Dans la collection de Vertommen
Marcel Remacle, Les aventures du Vieux Nick -
1866 

Les aventures du Vieux Nick - "Aux mains des Akwabons" – Planche 18A et 18B.

Planche originale
1962
Encre de Chine
Encre de chine.
27.2 x 37.5 cm (10.71 x 14.76 in.)
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Planche 18A.
Planche 18B.
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La "trogne" de Barbe Noire.
Spirou N° 1259.
Spirou N° 1268.

Description

Planche 18A et 18B de l'album "Les aventures du Vieux Nick - Aux mains des Akwabons"

Commentaire

La prépublication de cette histoire à suivre qu’est « Aux mains des Akwabons » a eu lieu dans le journal Spirou, des Editions Dupuis, du N° 1259 du 31 mai 1962 au N° 1280 du 25 octobre 1962.
Cette histoire fait la couverture de deux numéros (le N° 1259 et le N° 1268) par un haut de page dessiné par Roba.
Elle est ensuite été publiée, toujours aux Editions Dupuis et sous forme d'album, en janvier 1964 et 1985.


Dans ce commentaire, je vais, en premier lieu, essayer de m’attacher à exposer l’auteur Marcel Remacle pour ensuite, en second lieu, narrer la série et la planche présentée.


C’est avec difficulté que je me trouve pour vous communiquer des informations sur Marcel Remacle, dessinateur prolifique s’il en est, mais champion toutes catégories du mutisme et de la discrétion tant nous manquons de repères sur cet homme qui fut l’un des auteurs les plus féconds du journal Spirou.
Fuyant les honneurs et les apparitions en public, Marcel Remacle accordait peu d’importance à sa propre image, le vedettariat n’était pas son truc.

Donc, Marcel Remacle est un homme chargé de mystères …

Que savons-nous de lui ? Peu de chose, avouons-le, mais tout de même : engagé chez Dupuis en qualité de lettreur au milieu des années cinquante, Remacle est un ancien coiffeur pour dames reconverti dans le dessin. En trente-cinq ans de carrière, il a produit plus de 1.800 planches de BD qui ont "fait rire plusieurs générations d’impertinents gamins" (1), reprises pour la plupart en albums, tous devenus rares et recherchés par de nombreux collectionneurs, impatients de voir un jour son œuvre rééditée comme elle le mérite.

En résumé, malgré l’ampleur de sa production et sa reconnaissance par de nombreux bédéphiles nostalgiques d’une tradition graphique typiquement franco-belge, Remacle restera toujours un marginal, un franc-tireur beaucoup moins inoffensif qu’on ne pourrait le croire.
Timide selon les uns, sarcastique et amer selon les autres, il était généralement perçu comme un homme "pas commode au premier abord, parfois bougon, volontiers caustique". (2)
Donc, partir à la rencontre de cet homme s’annonce difficile a priori, mais il existe quelques témoignages et articles aidant à cerner au plus près sa personnalité, ainsi que la manière dont il était perçu par son entourage professionnel.

Autodidacte, Remacle fait ses premières armes dans le dessin humoristique (3) avant de créer ses premières bandes dessinées en 1956 dans Spirou et l’éphémère Risque-Tout.
Influencé par l’œuvre animalière de Raymond Macherot, il devient l’auteur d’une série ayant pour héros un petit chien sympa au physique totalement improbable : Bobosse. (4)

C’est en voyant des petits pirates dessinés en marge de ses planches que Maurice Rosy propose à Remacle l’idée de lancer une nouvelle BD avec des pirates. C’est ainsi qu’au n° 1039 du 13 mars 1958 apparaît « Le vieux Nick ». (5)

Habitué à ce que son magazine lui offre des aventures ayant pour héros des personnages auxquels il aime s’identifier, le lecteur de Spirou découvre une série burlesque bien éloignée des schémas humanistes et culturels qu’on lui sert à l’époque qui cultivait l’esprit boy-scout sous l’impulsion de la très catholique famille Dupuis.
Rien de cela chez Marcel Remacle, qui fait du « mauvais » le protagoniste central de ses histoires, prenant davantage plaisir à le ridiculiser qu’à le diaboliser.
Ce peu d’indulgence que Remacle manifestait à l’égard de la nature humaine se reflète dans le comportement de ses personnages et dans l’aspect physique qu’il leur donne : beaucoup sont lâches, puérils, tyranniques et systématiquement laids, sortes de pantins grotesques ridiculisés à l’extrême sous la plume impitoyable de son imagination.
Du plus miteux des va-nu-pieds au plus enfariné des aristocrates, rares sont ceux qui trouvent grâce à ses yeux. Sous une avalanche de gags visuels proches du dessin animé, il malmène ses victimes avec délectation, invitant le lecteur à un jeu de massacre auquel celui-ci n’adhère pas toujours.

