Novopolis

Pleine page, numéro 4 dans la série, encre sur crayonné, rehauts de gouache sur papier fort. Présence partielle du crayonné préparatoire.

Exemplaire unique dans une oeuvre

A ma connaissance, cette planche est le seul et unique exemple de dessin pleine page de toute la production de bande dessinée de science-fiction de René Pellos, ce qui en fait une réalisation unique dans l’œuvre du dessinateur. Je ne parle pas ici de dessins de couverture, d'illustrations, de dessins de presse, ni de dessins d'accompagnement d'articles de sports mais de compositions de bandes dessinées à part entière (Futuropolis, Atomas, Durga Râni, Electropolis, et naturellement Novopolis...).

Cette composition n'est pas particulièrement spectaculaire dans son rendu, elle ne présente pas les personnages principaux de la bande « Novopolis », Antinous Petipon le savant incompris, Apo le valeureux hérault et Minerva la transie amoureuse devenue épouvantable mégère suite à la trahison sentimentale d'Apo : quand on est un être supérieur, on n'a pas idée de s'amouracher d'une femme sapien-sapiens !...

Tout dans cette série est dessiné en nuances de gris, avec un rendu un peu palot qui pourrait faire croire que René Pellos aurait quelque peu bâclé son ouvrage. Néanmoins, il faut savoir qu'il avait l'âge déjà bien avancé de 80 ans lorsqu'il créa Novopolis. D'ailleurs, le côté grisé des dessins apporte à la réalisation une légèreté graphique qui atténue les aspects hautement dramatiques et les violences de l'aventure.

Notons dans cette composition pleine page la virtuosité et la finesse des traits : Pellos fait voleter et virevolter son crayonné puis son encrage dans une danse atomique frénétique entre le panache radioactif central et les répercutions de l'explosion sur la civilisation humaine. Le style graphique vif et sec de l'auteur est bien présent. En quelques éléments simples et bien sentis, il décrit l'apocalypse global de celles et ceux qui avaient perdu toute sagesse.

Notons également le remarquable Pierre Pascal au scénario, acteur encyclopédique infatigable et intarissable qui fut un des principaux acteurs de la reconnaissance de la bande dessinée en France dans les années 1960/80 et un des créateurs du Festival de la bande dessinée d'Angoulème.

René Pellos n'a pas attendu ses quatre vingt ans pour s'atteler à des récits de science fiction. Dès 1937, il fut le précurseur en France de ce style de bande dessinée avec son chef d’œuvre « Futuropolis » qui, malgré une influence marquée par les compositions existantes nord-américaines, rivalisait sans complexe avec la technique et la créativité graphique d'un Alex Raymond ou d'un Burne Hogarth.

Il réalisa également « Electropolis » en 1940 puis « Atomas » en 1947, deux séries de qualité mais jamais terminées et qui restent moins connues des amateurs de bandes dessinées ancienne.

Bien avant les explosions stylistiques et graphiques parues dans le journal Pilote puis dans la revue Métal Hurlant, une bonne génération, sinon deux, avant les créations révolutionnaires de Moebius, Druillet, Mézières, Caza... peut-on imaginer l'impact qu'aurait pu avoir l’œuvre de René Pellos sur la bande dessinée française s'il s'était consacré totalement à la réalisation d'œuvres de science fiction ?

Dans les séries des Pieds Nickelés, les exemples sont extrêmement rares.

Notons toutefois une planche très particulière des "Pieds Nickelés font Boum" (album SPE n°34 / 1979). René Pellos a réalisé un subtil trompe l'œil, plaçant trois cases en forme de grandes colonnes verticales les unes à côté des autres comme si elles étaient une seule et même façade d'immeuble. C'est remarquablement réalisé, néanmoins il ne s'agit pas d'un dessin "pleine page" à part entière (voir la cinquième image additionnelle).

Egalement les deux pleines pages dans l'album 48 "les PN et leur soupière volante." Dans ce cas, il ne s'agit pas d'une série de science fiction à part entière mais d'un numéro particulier, avec un thème SF, des aventures des trois rigolards. On remarquera l'exceptionnelle qualité graphique ainsi que la précision du cadrage cinématographique en plongée.