Dans la collection de Vertommen
Jean-Yves Mitton, Pim Pam Poum et Pipo - Couverture originale - Couverture originale
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Pim Pam Poum et Pipo - Couverture originale

Couverture originale
1970
Encre de Chine
Mine de plomb
25 x 36.5 cm (9.84 x 14.37 in.)
Idem pour le calque (dessin et non support).
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Calque avec les indications de couleurs.
Jean-Yves Mitton dans l'atelier des éditions LUG croqué par Michel Montheillet.

Description

Encre de Chine pour la couverture du No 109 Pim Pam Poum - Pipo, édité par LUG, le 15 décembre 1970.
Non signé mais réalisé par le dessinateur Jean-Yves Mitton.
Calque avec les indications de couleurs.

Commentaire

Cela ne va pas être facile de condenser l’histoire de "Pim Pam Poum", la bande dessinée qui a enchantée plusieurs générations de lecteurs, les éditions « LUG » et le dessinateur Jean-Yves Mitton.

Les Katzenjammer Kids (1), deux garnements inspirés de "Max und Moritz", de Wilheim Busch, l'un des précurseurs allemands de la bande dessinée, font leur apparition dans l’« American Humorist », supplément dominical du « New York Journal », le 12 décembre 1897.
Matx und Moritz, dont les méfaits ont ravi des générations d'outre Rhin vont d'abord être rebaptisés en Amérique par Hans et Fritz, et vont, plus tard, être plus connue sous le nom de "Pim Pam Poum" (voir plus bas).

Rudolph Dirks est né en 1877. Cet Allemand émigré aux Etats-Unis est précoce. C'est à l'âge de treize ans qu'il publie son premier dessin !
Il a été employé par le « New York Journal » en 1897. Son rédacteur lui a demandé de créer une bande qui pourrait concurrencer la popularité "du gosse jaune" par Outcault, qui a été édité dans un journal rival.
Se rappelant ses lectures d'enfant en Allemagne, et plus particulièrement "Max und Moritz" de Wilhelm Busch, il crée "The Katzenjammer Kids" pour le « New York Journal », les gags de deux garnements et un loup de mer qui feront carrière puisqu'on les retrouvera dans le monde entier et plus particulièrement en Belgique et en France (2), où ils seront rebaptisés Pim (du nom de leur tante), Pam, et Poum.

Cette série, créée par Rudolph Dirks, est à l'origine de l'un des plus célèbres procès historiques de la bande dessinée pour les historiens de la BD.
L'auteur ayant quitté son journal d'origine « New York Journal » pour un concurrent à la suite d'un différent, emmena avec lui les deux enfants (Pam et Poum) et leur Mama (tante Pim), le Capitaine et l'astronome qui les accompagnaient.

L'éditeur de ce journal, qui n'était autre que William Randolph Hearst, un magnat de la presse qui inspira Orson Welles pour "Citizen Kane", porta l'affaire devant les tribunaux pour récupérer la série.

Le jugement de Salomon qui s'ensuivit resta dans les annales. Juger plutôt !
Il autorisa Rudolph Dirks, le créateur, à poursuivre la série mais en changeant de titre, et de confier Les gosses de Katzenjammer dans "le Journal de New York" à Harold H. Knerr, qui fut le dessinateur attitré de cette série jusqu'a sa mort en 1949.
Alors que Knerr poursuivait "The Katzenjammer Kids", Dirks, les rebaptisa "The Captain and the Kids" et en poursuivit les aventures dans le « New York World ».
Deux séries similaires, avec les mêmes personnages mais avec deux noms différents, connaissent des carrières parallèles depuis ce jour.


La couverture présentée ici a été publiée par les éditions « LUG » (3), créées par Alban Vistel (4) et le journaliste Marcel Navarro.
Cette maison d’édition se fait particulièrement connaître dans le domaine de la bande dessinée populaire avec la publication de nombreux " petits formats" tels que : Blek, Kiwi, Mustang, Nevada, Ombrax, Rodéo (avec Tex Willer), Yuma et Zembla.
Au total, on décompte près de 75 titres.

