Karabouilla - Planche de fin.

Signée et datée en bas à droite.

Karabouilla - Planche de fin.


Mine de plomb, encre de chine, rustines.
Dimension (de la planche) : 365 x 475 mm.
Signé.


L’histoire complète, de 12 planches, a été prépubliée, le 09 juin 1977*, dans le numéro 2043 du « Spécial vacances, aventures, action » du journal Spirou.

Rééditée, toujours dans le journal Spirou, dans le n° 3652 du 9 avril 2008, à l'occasion des 70 ans du magazine, en tant qu'une des meilleures histoires parues dans Spirou avec, en prime, une page rédactionnelle faite par Sergio Honorez sur le sujet.

L’histoire fut publiée en avril 1980, chez Dupuis, en ayant le numéro 3 de la série du « Docteur Poche ».
Republié, toujours chez Dupuis, dans l’intégrale numéro 01 « Docteur Poche », paru le 19 février 2010.


Ce qui rend l'année 1977 surprenante et exceptionnelle dans le journal Spirou, c'est la présence, brève mais marquante, d'un supplément de 8 pages grand format : « Le Trombone Illustré ».

Mais il y aura également autre chose …
Qui aura un impact considérable sur les jeunes lecteurs, chose rare dans la bande dessinée belge de l’époque …

C’est la prépublication d’une histoire des plus réalistes, et dramatique qu’il y soit, à une époque étant plus habituée aux happy ends.
Par une histoire très «United Colors of Benetton», Wasterlain parvient à échapper à toute mollesse et à acquérir une surprenante profondeur, en y faisant un plaidoyer antiraciste, en parlant d’amitié.
Wasterlain marquera, de manière considérable, les jeunes lecteurs par sa qualité émotionnelle en y abordant la mort d’une manière si intense.
Comme on dit, l’histoire sonne juste.

Il s’agit donc d’une histoire d’enfance et d’adolescence où le « Docteur Poche » se remémore un souvenir douloureux et qui restera, à jamais comme déjà évoqué, dans la mémoire des lecteurs de Spirou.

C’est également une histoire où apparait un mot que l’on n’a peut-être jamais vu auparavant dans les pages du journal Spirou.
Le mot est lâché, « nègre » !

C’est l’histoire du jeune Michel et de son frère de lait Robert, noir de peau.
Le « Docteur Poche » raconte son amitié fraternelle avec Robert et la rivalité qui va les opposer car ils vont tomber amoureux de la même fille, une jeune vietnamienne, du nom de « Thi Hué ».
Cela les conduira à un drame épouvantable, sorte de fêlure** dans la vie du « Docteur Poche ».


Rares sont les histoires en bandes dessinées qui ont arrachés des larmes.
Rares sont les récits tout en retenue qui vous bouleverse.
Karabouilla en fait partie … !


Karabouilla participe également à une sorte de réhabilitation du jaune en général dans la BD franco-Belge.
Après l’ignoble Mitsuhirato (pour l’école de Bruxelles) et les cafards japonais, chinois ou coréens des aventures de Buck Danny (pour l’école de Marcinelle), il était temps de donner, aux petites têtes blondes de l’époque, une autre image de « l’homme » asiatique.

Certes, cette nouvelle dynamique n’a pas attendu Wasterlain pour être lancée.
N’oublions pas que l’asiatique la plus emblématique de toutes, Yoko Tsuno, sévissait dans les pages de Spirou dès 1970.
Et chez les hommes, le professeur Satô, l’illustre scientifique allié de Blake et Mortimer, apparut dans le premier volume de l’ultime histoire inventée par Jacobs en 1971.

Mais il est des personnages qui ont marqué plus que d’autres, et des tentatives qui ont parfois ce je ne sais quoi de miraculeux, car elle a laissé dans la cafetière des jeunes que nous étions, une trace à jamais indélébile.
L’histoire dans laquelle « Thi-Hué »*** (de nationalité vietnamienne) apparaît est de celles-ci. Elle mérite d’être associée à ces tentatives de rendre humaine une couleur de peau qui jusque-là avait donné l’impression de n’être l’apanage que d’une sorte de race d’hommes-reptiles voués à faire le mal.