Soutenu par son éditeur, Marcel Remacle se sent libre de mener sa barque (excusez-moi pour ce jeu de mot …) comme il l’entend et choisit de faire de ses histoires une suite de gags - parfois très lourds, avouons-le - au détriment d’un scénario souvent réduit à une intrigue ténue surfant sur les automatismes et les redondances.
La grande épopée de la marine à voile s’efface peu à peu devant la bouffonnerie la plus débridée et un comique visuel très proche du dessin animé.
Le souffle de l’aventure n’y est plus, mais on rit !
N’est-ce pas le principal … ?

Pour clore sur Marcel Remacle, Franquin avait même proposé de reprendre le dessin du Petit Noël, mais ça ne l’intéressait pas. (6)


Au sujet de l’histoire « Aux mains des Akwabons » et de la planche présentée ici, elle s’ouvre sur une course de chaises à porteurs, que n’auraient sans doute pas désavouée Hanna & Barbera, avec la baffe traditionnelle de Bon-Papa à son Barbe-Noire de petit-fils.
La suite de l’histoire nous emmener ensuite sur une île peuplée de cannibales experts en calembours douteux. Chez ce grincheux qu’est Marcel Remacle, tout est prétexte, dans cette histoire, à la rigolade, des gags les plus obtus aux réparties les plus savoureuses.

Nous y retrouvons l’ensemble des 4 principaux personnages de cette série.
A savoir :
- Le Vieux Nick, auquel on aime s’identifier car archétype du héros irréprochable, qui reste digne et sérieux sur l’ensemble de la série. Il fut d’ailleurs bien vite délaissé car trop sérieux même pour Remacle qui ne l’utilisera plus que, lorsque le scénario l’exige, dans un rôle de figuration quand il ne l’efface pas purement et simplement du casting. A partir du onzième album, la série changera d’ailleurs de titre pour s’appeler désormais : « Le Vieux Nick et Barbe-Noire ».
- Le pirate Barbe-Noire, qui rejoint la série au bout de trois épisodes (7) est une caricature de pirate plus conforme, sans doute, à l’idée que Remacle se faisait de l’être humain.
Mais Barbe-Noire est avant tout le nom de guerre d’Edward Teach, un flibustier anglais bâti comme un colosse, qui écuma les mers au début du 18e siècle, inspirant à ses adversaires une terreur aussi profonde que justifiée.
De cette « superstar » de la piraterie, Remacle n’utilisera que le surnom, sans la moindre référence au personnage réel : son Barbe-Noire à lui est un monument de bêtise, de hargne, de bouffonnerie, d’incompétence, gringalet cupide, hargneux et despotique comparable à Joe Dalton, mais qui, au fil des épisodes, héritera en plus de la bêtise d’Averell. Affublé du patronyme plus prosaïque de « Saturnin Tromblon ».
Situé aux antipodes d’un Rastapopoulos ou d’un Zantafio, Barbe-Noire affiche une nature puérile qui se traduit par des larmes, des colères capricieuses et des lamentations, au grand désespoir de Bon-Papa mais qui le fera devenir désormais le personnage central et la vedette incontestée de tous les épisodes qui suivront.
- Bon-Papa, qui rêve que son petit-fils devienne le plus grand pirate de tous les temps : « Je fondais des espérances sur ma descendance. Je retombe de haut ! Mon petit-fils n’est qu’un plat de nouilles où circule du sang de navet !! » (« Le trois-mâts fantôme »).
Caractéristique sur l’ensemble de la série, Bon-Papa gratifie régulièrement de baffes gigantesques son petit-fils de Barbe Noire.
- Sébastien, C’est dans l’épisode « Dans la gueule du dragon » (1961) qu’apparaît ce personnage, naufragé revanchard d’un baleinier anéanti par le pirate Barbe-Noire. Maigre mais costaud, susceptible, chuintant comme le plus pittorechque des Auvergnats et redoutable dans le maniement d’un harpon qu’il ne quitte jamais, Chébachtien n’a chtrictement peur de rien !