À partir de 1969, l'éditeur se spécialise également dans le récit de super-héros et fait connaître en France les personnages de Marvel Comics avec des titres tels que Fantask, Marvel, Strange, Spécial Strange, Mustang (numéroté à partir du no 54 pour le différencier du petit format du même nom), Nova, Titans ou Spidey, ainsi que des albums reprenant ses personnages phare (Les Fantastiques, L'Araignée, Les X-Men).


La couverture présentée ici a été dessinée par Jean-Yves Mitton (5) qui fut engagé, par les éditions « LUG », dans le cadre de l’autocensure, qui était mise en place chez « LUG », pour se prémunir de la fameuse loi de 1949 (6) et par-delà même, vendre ses publications.

Pour contourner cette censure de l’administration, elle faisait alors effacer les pistolets des mains des cow-boys sur les bromures (7) grâce à des encres spéciales.
Pour ce faire, l'atelier de retouche des éditions « LUG » (8), en plus de ses tâches habituelles qui consistaient à dessiner des couvertures ou à remplacer les textes originaux par les traductions en français, se chargea également de cette opération. Avec l'arrivée des super-héros de Marvel Comics, ce "caviardage" prendra des proportions insoupçonnées.
Une dizaine de jeunes dessinateurs et de « rédactrices » sont chargés d’identifier les scènes des bandes-dessinées "pouvant choquer" (9).

Jean-Yves Mitton , à l’époque dessinateurs débutants chez « LUG » (10), participa donc à cette tâche ingrate au sein de l’atelier de retouches jusqu’en avril 1973 (11). Pour lui, ce fut un "véritable crève-cœur" (12).
"Leurs coups de ciseaux et leurs aplats de gouache blanche ont massacré des planches entières signées des plus grands maîtres de la BD américaine, tels que Jack Kirby, John Buscema ou Steve Ditko" (12).


Et les identités des héros en français ?
Les bandes de cette époque, de Dirks et surtout, de Knerr (voir plus haut), traduites en France, furent celles qui y établirent la popularité de la série dans les quelques années précédant la seconde guerre mondiale. La série de Knerr fut publiée dans « Le journal de Mickey » sous le titre de "Pim, Pam, Poum", tandis que « Junior » publiait la série de Dirks sous le titre de "Capitaine Fouchtroff" et « Jumbo » sous le nom de "Capitaine Cocorico" (les noms des divers personnages différaient d’une publication à l’autre).
Le titre "Pim, Pam, Poum" et les noms des personnages donnés dans la traduction parue sous ce titre, s’imposèrent.
Dès lors, à partir de maintenant, c’est normal que nous trouverons plus logique de désigner les personnages des deux séries par les noms qui se sont imposés en français.
Mama devint Tante Pim, les enfants furent appelés Pam et Poum sans distinction bien claire entre les deux, l’Inspecteur fut nommé l’Astronome et le Capitaine (13), comme on sait, resta le Capitaine.

Et le nom de "Pipo" ?
C’est que le journal fusionnera ensuite avec un autre titre du même éditeur, Pipo, pour devenir "Pim Pam Poum - Pipo".
Pipo n'étant pas un personnage de la même série, mais le protagoniste de la bande dessinée italienne Pipo et Concombre.


Sur cette couverture du 15 décembre 1970, nous retrouvons nos héros en fâcheuse posture par cette mise en scène dessinée par Jean-Yves Mitton.

