Dans la collection de beboun7
La dernière planche
Techniques mixtes
Graphite, Aquarelle et Feutre
21 x 29.7 cm (8.27 x 11.69 in.)
Ajoutée le 21/03/2025
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Description
Dernière planche en couleur directe dessinée par Hugo Pratt pour « l’Histoire des hommes à six jambes », histoire inachevée dessinée en juillet-août 1995.
Commentaire
Hugo Pratt ressent les premiers symptômes de la maladie à l’automne 1994. Il est alors hospitalisé et doit se faire opérer. Dès le début 1995, en rémission, il souhaite achever de nombreux travaux : faire la relecture du roman « La ballade de la mer salée », terminer la version finale de « Wheeling », et se lancer dans « Morgan », une nouvelle histoire d’inspiration militaire.
En avril, il reçoit la visite de personnes représentant la société pétrolière italienne AGIP :
Pratt, effectivement intéressé, demande alors des renseignements à son ami Dominique Petitfaux :

Malheureusement, fin mai, la maladie reprend et il retourne à la clinique La Rosiaz, à Pully. Il y finit « Morgan » en juin.
Hugo Pratt rentre chez lui à Lausanne – mais sans réel espoir de guérison - début juillet. Il se lance alors dans l’histoire pour l’AGIP. Cette histoire a donc été dessinée entre juillet et début août.
Hugo Pratt a finalement été pris par le temps et n’a pas pu mener ce projet à son terme. Dans son introduction à la première publication de ces quelques planches (dans NIA, le magazine interne d’AGIP, en septembre 1996), Domenico Negrini décrit plus précisément le projet initial :
Le titre de cette histoire fait sans aucun doute référence à l’emblème et au logo de la société AGIP : « cane a sei zampe », le chien à six pattes.

Mais Pratt part dans des aventures dont lui seul avait le secret. Ainsi, dès la troisième page, Pratt fait référence aux origines du mot Bitume, à l’ancien Royaume des Naphtales (référence au naphtalène ?), et à Pazuzu, roi des mauvais démons. Le Grand Roi, tout puissant, souhaite d’ailleurs aller sur le champs à la rencontre de Pazuzu … Histoire, Légendes, Mythes et Imagination : qui sait où nous aurait emmené Pratt s’il avait eu la possibilité de raconter ces histoires ?
Ces dernières planches dessinées par Pratt forment deux parties bien distinctes, avec des histoires se déroulant à deux époques différentes. Quatre planches sont réalisées en couleur directe et forment le début d’une histoire se passant au Proche Orient dans l’Antiquité. Le déroulement est clair. La deuxième partie est une série d’une douzaine de strips en noir et blanc, dont certains sont inachevés, qui se déroule au XXème siècle, en Amérique, en Libye et en Italie. S’agit-il d’une seule ou de plusieurs débuts d’histoires ? Ces strips ne forment pas vraiment un ensemble cohérent. Pour les deux parties, les histoires sont clairement inachevées. Par ailleurs, il semble que Pratt dessinait également des esquisses qui auraient pu (dû ?) être intégré dans l’histoire, comme le montre ce dessin de Pazuzu …

Pratt a-t-il démarré par la partie couleur ? Par les strips en noir et blanc ? Menait-il les deux types d’histoire de front ? Pourquoi la troisième page en couleur est réalisée sous forme de 3 strips alors que les 3 autres planches sont entières ? Difficile, voire impossible, d’avoir des réponses claires sur le sujet 30 ans après.
Cette planche, la quatrième planche en couleur, est la dernière planche entièrement dessinée et aquarellée par Pratt ...
Une planche qui synthétise en six cases 50 ans de recherches et d’évolutions graphiques.
Un cadrage simple, 3 strips de 2 cases, qui a démontré sa puissance depuis les histoires pour enfants du Corriere dei Piccoli dans les années 60 puis dans la série Un homme, Une aventure pour Bonelli (La Macumba du Gringo, A l’ouest de l’Eden, Jesuit Joe) à la fin des années 70.
Un premier strip uniquement à la mine graphite et à l’aquarelle, comme Pratt vient de l’expérimenter dans les dernières planches de Corto (inachevées) reprises dans J’avais un rendez-vous en 1994. Des couleurs qui prennent l’espace, dans une gamme chromatique bien définie, du jaune à l’ocre-brun en passant par l’orangé, un ensemble harmonieux qu’il affectionne et qu’on retrouve pour certaines de ces dernières aquarelles.
Un deuxième strip où il reprend le feutre, dans son style plus classique de la fin des années 70 et des années 80, quand il dessine pour une mise en couleur à l’écoline diluée ou à l’aquarelle.
Et, au final, un dernier strip où la couleur disparait pour arriver à son ultime case, au feutre noir. Comme à ses débuts. Un retour aux origines du trait, de la bande dessinée. Une ligne dépouillée de tout artifice. Pure.
Une ligne d’horizon comme Pratt en a si souvent dessiné. Et que dire de ce personnage qui s’éloigne progressivement à l’horizon ? Un départ ? Un au revoir ?
Au niveau texte, d’une écriture presque hésitante, un dialogue prémonitoire entre le grand Roi et Upuk :
"Tu préfères mourir aujourd'hui ou quand tu rencontreras Pazuzu ?"
"Très bien grand Roi, nous partirons demain."
Pour la dernière planche réalisée par Pratt quelques jours avant sa mort, c'est quand même assez stupéfiant.
Quand j’ai vu cette planche, j’ai ressenti une émotion très forte.
Pour moi, la page d’adieu d’Hugo Pratt.

