Dans la collection de Vertommen
Eric Lenaerts, André-Paul Duchâteau, Les Romantiques - Tome 3 - Les compagnons du Guépard. - Planche originale
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Les Romantiques - Tome 3 - Les compagnons du Guépard.

Planche originale
2003
Techniques mixtes
Mine de plomb, encre de Chine, encre de couleur écoclines appliqué par aérographie sur papier à dessin.
32 x 41 cm (12.6 x 16.14 in.)
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Détail.
Détail ou nous voyons Gérard de Nerval (à gauche).
Détail.
Détail ou nous voyons Joseph de Fonfrède (à gauche) et Gérard de Nerval (à droite).
Détail ou nous voyons Détail ou nous voyons Joseph de Fonfrède (à gauche) et Gérard de Nerval (à droite).

Description

Planche originale n° 4 du troisième tome de la série « Les Romantiques », « Les compagnons du Guépard ».

Inscriptions / Signatures

Signé par les deux auteurs. Prénom du collectionneur effacé numériquement.

Commentaire

L’Histoire d’André-Paul Duchâteau, d’Éric Lenaerts, d’Arnaud de la Croix, d’Alexandre Dumas, de Gérard de Nerval, de Joseph de Fonfrède, d’Iéna Carl Sand, des sociétés secrètes d’Allemagne … Bref, écrire sur l’ensemble de ce beau monde, ayant créé et/ou inspiré les trois tomes « Les romantiques », étant trop important, vais simplement m’attacher à quelques éléments qui ont un rapport avec la planche présentée.


Au seuil des années 2000, André-Paul Duchâteau scénarise la série « Les Romantiques », mettant en scène Alexandre Dumas et Gérard de Nerval. Les trois tomes étant dessinés par Éric Lenaerts.

En fait, ce sont deux écrivains qu’André-Paul Duchâteau vénère. Raison pour laquelle il avait envie d’en faire des personnages de bande dessinée.
Les deux auteurs étaient d’ailleurs amis et ont collaboré à plusieurs œuvres communes (voir plus bas).

La genèse de cette trilogie c’est faite grâce à Arnaud de la Croix (1) qui demanda, à André-Paul Duchâteau, de lui fournir une nouvelle série policière car Casterman désire redynamiser son catalogue.
Ne voulant pas faire concurrence à sa série « Ric Hochet », il proposa plutôt, à Arnaud de la Croix, une série qu’il désirait consacrer, depuis longtemps, au sujet de Gérard de Nerval qu’il considère comme un poète absolument extraordinaire (annonçant Baudelaire et Rimbaud par des écrits tellement déchirant et douloureux) et dont il admire tout à la fois la vie et l’œuvre (2).

Les deux premiers tomes, de cette saga, se penchent sur la collaboration des deux protagonistes (Alexandre Dumas et Gérard de Nerval) en tant que co-auteurs du drame « Léo Burckart ».
Le troisième tome (qui nous intéresse ici par la présentation de cette planche) étant plus sur la période orientale de Gérard de Nerval et de son voyage explorant, entre autres, les mystères de l'Egypte.

Gérard de Nerval et Alexandre Dumas, étant liés au mouvement romantique, le nom de la série fut immédiatement trouvé …

La relation évoquée dans les trois tomes constitue un exemple, célèbre entre tous, d’amitié « littéraire » entre Alexandre Dumas et Gérard de Nerval (3).

Le 30 mars 1833, lors d’un grand bal chez Alexandre Dumas, les deux écrivains se seraient rencontrés, par l’entremise de Théophile Gautier (4) et leurs relations se poursuivent jusqu’à la mort de Gérard de Nerval.

Ils ont composé ensemble des pièces de théâtre (Piquillo, L’Alchimiste et Léo Burckart qui servira de trame aux deux premiers tomes de cette série « Les Romantiques ») (5).

Ils ont voyagé de concert et ont souvent parlé l’un de l’autre dans leurs écrits respectifs.
En outre, après la disparition tragique du poète des « Chimères », en janvier 1855, Alexandre Dumas n’a pas manqué d’évoquer, parfois longuement, la figure du compagnon disparu (6).

La relation Nerval-Dumas se trouve liée, aussi, à la rédaction, ou à la publication, des derniers chefs-d’œuvre « nervaliens » : le recueil des « Filles du Feu » est introduit par une lettre-préface adressée à Dumas ; d’autres part, « La Pandora » aurait été écrite à la suggestion d’Alexandre ; enfin, celui-ci inséra dans « Le Mousquetaire » (7) du 10 décembre 1853 le sonnet « El Desdichado », alors inédit.
L’amitié Nerval-Dumas intéresse donc l’histoire littéraire à plus d’un titre. Ne nous étonnons pas qu’André-Paul Duchateau y était fort intéressé.

Le troisième tome évoque un Gérard de Nerval ayant subi de plein fouet l’égyptomania qui s’est emparée de son siècle, mais il n’était ni le premier, ni le seul.

