Dans la collection de Vertommen
Jean-Charles Kraehn, Le Ruistre - Couverture tome 2 - Femme Aurimonde. - Couverture originale
1612 

Le Ruistre - Couverture tome 2 - Femme Aurimonde.

Couverture originale
2004
Encre de Chine
Mine de plomb, encre de chine, encre de couleur.
33.6 x 42.5 cm (13.23 x 16.73 in.)
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Détail.
Détail.
Titre sur un calque séparé et passe-partout.
Comparaison de deux couvertures de Jean-Charles Kraehn ... Les Aigles décapités - Tome 2 - L'héritier sans non en 1987 et Le Ruistre - Tome 2 - Femme Aurimonde en 2004.

Description

Couverture « Femme Aurimonde » du tome 2 de la série « le Ruistre ».

Inscriptions / Signatures

Titre sur un calque séparé avec un passe. Signé.

Commentaire

La « femme Aurimonde » a été publié en novembre 2004 dans la collection « Caractère » des éditions Glénat.


Alors qu’il scénarisait « les Aigles décapitées » (1), Jean-Charles Kraehn, qui avais une véritable envie de redessiner une histoire qui se passe au Moyen-Âge - époque qu’il a appris à connaître et à aimer - commence une série : « Le Ruistre ».
" Le Moyen-Âge est déjà un univers en lui-même. Après, il n'y a plus qu'à l'interpréter pour y apporter sa touche personnelle et, par là même, une forme d’originalité " dit-il au détour d’une interview.

Jean-Charles Kraehn a écrit une série très particulière avec « Le Ruistre ».
Ce Western médiéval dessinée de manière semi réaliste ou l’auteur s'est mis en danger en explorant, à nouveau le Moyen-Âge, sous un angle particulièrement étrange, violent et même parfois choquant. (2)

Le récit est terriblement efficace.
Habile conteur qu’est Jean-Charles Kraehn, il sait tirer le meilleur parti des caractères fort tranchés de ses personnages.
Il essaie là de recréer, avec réalisme, le Moyen-Âge, rude, violent et grossier qu’il imagine être celui de l’histoire. Il n’hésite pas non plus à tenter de reconstituer une pseudo langue médiévale.

L’auteur y plaque, par moment avec quelque anachronisme, un discours moderne sur ses personnages. Il en a d’ailleurs, plus ou moins conscience, puisqu’il nous livre une des clés de la BD médiévalisante en avouant : " Toutes ces BD sont inévitablement conçues avec une mentalité moderne ". (3)


Si nous savons que cette saga, qui s’est arrêtée au second tome, se déroule au Moyen-Âge dans une période intermédiaire (le Moyen-Âge central - du Xième au XIIIème siècle), que savons-nous exactement sur cette période ?
Jean-Charles Kraehn le montre, tout simplement en dessin, en arrière-plan de cette couverture, comme l’aurais fait les artistes de l’époque en privilégiant l'éducation des masses, par le biais des chapiteaux et des portails historiés, de fresques, tapisseries ou enluminures, etc …

Ce qui se passe au début du XIème siècle, comme tous les changements profonds, n’est pas visible à l’œil nu, et n’a pas été ressenti par les contemporains, qui vivent dans l’immédiat. (4)
Tout ce que remarque le chroniqueur Raoul Glaber vers l’an 1000, c’est que " le monde secoua alors la poussière de ses vieux vêtements, et la terre se couvrit d’une blanche robe d’églises ", ce qui n’est déjà pas mal.
Il note aussi qu’en 997 des signes effrayants sont apparus dans le ciel.
Certains, il est vrai, attendent la fin du monde, mais n’est-elle pas au programme depuis la Création ?
En tout cas, aucune panique n’est signalée.
D’ailleurs, pourquoi aurait-on construit tant d’églises si on pensait qu’elles allaient s’écrouler d’un jour à l’autre ?
Non, les hommes de l’an 1000 n’ont rien vu venir, parce que ce qui se passait était invisible à l’échelle d’une génération. Et ce qui se passait, c’était la gestation de la civilisation occidentale, qui était en passe d’arracher la suprématie à ses rivales orientales.

Face à un monde musulman en pleine anarchie, où l’obscurantisme religieux allait bientôt étouffer toute pensée libre, et où la mêlée des émirs, califes et autres sultans faisait éclater l’unité politique ; face à un monde byzantin assiégé de tous côtés, se réduisant comme peau de chagrin, rongé par ses querelles dynastiques ; face à ces deux mondes donc, l’Europe occidentale émerge peu à peu comme le centre de gravité de l’Ancien Monde. C’est pourquoi, plus que des « terreurs de l’an mil », on devrait parler des « espoirs de l’an mil ».