Ce dernier, né à Toulouse en 11 mars 1945, rentre au Beaux-Arts de Lyon en 1959 ou il fera la connaissance d’André Amouriq et d’Yves Chantereau.
Un an plus tard, il écourte sa scolarité en intégrant un atelier de retouche BD aux éditions « LUG » (voir plus haut).
Il aura l’occasion de créer des planches complètes, notamment certaines histoires pour "Pim Pam Poum" ou des planches éducatives qui servaient à combler les vides des mensuels et les obligations éducatives imposées par la loi, Blek le roc, "Tex Willer", etc… et plus tard sur les Marvel.
Il a une production (très) prolifique dans divers registres de la BD (Blek le Roc, De silence et de sang, Vae victis !, Les survivants de l'Atlantique, Chroniques Barbares, Quetzalcoatl, …)


(1) Kids signifie gamins, et Katzenjammer est un terme d'argot allemand désignant la migraine consécutive.

(2) Deux histoires sans paroles parurent ainsi dans les numéros des 4 mai et 15 juin 1899 (dans le Journal pour tous, supplément illustré du quotidien parisien Le Journal), soit un an et demi après les débuts de la série dans la presse américaine. Elles ne sont pas identifiées comme appartenant à une série et il faudra attendre une dizaine d’années avant que cette série commence à paraître régulièrement en France.
Elle se fera dans la revue « Nos loisirs » entre 1911 et 1912, sous le titre "Les méfaits des petits Chaperché".
La série prendra le nom de "Pim Pam Poum" à partir de 1938 dans Le Journal de Mickey et ensuite, dans bien d’autres magazines.

(3) Son nom provient de Lugdunum, le nom gallo-romain de la ville de Lyon, ville du siège de cette maison d’édition.

(4) Alban Vistel a été le Commandant militaire de la région de Lyon pendant la résistance. En 1950, Lyon et sa région deviennent un des principaux lieux de publication de journaux pour la jeunesse. La résistance ayant été très active à Lyon, Alban Vistel va bénéficier d'aides à l'attribution de papier, et en profitera alors pour se lancer dans l'édition.

(5) La grande majorité des couvertures ayant été dessiné par Jean Cézard.

(6) La loi française n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse (c'est son nom !) vise toutes les publications « qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinées aux enfants et aux adolescents. C'est ce que dit son article 1.

(7) Tirages photographiques servant à l’impression.

(8) Qui se trouvait Rue Émile-Zola à Lyon.

(9) On ajoute des vêtements aux personnages féminins qui se promènent chez elles en sous-vêtements. Les onomatopées qui accompagnant des coups de poing des personnages sont supprimées, ainsi que les « lignes de vitesse » qui donnent du dynamisme à certaines actions des personnages. Les créatures effrayantes sont redessinées avec une tête plus avenante, des dents sont moins pointues, la couleur de peau moins agressive. Les cadavres sont aussi effacés Les course-poursuites trop longues sont raccourcies, grâce à une opération de découpe des cases, qui vire au casse-tête pour la compréhension du lecteur.

(10) Tout comme Ciro Tota.

(11) Ecoutons Jean-Yves Mitton : "Après onze ans en atelier de retouche […] et après divers incidents … j’étais à bout. En fait, j’étais tellement impatient de faire vraiment de la BD et si peu concentré sur les retouches que j’ai fait deux ou trois bêtises. On m’a mis à la porte". (Fournier Xavier, « Parcours de Titan. Le Talk - Jean-Yves Mitton » dans Comic Box
n°75, 2012. Page 61).
Cela n’entravera toutefois pas d’autres collaborations avec « LUG », en tant qu’auteur cette fois.

(12) Frédéric Potet, « Lug : quand les super-héros affrontaient la censure en France », sur Le Monde.fr, 3 juin 2016.

(13) Il se dit que c’est ce Capitaine là qui a inspiré Hergé pour son Capitaine Haddock.

Publication

  • Mensuel n°109
  • Lug
  • 10/1970
  • Couverture

Voir aussi :   Pim Pam Poum

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A propos de Jean-Yves Mitton

Jean-Yves Mitton, né à Toulouse, est un dessinateur et scénariste français de bandes dessinées. Il est notamment connu pour son travail sur la série de comics Mikros parue aux éditions Lug dans les années 1980.

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