Les premiers écrivains-voyageurs se pressent alors au Caire. Ils veulent y trouver le monde pittoresque qui correspond bien à leurs idées toutes faites. Mais parmi les rares qui prennent le temps de découvrir la vraie vie locale, il y a l’un des plus grands écrivains romantiques français : Gérard de Nerval.

Mais son but est tout autre.
Car plus qu’un voyage, effectué en 1843 mais publié seulement en 1851 (8). C’est une quête à laquelle se livre le poète.
Passionné, puis obsédé par les anciens rites religieux, persuadé que toutes nos religions remontent à un culte unique, il suit leurs ramifications, leurs rites, leurs symboliques, pour se retrouver… chez Isis, origine du Tout, génitrice de la première spiritualité, de la première plongée dans la Mort, et de la première résurrection

Tout ce que l'on sait, c'est que Gérard de Nerval veut "essayer de la vie orientale tout à fait", c'est-à-dire louer une maison, se marier, s'habiller à l'orientale et assister à des fêtes traditionnelles : se noyer dans la population du Caire et observer la vie égyptienne de l'intérieur. Malheureusement, il trouve devant lui le spectacle d'un Orient qui contraste sévèrement avec l'idéalisation qu'il s'en était faite depuis Paris : "En Afrique, on rêve l'Inde, comme en Europe on rêve l'Afrique ; l'idéal rayonne toujours au-delà de notre horizon actuel." (9).

De l’Égypte, il ne connaîtra que le Caire (Fostat, Héliopolis, Guizeh, les Pyramides, les fêtes orientales, les "femmes du Caire", "les splendeurs et les croyances de l’Islam"...), tout en fréquentant, l’occasion se présentant, la colonie française sur place. L’antiquité pharaonique ne retient pas particulièrement son attention. Sa curiosité le porte plutôt vers : "les mœurs des villes vivantes".

Afin de mieux appréhender les réalités du Caire, il cherche à se fondre dans le décor en se faisant tailler les cheveux et la barbe à la mode levantine, en s’habillant à l’orientale, avec une culotte de coton bleu, un gilet rouge brodé d’argent, un manteau de poil de chameau et le traditionnel tarbouche. Pour éviter d’être taxé de honteuse immoralité, mais peut-être surtout sous la pression de son compagnon de voyage, il achète une petite esclave d’origine javanaise au teint doré, prénommée Zaynab, qu’il emmènera avec lui dans la suite de son voyage jusqu’à Beyrouth où il la confiera à la directrice d’un pensionnat de jeunes filles.

C’est de cela qu’André-Paul Duchâteau nous fait, entre autres, partager dans ce troisième tome.


Gérard de Nerval médite un beau livre d'impressions, pour lequel il semble avoir traité d'avance avec un éditeur et dont il prépare l'illustration, en emportant avec lui l'appareil alors nouveau du daguerréotype.

C'est aussi un voyage d'études qu'il pense accomplir, car il s'est adjoint un compagnon très versé dans les sciences orientales. Joseph de Fonfrède, un égyptologue avec lequel il s'est lié et entretiendra par la suite une correspondance assez suivie.
Tous deux sans doute se proposent de grandes choses, car ils emportent un matériel complet d'explorateurs, dont Gérard suppute le coûteux excédent de bagages : des lits de voyage, des livres pour l'étude de l'arabe, des produits pour le daguerréotype, « tout ce qu'il faut et plus encore, jusqu'à des lunettes bleues et garnies contre la poussière » (10).


Au sujet de la fin tragique de Gérard de Nerval (11), c’est au matin du 26 janvier 1855, que ce dernier est découvert pendu Rue de La Vieille Lanterne à Paris.
La lanterne qui surmonte la grille à laquelle le poète s’est pendu, affichait la mention suivante : « On loge à la nuit. ».

Un suicide dû à un accès de folie. Cette folie qui depuis des années taraude par intervalles Gérard de Nerval et inquiète ses amis dont Dumas. Une folie peut être héréditaire, mais due également à des états dépressifs chroniques, des difficultés financières constantes et la mort du grand amour de Nerval, la cantatrice Jenny Colon.

Dumas voue à Gérard de Nerval une amitié sincère, désintéressée, l'aidant même par tous les moyens. Moyens financiers certes, mais également en l'associant à l'écriture de certaines pièces de théâtre. Ce sont ces relations et ce décès que raconte avec sensibilité, émotion, tendresse, Alexandre Dumas.


Dans cette planche, nous y trouvons un certain Joseph de Fonfrède.
Mais qui est-ce réellement ?
Déclaré comme « enfant naturel » à l’état civil, sous ses seuls prénoms de Marie Joseph, Joseph de Fonfrède est né le 14 avril 1811 au Puy-en-Velay (Haute-Loire). La famille de Fonfreyde, ou Fonfrède possédait depuis 1782 le château de Durianne, près du Puy, et aussi, cinquante kilomètres plus au sud, le manoir de Fonfrède, commune de Chastanier, en Lozère.