En avril, il reçoit la visite de personnes représentant la société pétrolière italienne AGIP :
« Au début de l'année 1995, il a été envisagé de commander une bande dessinée sur l'histoire d'AGIP. L'idée d'utiliser une bande dessinée pour promouvoir la connaissance de l'industrie pétrolière avait été suggérée par de nombreux collègues dans le cadre d'une enquête sur la communication. C'est ainsi qu'en avril 1995, nous avons rencontré Hugo Pratt chez lui à Lausanne, pour lui présenter le projet inspiré des aventures d'AGIP au cours de ses soixante-dix ans d'activités dans le monde. Au cours de notre rencontre, nous avons parlé du colonel Drake et de Sinclair, des affleurements de bitume qui sont également cités dans la Bible, du pouvoir magique que les anciens attribuaient au pétrole, de l'histoire écrite par D. Yergin et de l'histoire d'AGIP entre les deux guerres mondiales, Pratt a été immédiatement fasciné par tous ces sujets. Il a immédiatement pris conscience du grand potentiel de l'histoire d'une entreprise qui explore constamment le pétrole et le gaz aux quatre coins du monde » (NIA 117 – septembre 1996)
Pratt, effectivement intéressé, demande alors des renseignements à son ami Dominique Petitfaux :
« Quand Pratt m'a téléphoné pour me demander où trouver des informations sur les Assyriens, je lui ai recommandé ce livre, que j’ai, « L’Art antique du Proche-Orient ». L’auteur est Pierre Amiet, aux éditions d’art Lucien Mazenod et rien qu’en regardant la couverture tu vois qu’il s’en est servi... Pratt reprend exactement cette statue que l’on voit sur la jaquette : « Tête de grand orant provenant du temple carré d’Abu », vers 2700 av. J.-C., musée de Bagdad). »

Malheureusement, fin mai, la maladie reprend et il retourne à la clinique La Rosiaz, à Pully. Il y finit « Morgan » en juin.
Hugo Pratt rentre chez lui à Lausanne – mais sans réel espoir de guérison - début juillet. Il se lance alors dans l’histoire pour l’AGIP. Cette histoire a donc été dessinée entre juillet et début août.
«Didier Platteau, Président Directeur Général des éditions Casterman, qui lui rend visite à Grandvaux, le voit encore y travailler le 8 août. Mais Hugo Pratt a, littéralement, à peine la force de tenir un crayon. A nouveau hospitalisé à La Rosiaz, il entre dans le coma quelques jours plus tard et meurt le dimanche 20 août à 17 heures. Hugo Pratt – Dominique Petitfaux - « Le désir d’être inutile » - version définitive 2022 »
Hugo Pratt a finalement été pris par le temps et n’a pas pu mener ce projet à son terme. Dans son introduction à la première publication de ces quelques planches (dans NIA, le magazine interne d’AGIP, en septembre 1996), Domenico Negrini décrit plus précisément le projet initial :
« Lorsque Pratt décède le 20 août 1995, il travaille sur la bande dessinée de l'histoire d'AGIP. Il ne s'agissait pas d'une simple illustration chronologique des événements, mais d'une série d'épisodes, intitulée provisoirement « Une histoire d'hommes à six pattes » ; ces épisodes étaient librement basés sur des faits réels ou inventés par l'auteur et visaient à capturer l'esprit aventureux, cosmopolite et international de notre société. Pratt avait prévu que le premier épisode d'une série de dix se déroulerait dans l'Antiquité, comme le montrent les dessins publiés ici. L'idée était de poursuivre le récit mettant en scène un vieux géologue qui raconte l'histoire du pétrole à un jeune homme en s'inspirant des idées, de l'imagination et de la poétique de Pratt ».
Le titre de cette histoire fait sans aucun doute référence à l’emblème et au logo de la société AGIP : « cane a sei zampe », le chien à six pattes.

