Dans la collection de MV9957
Marco (2), Kalar - Couverture Le Bestiaire & Kalar 17
1310 

Kalar - Couverture Le Bestiaire & Kalar 17 "Imposture"

Planche originale
1965
Encre de Chine
20 x 26 cm (7.87 x 10.24 in.)
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Le Bestiaire de Kalar
El Bestiario
El Bestiario - Dédicace de Tomás Marco Nadal
El Bestiario - verso
Kalar 17
Kalar 17
Kalar - Verso des mensuels

Commentaire

1 – Les planches
« Imperia édita en juillet 1980 un album de prestige hors commerce qui s’intitula « Le Bestiaire de Kalar » représentant les plus belles planches animalières dessinées par Marco Nadal (quasi introuvable et tiré à 2000 exemplaires pour la France) » – Bedetheque. J'ajoute qu'El Boletín, un éditeur de Barcelone, réalisa un tirage exceptionnel de 500 exemplaires pour l'Espagne : El Bestiario.

Mes planches sont les planches originales des mensuels 17 – 23 – 34 – 39 – 57 – 65, reprises pour cet album de prestige. On peut y voir encore les marques de l’éditeur pour préparer l’édition de l’album (suppression des textes). Pour la planche qui servit de couverture à l’album, l’éditeur ne retint que la tête magnifique du lion sur la planche extraite du numéro 17.

Figurent dans les images additionnelles : les couvertures et pages concernées des numéros originaux de Kalar, ainsi que du Bestiaire, version française et version espagnole.

2 - Tomás MARCO NADAL
La bio synthétique proposée par 2DG rapporte les grands traits de la vie de cet auteur ; je soulignerai simplement la dimension autodidacte de Tomás Marco Nadal.

3 – KALAR

232 numéros mensuels, de novembre 1963 à mai 1986 + 50 recueils. Dessinés dans leur quasi-totalité par Tomás Marco Nadal (intérims de Rafael Mendez). Les couvertures des mensuels furent réalisées par Juan Vilajoana (66 numéros), Rino Ferrari (121 numéros), Félix Molinari (10 numéros), Rafael Mendez (23 numéros) + 12 numéros non identifiés.

Le pitch : tarzanide

Jean Calard, jeune, sportif, intelligent et futur héritier, est victime d’un piège en étant accusé du meurtre de son oncle richissime. Au cours de sa fuite, son avion s’écrase en pleine jungle africaine. Sauvé, soigné et adopté par une tribu, il apprend leur culture, leur langage, et à vivre au milieu de cette nature magnifique et cruelle. Progressivement il apprend également le langage des animaux. Finalement, même après avoir été blanchi et être devenu richissime, il décide de rester au cœur de l’Afrique, où il a trouvé son destin. Les divers épisodes reflèteront cette vie d’aventures, parfois fantastiques.

Kalar devient donc une sorte de garde des réserves africaines, ami des bons, hommes ou bêtes, et ennemi des méchants, en particulier des sorciers obscurantistes et des trafiquants. Incorruptible et rationaliste, il fait régner un « ordre blanc » pour reprendre les termes de Roger Trenquel dans « Bonjour Monsieur Marco » (Bédésup #13 - Juin 1980), qui souligne surtout la qualité du dessin.

4 – Le dessin animalier et l’art de Tomás Marco Nadal

Le plus important c’est donc le dessin fabuleusement beau de Tomás Marco Nadal, qui « rappelle souvent les gravures des périodiques du XIXe siècle » (Roger Trenquel), un dessin saisissant qui nous amène à réfléchir à l’art animalier. Des peintures de la grotte de Lascaux jusqu’à la statue du Rhinocéros d’Alfred Jacquemart devant le Musée d’Orsay, l’histoire de l’art montre cette continuité dans le besoin de représenter l’animal, quelles que soient les motivations particulières des artistes ou les contextes historiques et culturels.

Je m’interroge pour ma part : qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui, au XXI ème siècle, je suis bien plus captivé par ces dessins que par des photographies de ces mêmes animaux ?

Ces images évoquent d’abord l’enfance, bien sûr. Les travaux des psychologues et pédiatres ont montré combien l’animal était important dans l’éducation de l’enfant, et que le rapport à l’animal est un des éléments qui façonnent son imaginaire. On retrouvait dans les contes, les bandes dessinées, puis plus tard dans les premiers romans et dans les séries TV de mon époque, une grande quantité d’histoires animalières, transformant l’animal en héros ou mettant en scène des relations entre hommes et animaux dans le cadre d’aventures extraordinaires : Tarzan, Akim, Zembla, Kali, Yataca, mais aussi Daktari, Skippy le Kangourou, Flipper le Dauphin, etc. sans oublier l’œuvre de Walt Disney.