En 1861, Joseph s’expatrie aux États-Unis, emmenant avec lui sa fille Marie Amélie, alors âgée de 9 ans. Il se fixe à Saint-Louis, dans le Missouri, et y obtient sa naturalisation le 27 avril 1865.
Joseph est décédé aux États-Unis, à Bradenton, en Floride, le 26 novembre 1884. Il est inhumé au cimetière de Tampa Hillborouh, où sa pierre tombale porte l’inscription : « A man shall be more than happy, he shall be free »
"Un homme doit être plus qu'heureux, il doit être libre" (12)


(1) Editeur Chez Casterman à ce moment-là

(2) André-Paul Duchâteau - Gentleman conteur - Patrick Gaumer - Collection « Auteurs » des éditions du Lombard - Mai 2005.

(3) On se trouve en droit, aussi, de s’interroger sur une relation qui comporte de nombreuses zones d’ombre.

(4) Condisciple de Gérard lorsqu’il était externe au Lycée Charlemagne en 1820

(5) Ainsi, le voyage accompli par les deux écrivains en Allemagne, à l’automne de 1838, fit l’objet de récits nombreux, parfois dus à des tiers et pouvant faire la part belle à la légende qu’André-Paul Duchâteau utilisera pour sa trame du tome 2 évoquant la création de la pièce « Léo Burckart ».

(6) Dumas parle de son ami Gérard avec une tendresse exquise et une émouvante générosité.

(7) Parmi les multiples visages d’Alexandre Dumas, celui du romancier, auteur des « Trois Mousquetaires » et du « Comte de Monte-Cristo » est familier à tous ; celui du dramaturge, inventeur, avec Victor Hugo, du drame romantique, est connu des érudits ; celui du mémorialiste parle aux amateurs. Mais qui connaît véritablement le visage d’Alexandre Dumas journaliste ?

« Le Mousquetaire » est un petit journal quotidien d’actualité littéraire et artistique dirigé par Alexandre Dumas entre 1853 et 1857 (L’activité de patron de presse de Dumas a été très variée, autant par le degré de son implication dans ces journaux que par la variété des genres, des formats et des publics visés).
Cette feuille, typique de la presse des personnalités sous l’Empire autoritaire (Voir sur ce point Christophe Charles, Le Siècle de la presse (1830-1939), Paris, Seuil.), permet de saisir de façon précise la nature de l’échange épistolaire par voie de presse, à travers la rubrique « Correspondance », qui est pour une grande part consacrée aux lettres de lecteurs, célèbres ou anonymes, et aux réponses que leur adresse Dumas par la voie du journal, mais aussi à travers les lettres insérées dans les causeries du directeur, publiées en tête de la plupart des numéros.

Dans « Le Mousquetaire » comme beaucoup de journaux contemporains, une partie des lettres publiées est constituée d’articles sous forme épistolaire, relevant de la correspondance journalistique, dans laquelle un journaliste rend compte, par lettres, de la vie culturelle dans le pays ou dans le champ social dont il a été spécialement chargé.

(8) Gérard de Nerval - Voyage en Orient - Paris - Garnier - Flammarion - 1980.
Le « Voyage en Orient » de Nerval mêle adroitement les éléments autobiographiques, la fiction et les citations d'ouvrages dont l'auteur s'est nourri avant, pendant et après son séjour.
Il privilégiera autant la poésie et le romantisme que la vérité et le réalisme… de ses vagabondages ésotériques et maçonniques au Caire.

(9) L’Orient des écrivain - Bibliothèque Nationale de France.
Voyage en Orient est une exposition qui a eu lieu en 2002 à Paris.

(10) Gérard de Nerval - Aristide Marie - Librairie Hachette - 1914.

(11) Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval

(12) Sylvie Lécuyer - Nerval.net.

Publication

  • Les compagnons du Guépard
  • Casterman
  • 09/2003
  • Page 6

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A propos de Eric Lenaerts

Après des études de dessin, un bref passage à la section BD de St Luc à Bruxelles et son service militaire, il fait la connaissance du scénariste Pascal Renard. Ensemble, ils font leurs premières armes en réalisant deux histoires courtes. La première, destinée au magazine 'Jet' édité, à l'époque, par le Lombard remporte le premier prix du concours "Jeunes Talents". Son premier album, Sur des Eaux troubles, scénarisé par son complice Pascal Renard, paraît en juillet 95 aux Éditions du Lombard. En 1997, toujours avec Renard au scénario, il édite le premier opus de "Valcourt", une saga en deux tomes (Le Lombard). En 2001, paraît, aux Éditions Casterman, le premier tome des "Romantiques" (3 tomes) scénarisé par A.-P. Duchâteau. En septembre 2001, chez Soleil, paraît l'unique tome des "Royaumes de Borée"avec Dominique Latil au scénario. En 2004, Lenaerts s'associe avec Taymans avec lequel il édite Requiem, le premier tome de "La Fugitive", dans la collection "Ligne Rouge" chez Casterman. Lenaerts fait ensuite ses premiers pas dans la collection "Jacques Martin" avec Les Vikings (2006), et Cléopâtre (2008). Lenaerts fait une entrée remarquée dans la collection "Repérages" des Éditions Dupuis avec "Mister Hollywood", une série qui revisite les mythes hollywoodiens, dans laquelle il explose de talent dans dessin réaliste proche de celui de Berthet. Text (c) Dupuis