Mais Pratt part dans des aventures dont lui seul avait le secret. Ainsi, dès la troisième page, Pratt fait référence aux origines du mot Bitume, à l’ancien Royaume des Naphtales (référence au naphtalène ?), et à Pazuzu, roi des mauvais démons. Le Grand Roi, tout puissant, souhaite d’ailleurs aller sur le champs à la rencontre de Pazuzu … Histoire, Légendes, Mythes et Imagination : qui sait où nous aurait emmené Pratt s’il avait eu la possibilité de raconter ces histoires ?
Ces dernières planches dessinées par Pratt forment deux parties bien distinctes, avec des histoires se déroulant à deux époques différentes. Quatre planches sont réalisées en couleur directe et forment le début d’une histoire se passant au Proche Orient dans l’Antiquité. Le déroulement est clair. La deuxième partie est une série d’une douzaine de strips en noir et blanc, dont certains sont inachevés, qui se déroule au XXème siècle, en Amérique, en Libye et en Italie. S’agit-il d’une seule ou de plusieurs débuts d’histoires ? Ces strips ne forment pas vraiment un ensemble cohérent. Pour les deux parties, les histoires sont clairement inachevées. Par ailleurs, il semble que Pratt dessinait également des esquisses qui auraient pu (dû ?) être intégré dans l’histoire, comme le montre ce dessin de Pazuzu …

Pratt a-t-il démarré par la partie couleur ? Par les strips en noir et blanc ? Menait-il les deux types d’histoire de front ? Pourquoi la troisième page en couleur est réalisée sous forme de 3 strips alors que les 3 autres planches sont entières ? Difficile, voire impossible, d’avoir des réponses claires sur le sujet 30 ans après.
Cette planche, la quatrième planche en couleur, est la dernière planche entièrement dessinée et aquarellée par Pratt ...
Une planche qui synthétise en six cases 50 ans de recherches et d’évolutions graphiques.
Un cadrage simple, 3 strips de 2 cases, qui a démontré sa puissance depuis les histoires pour enfants du Corriere dei Piccoli dans les années 60 puis dans la série Un homme, Une aventure pour Bonelli (La Macumba du Gringo, A l’ouest de l’Eden, Jesuit Joe) à la fin des années 70.
Un premier strip uniquement à la mine graphite et à l’aquarelle, comme Pratt vient de l’expérimenter dans les dernières planches de Corto (inachevées) reprises dans J’avais un rendez-vous en 1994. Des couleurs qui prennent l’espace, dans une gamme chromatique bien définie, du jaune à l’ocre-brun en passant par l’orangé, un ensemble harmonieux qu’il affectionne et qu’on retrouve pour certaines de ces dernières aquarelles.
Un deuxième strip où il reprend le feutre, dans son style plus classique de la fin des années 70 et des années 80, quand il dessine pour une mise en couleur à l’écoline diluée ou à l’aquarelle.
Et, au final, un dernier strip où la couleur disparait pour arriver à son ultime case, au feutre noir. Comme à ses débuts. Un retour aux origines du trait, de la bande dessinée. Une ligne dépouillée de tout artifice. Pure.
Une ligne d’horizon comme Pratt en a si souvent dessiné. Et que dire de ce personnage qui s’éloigne progressivement à l’horizon ? Un départ ? Un au revoir ?
Au niveau texte, d’une écriture presque hésitante, un dialogue prémonitoire entre le grand Roi et Upuk :
"Tu préfères mourir aujourd'hui ou quand tu rencontreras Pazuzu ?"
"Très bien grand Roi, nous partirons demain."
Pour la dernière planche réalisée par Pratt quelques jours avant sa mort, c'est quand même assez stupéfiant.
Quand j’ai vu cette planche, j’ai ressenti une émotion très forte.
Pour moi, la page d’adieu d’Hugo Pratt.

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A propos de Hugo Pratt
Hugo Eugenio Pratt est un auteur de bande dessinée italien. Son œuvre la plus connue est Corto Maltese qui a largement dépassé le champ de la bande dessinée.