Dans la collection de archeobd 
Frédéric, Les trois glorieuses de 1830 (1890) - Illustration originale
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Les trois glorieuses de 1830 (1890)

Illustration originale
1890
Crayon
21 x 27 cm (8.27 x 10.63 in.)
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R.f. Outcault Yellow Kid, exemple 1
R.f. Outcault Yellow Kid, exemple 2
R.f. Outcault Yellow Kid, exemple 3
Jacques Tardi, le cri du peuple, exemple de dessin 1
Jacques Tardi, le cri du peuple, exemple de dessin 2
Jacques Tardi, le cri du peuple, exemple de dessin 3
Bnf, Cabinet des estampes.
Eugène Delacroix, le Liberté guidant le peuple.
Révolution de 1830 (29 juillet) Formation des barricades - Bellangé (1800-1866) - J. lith. de Gihaut frères éditeurs - 1830 - Source BnF

Description

Episode de la Révolution de 1830: dessin au crayon à papier sur le début de l'insurrection des trois glorieuses, 27, 28 et 29 juillet 1830.

Inscriptions / Signatures

Signé et daté (juin 1890) au crayon en bas à droite du dessin

Commentaire

Allez savoir comment ce dessin a vu le jour? Un jeune témoin des événements qui, 60 ans plus tard, se met à dessiner ses souvenirs? Un jeune dessinateur prenant appui sur les dires d'un acteur de cet événement? Un artiste en mal d'inspiration? Une étude graphique ? On ne le saura peut-être jamais.

Ce que l'on peut par contre retenir, c'est le caractère plaisant de la situation. En toute évidence, la barricade vient d'être montée, pas de scène de bataille ni stigmates de ses conséquences, les personnages sont détendus: un jeune homme au casque de lancier, au sommet de la barricade, appuyé sur un tonneau, fume tranquillement la pipe; sur le mur d'en face, à travers une fenêtre, une jeune femme donne à manger à un autre jeune homme à casquette; un café "au bon coin" possède encore sa vitrine; à gauche, Madame Bourgeois semble paniquée, Monsieur Bourgeois semble inquiet et pressé de rentrer chez lui; au premier plan, une élégante au chapeau fleuri semble tenir la main au fier combattant qui prend la pause devant l'artiste (et s'il était, lui, le commanditaire du dessin? Tout porte à le croire). L'ambiance est bon-enfant, sur une pancarte est brandi bien haut "à bas Polignac" (Prince, chef du Gouvernement du roi Charles X). L'insurrection, qui se transformera en véritable révolution et qui aboutira à l'abdication puis la fuite de Charles X, n'a pas encore débutée: nous sommes peut-être le 26 juillet, ou le 27 dans la journée.

Nous ne sommes pas dans la trame narrative créée par Töpffer mais ce dessin en pleine page procède d'une intuition similaire à celle de la création des premières illustrations de bandes dessinées, même si, bien évidemment, on ne peut pas la qualifier ainsi. Pour ce qui est de la description d'un épisode de la vie citadine populaire, je pense à Richard F.Outcault pour the Yellow Kid, ou plutôt Hogan's Halley son précurseur, dont la création dans les pages du New-York World est à peu près contemporaine.

Si la représentation de cet "épisode de la guerre de 1830" est figurative, elle n'en reste pas moins stylisée avec des traits qui ne la font pas basculer dans la caricature mais dans une vision réaliste à l'inspiration juvénile, insouciante, presque enfantine: cette page est pleine d'un humour discret, subtil, servie par une foison de détails croustillants. Pour ma part, je ne peux m'empêcher de penser au "cri du peuple" de Jacques Tardi consacré à la "Commune de Paris" en 1870: j'y vois une similitude, même lointaine, les traits des personnages, leur physionomie, leur présentation dans un plan frontal, les jeux d'ombres...


