partir d'un dessin et de quelques phrases. Le tout est agencé avec une grande élégance et une parfaite lisibilité. Un travail de maître.

Je sais que certains collectionneurs ou auteurs ne jurent que par l'encre de Chine et jugent avec un certain dédain la mise en valeur des couleurs indiquées au dos des planches. Pour ma part, j'apprécie beaucoup l'effet d'enluminure produit par ces indications de couleurs et c'est une des principales raisons pour lesquelles j'ai acquis cette illustration. Il faut noter que le choix d'imprimer finalement l'illustration en bichromie ne rend pas justice au travail de coloriage d'Eddy Paape. Seule la planche originale nous permet d'apprécier le rendu en couleurs tel qu'Eddy Paape l'avait envisagé.

L'indication des couleurs au dos des planches fut très pratiquée dans les années 50-60 par les dessinateurs du journal Spirou. Il s'agit en général de larges aplats à la gouache (parfois à l'aquarelle ou au crayon) appliqués avec plus ou moins de soin. Ce procédé produit un effet esthétique qui n'était pas alors prémédité : lorsque les planches sont rétro-éclairées, elles s'illuminent des couleurs comme des vitraux d'église.
Le procédé semble d'abord avoir été utilisé par des dessinateurs italiens dès l'après-guerre pour une multitude de petites revues pas chères (par exemple Antonio Canale pour ses planches d'Amok en 1948). Il y aurait là à l'origine une « tradition italienne » poursuivie très tardivement par des auteurs comme Hugo Pratt ou Milo Manara (pour Le Déclic en 1984), alors que le procédé avait été abandonné depuis longtemps par les dessinateurs franco-belges.
Concernant ces derniers, les indications de couleurs au dos des planches apparaissent au début des années 1950, vers 1951-52, certainement à l'instigation des auteurs de la World Press, l'agence créée par Georges Troisfontaines qui se mit à cette époque à fournir une quantité considérable de bandes dessinées et de rédactionnels aux éditions Dupuis, et notamment au journal Spirou. Selon Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault, le procédé aurait été « mis au point par Paape » qui venait d'être embauché par Troisfontaines ; les indications de couleurs étaient « réalisées sur place » dans les bureaux de la World Press ; selon le dessinateur Gérald Forton, « Troisfontaines livrait vraiment à Dupuis des planches prêtes à imprimer (…) tout cela formait une véritable marque de fabrique » (Valhardi intégrale, tome 3, p. 32). Ce sont sur les planches des Belles Histoires de L'oncle Paul (à partir de 1951), dessinées par les auteurs de la World Press (Paape, Hubinon, Mitacq, Follet, Attanasio, Forton, Graton, Funcken, Piroton) qu'apparaissent pour la première fois les indications de couleurs au dos. Le procédé fut ensuite utilisé par les auteurs de l'agence pour leurs séries respectives dans le journal Spirou des années 50 : Eddy Paape (Jean Valhardi, puis Marc Dacier, le coin des dégourdis, le coin des petits curieux, le fureteur), Hubinon (Buck Danny), Sirius (L'Epervier Bleu, Timour), Mitacq (la Patrouille des Castors). Maurice Tillieux commença aussi à employer cette technique pour Gil Jourdan lorsque Dupuis consentit enfin à lui ouvrir les pages du journal Spirou en 1956. Tillieux n'étant pas de la World Press, il est possible que le procédé lui ait été inspiré par l'agence de Troisfontaines lorsqu'il réalisa, peu avant Gil Jourdan, sa série Marc Jaguar pour l'éphémère Risque-Tout, lancé en 1955 par Troisfontaines en partenariat avec Maurice Rosy et les éditions Dupuis (les dernières planches de Marc Jaguar ont des couleurs au dos pour une impression en bichromie gris-ocre). Il faut noter enfin que des auteurs de la World Press qui ne publiaient pas dans Spirou mettaient aussi la couleur au dos de leurs planches (par exemple Uderzo pour Libre Junior) – indice supplémentaire que cette méthode était bien une « marque de fabrique » de la World Press. A contrario, les « auteurs maison » des éditions Dupuis (Jijé, Franquin, Peyo, Morris, Will) n'y eurent quasiment jamais recours, ou alors très occasionnellement (Will pour Plein Gaz en 1957).
Il est fort probable que le procédé « mis au point par Paape » ait séduit Troisfontaines pour le gain de temps et d'argent qu'il procurait. Son agence, inspirée du syndicate aux Etats-Unis, était menée tambour battant « à l'américaine », en flux tendus, selon des principes de standardisation, d'économie et d'efficacité.
Le procédé fut abandonné au cours des années 1960. Il est parfois difficile de dater précisément sa disparition pour chacune des séries en raison du manque de planches visibles sur internet ou en galerie. Hubinon la pratiquait encore sur l'album Tigres volants contre pirates (1961) mais paraît l'avoir abandonné pour Alerte à Cap Kennedy (1964). Sirius continue à mettre des couleurs au dos assez tard dans les années 60 (pour La Gondole Noire en 1966), mais en remplaçant progressivement la gouache par le crayon. Mitacq semble être resté fidèle au procédé pour la patrouille des castors jusque vers 1966. Pour Gil Jourdan et Marc Dacier, la rupture est plus nette : Tillieux et Paape abandonnent définitivement la mise en couleurs au dos en 1963 (Tillieux ne l'utilise plus à partir des Trois Taches) et adoptent la méthode du calque.

Sur cette demi-planche, on peut lire diverses annotations qui nous permettent de suivre le parcours de fabrication et de publication.
Au verso, le tampon de la World Press montre qu'Eddy Paape a livré sa planche à l'agence avant que celle-ci ne la fasse parvenir aux Editions Dupuis à Marcinelle, certainement à la fin du mois d'août. L'annotation « traduction 30/8 » signifie que la planche a ensuite été confiée au service traduction des Éditions Dupuis le 30 août (pour Robbedoes, la version flamande de Spirou).
Au recto à droite, « Spirou helio 1174/23 » : la planche a été transmise à l'héliogravure pour publication dans le numéro 1174 page 23 (sorti en kiosque le 13 octobre 1960). Finalement, l'éditeur fera le choix d'imprimer la page 23 en bichromie (dommage pour les couleurs !)

Publication

  • Spirou album du journal
  • Dupuis
  • 08/1960
  • Interior page

Thematics


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About Eddy Paape

Eddy Paape, whose real name was Édouard Paape, was born in Grivegnée (Belgium) and is a French-speaking Belgian comic strip artist, best known for the Jean Valhardi, Marc Dacier and Luc Orient series.