Il faut savoir que « Thi-Hué » existe vraiment, tout comme « Robert », le frère de lait du « Docteur Poche ». Tout cela est bien expliqué dans l’intégral numéro 01. Sans oublier dans la monographie des éditions Mosquito, sur Marc Wasterlain, paru en octobre 2012.


Dans Karabouilla il n'y a que deux demi-planches dont les dessins ont été changés.
Nous parlons de la demi-planche de l’accident, et les trois rustines de la planche de fin présentée ici même.

Ces changements ont été faits, à l'instigation de Wasterlain lui-même, à une époque où, lorsque l’album est sorti en 1980, il ne dessinait plus son héros de la même manière.
En effet, même si c'est suite à une remarque de Jijé que le très long nez de "Michel" « Docteur Poche » a diminué, c'est à l'époque où a paru le premier album, que Wasterlain disait volontiers sa reconnaissance à l'éditeur pour avoir accepté qu'il retouche toutes ses planches, dont il n'était pas satisfait.

En effet, sur Karabouilla, c'est pour un problème de style dans les personnages, dont Wasterlain trouvait le trait trop précieux, trop féminin.
Et c'est surtout que l'album sortait 3 ans après que cette histoire ait été dessinée. En effet, entre 1977 et 1980, le dessin de Wasterlain avait changé du tout au tout, et son jugement aussi.

Loin des « gros nez » qui était une caractéristique physique de chez Spirou, Wasterlain qui était à l’étroit, chercha à s’émanciper, à se libérer, à se dynamiser de ce style qui fit le succès des productions Dupuis des années 60.
Il était dans le style du journal de Spirou mais il en était également complètement diffèrent en même temps. Il était inclassable avec ce « Docteur Poche » ayant ce physique bien particulier par ce nez désespérément long qui le fait ressembler au Pinocchio de Collodi.


Concernant la planche de fin, il y a trois changements (à l'aide de rustine) entre la version journal Spirou et la version album (voir les visuels).
A savoir :
- le portait de Robert, le frère de lait de "Michel" « Docteur Poche »;
- le portrait de le jeune vietnamienne du nom de « Thi Hué »;
- le portrait (en pied) de "Michel" « Docteur Poche ».
Tous trois dans la demi-planche inférieure.


* 1977 ou Wasterlain eu le Prix Saint-Michel de la BD d'humour pour Docteur Poche.

** Fêlures également pour Marc Wasterlain. Cette histoire a été probablement un exutoire car son premier fils (né de son premier mariage), Johan, fut écrasé par un camion …

*** A noter que « Thi-Hué » réapparaitra dans une histoire spéciale lors du n°2121 « Spécial fin d’année » du 7 décembre 1978. L’histoire, intitulée « Chasseurs d’images » nous montre un « Docteur Poche » faisant une séance diapos chez lui en compagnie de « mademoiselle Zoé ». C’est l’occasion de faire un nouveau flash-back, plus heureux cette fois-ci, en lui racontant une histoire se déroulant à l’époque où le trio Poche-Robert-Thi Hué fonctionnait parfaitement.
On y voit le « Docteur Poche » et « Thi-Hué » faire un safari photo dans la montagne, sous la neige. Tantôt beauté en bikini, tantôt un reflex à la main.
Inédit en album jusqu’à sa publication dans l’intégral n° 01 du « Docteur Poche », « Chasseurs d'images » est un récit de 14 planches publié dans Le journal de Spirou n°2121 du 7 décembre 1978.

Je vous engage à consulter les autres œuvres de Marc Wasterlain se trouvant dans ma galerie 2DG :
www.2dgalleries.com/galleries/marc-wasterlain-10586