Dans la collection de Ludovic 
Yoshihiro Tatsumi, Retourne dans ta cage - オリにかえれ - Planche originale
595 

Retourne dans ta cage - オリにかえれ

Planche originale
1962
Encre de Chine
21 x 24.5 cm (8.27 x 9.65 in.)
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Yoshihiro Tatsumi Dynamite Magazine - 辰巳ヨシヒロダイナマイト・マガジン #2
Tatsumi en 1956 - Image Drawn & Quaterly
Affiche du film "Tatsumi, une Vie dans les marges"

Description

オリにかえれ - Retourne dans ta cage
Planche 35
Première publication dans Yoshihiro Tatsumi Dynamite Magazine - 辰巳ヨシヒロダイナマイト・マガジン #2 - Tokyo Top Company
Encre de Chine, encre bleue et gouache blanche
Textes collés dans les phylactères

Commentaire

A propos de la démarche de Yoshihiro Tatsumi

Nos aînés nous avaient enseigné que la bande dessinée était comique, usant d'ellipses, de déformations, d'amplification des expressions ou des attitudes, de gags. Il s'agissait de faire rire les lecteurs. Nous ne voulions plus de cela. Au cinéma, on voyait des films noirs, tel Les Diaboliques d'Henri-Georges Clouzot, montrant les peurs et la laideur humaines. Nous nous sommes donc intéressés au rendu de la réalité, contenant l'expression graphique dans son style, développant à travers le dessin ce que nous voulions faire entendre, nous attachant aux mouvements, plaçant sous les lumières du premier plan des personnages en buste dont on pouvait alors saisir les émotions sur le visage, cherchant à rendre compte de leurs états psychologiques. Nous nous adressions à des lecteurs plus mûrs, en mesure de comprendre.

Yoshihiro Tatsumi in Coups d'éclat, 2003

A propos de la fondation du mouvement gekiga
Histoire du gekiga

Né le 10 juin 1935 à Osaka, c’est à l’âge 15 ans que Yoshihiro Tatsumi (辰巳 ヨシヒロ - 1935-2015) fait une rencontre décisive, celle de l’homme incontournable lorsqu’il est question de bande dessinée au Japon : Osamu Tezuka (手塚 治虫 - 1928-1989), Le Dieu du manga. Débute alors une longue carrière, qui va cependant rapidement prendre ses distances avec le style du maître.

A 17 ans, il publie son premier manga, L’Île aux enfants (子供島), mais se rend bientôt compte que ce genre d’histoires destinées aux plus jeunes, nimbées de merveilleux et de naïveté, ne lui convient pas. C’est ainsi que dès 1957, dans son œuvre Ghost Taxi (幽霊タクシー), il utilise le terme gekiga sur la couverture pour qualifier le style d’histoire qu’il dessine. On peut le traduire par images dramatiques, en opposition à l'appellation manga, signifiant images dérisoires.

Loin de l’imagerie des contes et récits destinés au jeune public, Yoshihiro Tatsumi va développer une bande dessinée ancrée dans son époque, évoluant dans des contextes sociaux réalistes, le plus souvent désenchantés. Ses histoires sont peuplées d’alcooliques, de prostituées et de personnages frappés par la dureté de la vie. Il n’hésite pas à décrire des scènes violentes et crues, et accorde une place centrale à la psychologie.

Ce style va donner lieu à un courant adulte de bande dessinée dont Yoshihiro Tatsumi devient le chef de file, et dont l’influence sera décisive dans l’évolution et le développement de la bande dessinée nippone, proposant une production alternative ne se vendant au début que dans le réseau des bibliothèques de prêt basées autour d’Osaka - contrairement au réseau des grands éditeurs de Tokyo.