Absents de cette planche :
- Les bateaux.
- les éphémères Thomas (« Le vaisseau du Diable ») et Sparadra (« Les mangeurs de citron », « L’île de la Main ouverte »).
- Les officiers de marine qui ne sont d’ailleurs pas en reste vis-à-vis de Barbe Noire. Superbes de fatuité sous leurs perruques et jaloux de leurs privilèges, ils sont pour la plupart efféminés, lâches et incompétents, prêts à fondre en sanglots face à la moindre contrariété.
- Lucifer est un pirate redoutable qui n’aura de cesse de damer le pion autant au vieux Nick qu’à Barbe Noire, dont il saura profiter astucieusement de la bêtise. C’est au n° 1880 du 25 avril 1974 que démarre dans le journal « Sous la griffe de Lucifer », dont l’album paraîtra en 1975.

Évoquons cette censure française par une anecdote pittoresque qui nous est rappelée par Thierry Tinlot (1).
"Le premier album du vieux Nick (…) a été longtemps victime de la censure française, qui subodorait dans cette œuvre une sournoise propagande pour les joies frustes de la piraterie en haute mer. Une profession évidemment à déconseiller totalement aux jeunes têtes blondes".

Pour en terminer avec le vieux Nick et Barbe Noire, on notera que si beaucoup de héros nés dans les mini-récits connurent ensuite la consécration dans les pages classiques du journal, Barbe Noire, à l’instar des Schtroumpfs de Peyo ou du César de Tillieux, fait partie des quelques héros déjà célèbres dans le journal avant de participer à quelques mini-récits.


(1) Thierry Tinlot - Rédacteur en Chef de l'époque - Spirou n° 3228 du 23 février 2000, page 22 - Marcel Remacle est parti à l’abordage !

(2) Xavier DISKEUVE - Marcel Remacle et Barbe-Noire le pirate ont pris leur retraite à Libois, dans Vers l’Avenir, quotidien, n° 153, 3 juillet 1991, Namur : Vers l’Avenir, pp. 1 & 3.
Nous pouvons également rappeler la brouille, ayant existé durant de nombreuses années, entre Marcel Remacle et Marcel Denis dans le cadre des aventures d’« Hultrasson le Viking ».
Il s’agit là d’aventures à l’humour totalement débridé cher à Marcel Denis, qui permettront à Marcel Remacle de se renouveler, un peu, tout en restant dans le registre maritime qu’il affectionne.

(3) Marcel Remacle fait ses débuts dans la bande dessinée à l'âge de 18 ans, sous le pseudonyme de Ted Smedley dans les journaux Le Moustique, Pourquoi Pas, En marche, L'Ane roux, avant d’être engagé, par les éditions Dupuis en 1956, dans le cadre du bureau de dessin de Maurice Rosy. A ses côtés nous retrouvons Arthur Piroton, Louis Salvérius, Willy Lambil, Paul Deliège, Bob de Groot etc…, où Il attend, comme ses camarades, le moment de pouvoir lancer son propre personnage.

(4) Pour Risque-tout, revue éphémère des Editions Dupuis, il crée alors Bobosse, un petit chien marrant. C’est l’arrêt de cette revue qui conduit Bobosse dans Spirou.

(5) L’âge d’or de la marine à voiles est un thème jusque-là peu exploité par la bande dessinée franco-belge : Paul Cuvelier, Bob De Moor et Willy Vandersteen envoient leurs héros affronter les dangers de la haute mer, le premier avec Corentin, le deuxième avec Cori le moussaillon et le troisième avec Thyl Ulenspiegel ; Hubinon et Charlier bouclent la biographie de Surcouf en trois grands épisodes et, côté humour, le tandem Uderzo-Goscinny s’efforce en vain d’imposer Jehan Pistolet. Le terrain n’est donc pas vraiment vierge, mais presque, et Le Vieux Nick peut prendre la mer sans trop se soucier de la concurrence. « En fait, dit Remacle, le vieux Nick était au départ un cow-boy. Erreur de ma part car le Lucky Luke de Morris était publié dans Spirou. Naïveté de débutant ! » (2)

(6) Extrait d’un entretien de Christian Jasmes avec Mme Raymonde Remacle, le 6 août 2012.

(7) Cette histoire cruciale et incontournable qu’est « L’île de la main Ouverte » a été publiée dans le magazine Spirou du 24 mars au 18 août 1960.

Merci à Christian Jasmes, auteur d’un hommage à Marcel Remacle.

Publications

  • Aux mains des Akwabons
  • Dupuis
  • 01/1964
  • Page intérieure
  • Aux mains des Akwabons
  • Dupuis
  • 01/1985
  • Page intérieure

Thématiques


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A propos de Marcel Remacle

Marcel Remacle, né à Namur est un illustrateur et dessinateur belge francophone de bande dessinée humoristique, principalement connu pour les séries Le Vieux Nick et Barbe-Noire, Hultrasson et Bobosse.