Le Combat Ordinaire - Les quantités négligeables

Ah non, non, non, mais alors tout le monde dit ça, mais c'est pas ça du tout, du tout, du tout. Le Combat Ordinaire, c'est une trame romanesque qui courait sur quatre tomes qui devaient recouvrir la vie de cinq, six, sept ans d'un type, un type qui partait d'assez bas pour arriver à un peu plus haut, voilà. Ca, c'était la trame, après j'ai pu greffer des trucs autobio pour que certaines scènes aient plus de sens ou plus de vécu, qu'on sente plus de vécu dans certaines scènes. Mais on n'a pas du tout les mêmes centres d'intérêts, ni les mêmes manières de réagir. Donc j'utilise un peu ce qui m'intéresse dans la vie pour le remettre là-dedans, mais à la sauce du personnage. C'est vraiment un truc romanesque, pas du tout autobio, autobio, c'est je raconte la vérité... Point. Or, non seulement je sais pas faire ça, mais je veux pas faire ça.

Je suis un être dépressif depuis que je suis tout petit, et la dépression a ça d'extraordinaire, que quand tu ne t'en passes pas, ça devient un peu ton amie, je passe le prisme du monde au travers de ma noirceur personnelle. Et depuis quelques temps, à l'instar de mon personnage [Marco], à qui j'ai un peu appliqué ça effectivement, je trouve beaucoup plus de bonheur, enfin de bonheur non, de sérénité, à montrer comment on cueille des mûres à mes enfants, qu'à me lancer dans des grandes tirades sur la socio-économie mondiale. La seule chose qu'on a en commun et que j'essaie de lui filer dans le livre, c'est qu'il y a des choses contre lesquelles on ne peut rien... Alors on peut continuer à se frapper la tête contre les murs et à se faire le plus mal possible pour dire que c'est horrible, mais ça ne changera rien, et puis on va certainement finir sous un train quelconque, donc c'est un peu ce que j'ai compris après. Une fois que tu as compris que tu as un enfant, tu as compris que tu es changé pour la vie. C'est fini, tu pourras jamais plus être le même. Donc moi, j'essaie de tirer le maximum de choses de ce qui peut éventuellement amener un peu de sérénité ou de joie. Et dans mon cas à moi, c'est un peu la solitude, la nature, la musique, c'est la poésie, lire Ferri, écouter Tom Waits, Brel... Quand j'écoute ça, je me sens un peu moins con. Tant que ça ça existe, c'est bien, je le dis à un moment dans le livre, la poésie rachète tout... Du moment qu'il y a encore de la poésie, ça va, on n'est pas morts.