En 1959, il fonde le Gekiga kōbō (劇画工) en compagnie de Takao Saitō (さいとう・たかを - 1936-2021), auteur du futur manga de référence du gekiga, Golgo 13, série fleuve débutée en 1968 et toujours en cours. Six autres auteurs font partie de l'aventure : Fumiyasu Ishikawa (石川 フミヤス - 1937-2014), Shōichi Sakurai (桜井 昌一 - 1935-2015), Masahiko Matsumoto (松本 正彦 - 1934-2005), Kei Motomitsu (K・元美津 - 1935-1996), Susumu Yamamori (山森 ススム - 1935) et Masaaki Satō (佐藤 まさあき - 1937-2004). Mais, très vite, une scission s'opère avec le départ des deux acteurs principaux. L’expérience dure à peine un an, mais elle suffit pour codifier le genre, narrativement mais aussi graphiquement, et lui donner une impulsion qui va s'accentuer dans les années 1960 et 1970.

Le développement du gekiga est à rapprocher des mouvements sociaux et étudiants de l’époque, qui vont y trouver une forme de contre-culture en adéquation avec leurs attentes et leurs revendications. Yoshihiro Tatsumi ne cessera de produire des récits dans ce style adulte avec une diversité thématique étonnante, passant de l’action-gekiga, domaine de prédilection de Takao Saitō à des recits plus intimistes. Osamu Tezuka désapprouvera cette démarche artistique, du moins dans les premiers temps, car le maître va lui aussi finir par dessiner du gekiga, avec certaines histoires de sa saga Phoenix, mais surtout avec L’Histoire des 3 Adolf (1983-1985). Dans ce récit, il assimile le style de Yoshihiro Tatsumi et l’institutionnalise avec pour conséquence d’intégrer ses codes à l’industrie du manga contemporaine.

Notons que Yoshihiro Tatsumi fut publié en France dans Le Cri qui tue (1978-1981), puis en 1983, avec deux histoires courtes, Good bye et L’Enfer, éditées sous le titre de Hiroshima, chez Artefact, par Atoss Takemoto, créateur du Cri.
Dans les années 2000, d’autres de ses œuvres sont publiées En France, chez Vertige Graphic et Cornélius : Coups d’éclat, Les Larmes de la bête, Good bye, sans oublier Une Vie dans les marges, un récit autobiographique qui a reçu le Prix Regards sur le monde au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2012.

Une Vie dans les marges a également donné lieu à un long métrage d’animation réalisé par Eric Khoo (Be With Me, My Magic), nommé Tatsumi, sorti à Singapour en septembre 2011, après avoir été présenté au festival de Cannes 2011 dans la compétition Un certain regard. Le film est ensuite sorti en France le 1er février 2012.

Enfin signalons que depuis 2002, l’éditeur canadien Drawn and Quarterly, en collaboration avec le bédéiste américain d’origine japonaise Adrian Tomine, s’est attelé à une publication annuelle et en plusieurs volumes des œuvres de Yoshihiro Tatsumi, divisées par périodes, et depuis 1969. Un travail exceptionnel et impressionnant disponible dans la langue de Shakespeare.

C’est donc un auteur fondamental qui disparaît aujourd’hui dont l’œuvre restera non seulement pour la qualité de sa représentation, débarrassée des oripeaux de la fiction du Japon contemporain , une représentation sans fard où l’individu est représenté dans un monde moderne, impitoyable et écrasant, mais aussi par la qualité graphique de son travail, qui magnifie et en même temps modernise le courant classique du manga impulsé par Tezuka. Une forme de récit que l’on regroupe aujourd’hui sous le vocable de roman graphique lui est pour une bonne part redevable.

Guillaume Boutet, Yoshihiro Tatsumi : du dérisoire au dramatique in ActuaBD - Mars 2015

Récompenses

1972 : Prix d'Encouragement » de l'Association des auteurs de bande dessinée japonais pour Hitokuigyo
2005 : Prix spécial du Festival d'Angoulême
2006 : Prix Inkpot pour The Push Man and Other Stories
2007 : Prix Harvey pour Abandon the Old in Tokyo
2009 : Grand prix du prix culturel Osamu Tezuka pour Une vie dans les marges
2010 : Prix Eisner pour Une vie dans les marges
2012 : Prix regards sur le monde du festival d'Angoulême pour Une vie dans les marges

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