Pourquoi ce changement de leadership ?

C’est qu’outre les problèmes internes des Orientaux, le monde occidental est à la veille de réussir une révolution culturelle qui va lui conférer un dynamisme remarquable.
Cette révolution culturelle a bénéficié, il est vrai, d’un contexte matériel favorable, dont l’importance relative est toujours l’objet de débats entre les historiens.
Il y a le réchauffement climatique, qui se traduit par la « transgression dunkerquienne III », favorable à la maturation des plantes ; il y a la croissance démographique, avec la fin des invasions et quelques améliorations techniques telles que le collier d’épaule et la charrue à versoir, le recul des famines et épidémies, ce qui n’exclut pas de gros accidents comme en 1033 et 1090 ; il y a le regroupement et la stabilisation des hommes dans le cadre des villages, des villes, des seigneuries et des fiefs, au sein d’une société d’ordres sous la direction de l’Eglise, assurant une plus grande efficacité au système productif ; il y a les progrès d’une administration royale qui s’appuie de plus en plus sur le droit romain.
Surtout, il y a le grand processus de rationalisation, en dehors duquel aucun progrès réel n’est possible.

Mais n’est-il pas abusif de parler d’ « âge de raison » pour les XIème - XIIIème siècles ?
Est-elle vraiment « rationnelle » cette époque des croisades, de l’Inquisition, des corporations, des hommages vassaliques, des luttes entre papes et empereurs pour la monarchie universelle ?

Au risque de choquer, nous répondrons que oui.
Le Moyen âge central a eu en Occident le culte de la raison.

Quand, en plein milieu de cette période, vers 1150, Honorius d’Autun écrit qu’ " il n’y a pas d’autre autorité que la vérité prouvée par la raison ", il exprime l’avis général des intellectuels et des dirigeants de son époque.
A l’âge des illutions, qui a vécu en poursuivant les chimères d’une résurrection de l’Empire romain, succède l’âge de la raison, avide de connaissances nouvelles qui lui permettront de voir plus loin que les Anciens.

Ces nains montés sur les épaules de géants, comme aiment à se présenter les professeurs de l’école de Chartres, sont à la fois plus modestes et plus ambitieux que leurs prédécesseurs.
Il y a dans les domaines économiques, social, politique, culturel, une indéniable volonté de rationaliser, d’ordonner, de classer, depuis l’archevêque Adalbéron, qui énonce peu avant 1000 la théorie de la division tripartite de la société – ceux qui prient, ceux qui se battent, ceux qui travaillent -, jusqu’aux légistes qui élaborent les principes de la monarchie féodale, en passant par les dialecticiens et leur rigueur logique.

Et quoi de plus rationnel qu’une cathédrale gothique ou une somme théologique universitaire ?

Mais bien sûr cet usage universel de la raison est indissociable de la foi. Une somme théologique scolastique est une merveilleuse construction à la logique sans faille … à condition d’en accepter sans discussion les axiomes de base.
Comme la cathédrale, elle repose sur des piliers, qui sont les affirmations de l’Ecriture.
Pour que l’ensemble tienne debout, il faut que les piliers soient inébranlables ; ils sont l’infrastructure de ces cathédrales intellectuelles, qui en sont les superstructures.
Touchez les piliers, et l’édifice s’effondre.
Du XIème au XIIIème siècle, on ne touche pas aux piliers, et c’est ce qui permet à l’occident médiéval d’atteindre son épanouissement.

Vers la fin du XIIIème siècle cependant, certains commencent à comprendre que la raison et la foi sont fondamentalement incompatibles, et que leur entente repose sur un malentendu.
A l’image de la cathédrale de Beauvais, qui s’écroule en 1284 pour être montée trop haut, la synthèse politico-religieuse de l’âge gothique est remise en question par les premiers esprits sceptiques.


(1) Permettez-moi d’attirer votre attention en comparant deux couvertures de Jean-Charles Kraehn ... Les Aigles décapités - Tome 2 - L'héritier sans non en 1987 et Le Ruistre - Tome 2 - Femme Aurimonde en 2004 (voir visuel).

(2) Le fait que la sexualité y est abordée de manière plutôt crue, voire même parfois choquante pour une série de personne.

(3) Magazine Vécu - page 18.

(4) Georges Minois : « Histoire du Moyen-Âge » - Edition Perrin - Avril 2016.

Publication

  • Femme Aurimonde
  • Glénat
  • 11/2004
  • Couverture

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A propos de Jean-Charles Kraehn

Jean-Charles Kraehn est un dessinateur et scénariste de bande dessinée français.

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