Quelques repères historiques:

La fin du règne de Charles X est marquée par une profonde crise politique. Le roi tente de s’opposer à la montée des libéraux qui ont gagné les élections législatives. Il publie alors 4 ordonnances pour suspendre la liberté de la presse, rétablir la censure, renvoyer la Chambre nouvellement élue et réduire le droit de vote.
En réaction, le journaliste Adolphe Thiers publie un article de protestation qui met le feu aux poudres. Trois journées de révolte, les "Trois glorieuses", secouent Paris les 27, 28 et 29 juillet 1830. Le 2 août, le roi est obligé d’abdiquer. Les républicains qui ont mené l’insurrection font alors campagne pour une monarchie parlementaire plus souple. Le drapeau bleu-blanc-rouge, symbole d’union des différentes composantes de la société, est adopté. Louis-Philippe d’Orléans, cousin du roi, devient Louis-Philippe 1er.
La monarchie de Juillet est marquée par les changements dus à la première Révolution industrielle, qui modifient peu à peu le visage de la France. Les écarts sociaux et entre les villes et les campagnes se creusent. (sources: passerelle/s, Bibliothèque Nationale de France)

Aussi: Juillet 1830, la révolution des journalistes

"La force matérielle seule a pu empêcher jusqu'à présent Le Constitutionnel de paraître : il ne cessera jamais d'être voué à la sainte cause de la liberté".
26 juillet 1830, la presse engage la révolution. Dans le même mouvement, les Parisiens se soulèvent contre Charles X. La presse révèle alors son rôle central dans le conflit civil et la diffusion des informations liées à la formation du nouveau régime, la "monarchie de Juillet".

Le 27 juillet, Adolphe Thiers et l'ensemble des gérants de presse publient dans Le Globe, Le National, Le Journal du commerce et Le Figaro une "Protestation de la presse périodique" dans laquelle ils accusent le gouvernement de violer la loi et appellent à la révolte.

"Dans la situation où nous sommes placés, l'obéissance cesse d'être un devoir. Les citoyens appelés les premiers à obéir, sont les écrivains des journaux ; ils doivent donner les premiers l'exemple de la résistance à l'autorité, qui s'est dépouillée du caractère de la loi."

Des ordonnances royales réduisant drastiquement la liberté de la presse sont publiées dans Le Moniteur universel du 26 juillet :

"Ce serait nier l’évidence que de ne pas voir dans les journaux le principal foyer d’une corruption dont les progrès sont chaque jour plus sensibles, et la première source des calamités qui menacent le royaume [...]. Nul journal et écrit périodique ou semi-périodique, établi ou à établir, sans distinction des matières qui y seront traitées, ne pourra paraître, soit à Paris, soit dans les départements, qu’en vertu de l’autorisation qu’en auront obtenue de nous séparément les auteurs et l’imprimeur."

Les ordonnances sont appliquées et la censure exercée : Le Constitutionnel du 28 juillet est censuré. Dans les quelques lignes publiées, le journal écrit : "La force matérielle seule a pu empêcher jusqu'à présent Le Constitutionnel de paraître : il ne cessera jamais d'être voué à la sainte cause de la liberté". Il harangue les révolutionnaires et avance la défaite des forces de Charles X :

"Nous sommes déjà vainqueurs ; la tyrannie se cache dans l'ombre et fuit.
Le soleil de la liberté luit brillant sur nos têtes ; il éclaire le dernier jour de l'oppression pour renaître resplendissant et assister au triomphe à jamais assuré de la liberté."

Le lendemain, Le Constitutionnel annonce au peuple de Paris la formation d'un nouveau gouvernement tout en l'exhortant à continuer la lutte :

"Continuons, redoublons de zèle, s'il est possible ; encore quelques efforts, et vos ennemis seront vaincus. Déjà une terreur panique s'est emparée d'eux."

Le journal réveille le souvenir de 1789 à travers la personne du général Lafayette :

"Le général Lafayette, aujourd'hui comme en 1789, est nommé général en chef de la garde nationale." (source: retronews, histoire de la presse politique).

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