Plus fondamentalement, dans l’étymologie du mot « animal » on trouve à l’origine deux mots latins : anima qui signifie « le souffle, l’âme », et animus qui signifie « l’âme, l’esprit ». Animal et âme ont donc la même racine. En italien âme se dit anima, en espagnol il y a deux mots, alma et ánima, l’usage privilégiant ce dernier pour l’âme des morts, et dans toutes les langues latines le verbe « animer » signifie donner vie à quelque chose, lui donner souffle et mouvement. En schématisant :

Anima = le souffle, et donc la nature
=> animal = instinct = souffle et nature

Animus = l’esprit, et donc la culture
=> homme = raison = la culture qui se superpose à la nature

On retrouve cette dualité dans nombre de mythes dès l’antiquité : les sirènes, les centaures, les divinités égyptiennes, les loups-garous, le minotaure, etc. On en retrouve la trace dans des dizaines de BD encore aujourd’hui (juste quelques-unes parmi les plus intéressantes : Bluebells Wood de G.Sorel, Le Bois des Vierges de J.Dufaux & B.Tillier, Le cycle Nikopol d’Enki Bilal, Le Temps des Sauvages de S.Goethals).

L’homme est donc un animal chez qui cohabitent nature et culture, dans une relation complexe entre pulsions et maîtrise des pulsions. On associa naturellement, au moins sur le plan symbolique, l’animal aux pulsions humaines, qui devinrent la part animale de l’homme, la part non-acceptable. Les représentations artistiques des animaux exercent donc une fonction de sublimation de ces pulsions profondes, de ces instincts domestiqués ou sauvages enfouis dans l’inconscient. Cette expression sublimée est artistiquement travaillée, donc détournée et acceptable. Elle permet ainsi de contourner les interdits, et aux humains de s’accepter dans toutes leurs composantes. Parler des animaux c’est parler de l’homme, de ses pulsions inavouables jusqu’à ses valeurs humaines ou humanistes recherchées sur des animaux réels (brève synthèse de « L’Animal dans l’imaginaire et l’inconscient » par Marianne Simond).

Mais pourquoi préférer la peinture ou le dessin à la photographie ou au documentaire ? Dès son irruption, la photographie s’est chargée de fixer et reproduire la réalité apparente, mieux et plus aisément que ne le faisaient les peintres traditionnels. L’art moderne a donc été déchargé de ce rôle et ne s’est plus consacré qu’à chercher la vérité au-delà des apparences trompeuses, à chercher l’essence des choses. L’art d’un grand dessinateur ou d’un grand peintre réside donc dans la recherche de cette vérité. Cette évolution s’applique aussi à l’art animalier, et si les dessins de Tomás Marco Nadal sont si captivants, c’est parce qu’ils transmettent cette vérité.

Par ailleurs, raconter et se faire raconter des histoires est un autre besoin vital des humains. C’est bien pour cela d’ailleurs que l’on préfèrera toujours un film à un documentaire filmé, quand bien même les deux approches se complètent. La sensibilité qui imprègne la narration est un autre chemin d’accès à la connaissance et à la vérité.

L’art de Tomás Marco Nadal dans Kalar est donc fascinant parce qu’il exprime cette vérité des animaux qui nous renvoie à notre part animale d’humanité refoulée, et parce qu’il le fait dans le cadre d’une histoire contée ….comme Kipling dans Le Livre de la Jungle.

Publications

  • Kalar (Le bestiaire de)
  • Impéria
  • 10/1980
  • Couverture
  • Imposture
  • Impéria
  • 03/1965
  • Page intérieure

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A propos de Marco (2)

Tomás Marco Nadal signant également Marco est un dessinateur espagnol de bande dessinée. Il est le 3e garçon d'une famille de 5 enfants. Très tôt, il est passionné par le dessin, mais la mort de son père rend la vie plus difficile et il doit travailler très jeune. Il dessine tout de même pendant ses rares moments libres et propose ses travaux aux maisons d'éditions de Barcelone sans succès. Sous la pression familiale, il passe le concours des postes et se marie. Il pense enfin s'en sortir quand un éditeur anglais lui propose du travail, mais Nadal refuse de reprendre les travaux d'un autre artiste et l'aventure coupe court. Il se met alors au dessin animalier qui lui plait beaucoup, mais là encore les éditeurs barcelonais ne sont pas intéressés. Finalement, c'est Impéria, l'éditeur lyonnais de Petit format qui vient le chercher car il est à la recherche de nouveaux dessinateurs pour ses fascicules. Celui qui signe dorénavant Marco peut enfin donner libre cours à son talent et crée Kalar. Ce personnage sera son chef d'œuvre. Il lui consacrera plus de vingt ans à dessiner chaque mois une soixantaine de pages.