Les désarmés, tome 1, p.4

Crayonné original à la mine de plomb sur papier au format planche. Une incroyable scène d’accident de voiture extrêmement bien découpée. Esquisse de la page 4 du tome 1 paru aux éditions Zenda.

Signé en bas à droite de la planche

Le crayonné, c'est le jet initial de l'auteur, c'est la pureté de son trait, c'est la naissance première de son dessin, c'est la sincérité de sa création. Il n'est pas si rare que l'encrage réduise les intentions graphiques du dessinateur, qu'il alourdisse son trait, qu'il désagrège sa pureté.

Ici, rien de tout cela: Mezzo laisse libre cours au geyser "graphito-carbonné" qui sort de son crayon. Le rendu est saisissant de vitalité: pas de trais superflu, pas de décors ni relief inutiles, le trait est clair, limpide, sans effet d'ombrage. Toute la puissance graphique du dessinateur se concentre sur la vitesse de dislocation du véhicule, sur sa mise en lambeaux, écorché à grande vitesse.

La dynamique du mouvement est permanent, tant dans la première case en cinémascope, que dans les six autres symétriques, six cartes de poker d'un joueur qui serait en train de tout perdre. C'est à croire que ce bolide en perdition va sortir de la page, que l'épave qui en reste en fin de parcours va nous tomber sur les genoux, que les éléments écartelés, projetés dans toutes les directions vont nous sauter à la figure.

L'œil du dessinateur, après avoir brossé un large plan de la future épave en perdition, se rapproche petit à petit de la carlingue en train de se désagréger, de la roue en fugue désespérée, du moteur broyé et fumant. La dernière case élargit de nouveau rapidement le champ pour montrer une carcasse renversée, agonisante.

La lecture de cette page a été d'une rapidité fulgurante, comme la vitesse de déroulement de l'accident. Alors, une seule pensée nous traverse: bon sang, on n'aimerait pas être à l'intérieur!

Il n'est pas courant de retrouver des scènes d'accident si précises, si détaillées, si dynamiques en bandes dessinées: Graton et Tilleux furent deux spécialistes de la question, mais celui à qui me fait penser cette planche de Mezzo est Franquin dans certaines de ses "idées noires" ou "les aventures de Spirou - vacances sans histoires".