Dans la collection de Ludovic 
Will Eisner, Invisible People - The Power - Planche originale
305 

Invisible People - The Power

Planche originale
1992
Encre de Chine
28 x 35 cm (11.02 x 13.78 in.)
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Page titre de "The Power"

Description

Invisible People – The Power
Planche 11
Première publication par Kitchen Sink Press - 1992
Première publication en français dans Big City Tome 5 - Peuple invisible - Comics USA - 1992
Encre de Chine et gouache blanche sur mine de plomb

Inscriptions / Signatures

Tampon au dos

Commentaire

A propos de la planche

On retrouve dans cette page un des éléments récurrents des graphic novels de Will Eisner, dont il a posé les bases quinze ans plus tôt avec le fondateur A contract with god : des cases qui n’en sont pas. Portes et fenêtres forment cases ici. Dans cette séquence en quatre actes, l’art invisible, ainsi décrit par Scott McCloud : les cases d’une bande dessinée fragmentent à la fois l’espace et le temps, proposant sur un rythme haché des instants qui ne sont pas enchaînés, se fait sans même la séparation physique requise. Cette absolue lisibilité du four panels, qui a fait les heures glorieuses des pages de Kirby, Buscema et d’autres dans les années 60, se trouve revisité, et de quelle manière, par le père du Spirit.

Le regard parcourt les deux strips horizontaux comme quatre moments différents, par les actions et dialogues, avec un dessin, qui, encore une fois, débarrassé des frontières que représentent les cases rectangulaires, confère au lecteur une vision d’ensemble balayant les deux espaces comme un seul mur. L’orientation subtile des différents éléments ouverts, les repères visuels discrets mais essentiels que sont les fleurs de fenêtre ou les lanternes murales nous rappellent qu’il s’agit bien de quatre actions distinctes se déroulant au même endroit. Un autre élément de construction concourt à cette remarquable fluidité de lecture, la traversée du troisième homme, Ziggy, qui, partant discrètement, presque hors cadre, du coin supérieur droit, se retrouve appuyé à la porte du coin inférieur gauche. Cette diagonale amène naturellement le lecteur à l’endroit parfait sans que l’œil ait rencontré le moindre obstacle, si ce n’est une valise et un chapeau qui seront ramassés au moment même où le regard se posera sur le fameux Ziggy.

Enfin, il y a le noir et l’absence de noir. Invisible People, les gens invisibles, ceux qui n’existent pas pour une société qui les efface. Eisner inverse ici subtilement les rôles. Dans le premier espace horizontal, Morris, personnage central dont on suit la vie dans cette histoire, débute la page transparent par moitié, pour disparaitre totalement ensuite. Face à lui, déjà invisible, Lil qui va le précipiter dans l’anonyme. La valise au sol, mais surtout le chapeau figé dans l’air, nous évoquent L’homme invisible de James Whale. Dans la partie basse, l’encrage équilibré redistribue les rôles plus équitablement. Les trois personnages se lisent sur un même plan, ou presque, Morris prend déjà plus de place. Et puis la page se termine sur cette magnifique silhouette à l’encrage appuyé. Eisner, par le soin qu’il apporte à ce dessin, repris en page titre de l’édition américaine, donne à ce personnage, de prime abord accablé, une force et une dignité qui contrastent avec l’arrière-plan et les silhouettes diaphanes qui s’éloignent. L’être destiné à disparaitre devient le visible, ce sera tout l’objet de cet ensemble d’histoires courtes.

A propos de cette nouvelle

S’il n’est pas spécifique à la vie urbaine, ce récit n’en reflète pas moins une facette. Dans un environnement densément peuplé où le rythme de vie est cinétique et où les citoyens survivent en contournant les obstacles, il n'y a guère de temps ni même d'envie de s'attarder sur l'histoire d'une seule vie. La conséquence de tout cela, c'est que les citadins endurcis évitent soigneusement les laissés-pour-compte qu'ils voient dans les portes cochères et les recoins de leurs villes.

Peut-être est-ce dû à la peur ou au fait de toucher l'agonie d'une personne qui tombe dans l'invisibilité, ou peut-être n'y a-t-il tout simplement pas de temps à perdre dans cette course infinie. Quoi qu'il en soit, cette dynamiques de groupe réduit à néant les personnes que nous croisons dans la rue. L'histoire de Morris est un symbole. Je considère que sa tragédie est commune au sentiment subliminal de toute-puissance qui alimente la survie de l'homme. Le voyage vers l'invisibilité commence lorsque ce sentiment s'affaiblit.
Will Eisner, Introduction to The Power

A propos de la genèse de l’ouvrage

Ce livre a été écrit sous le coup de la colère. En 1991, je suis tombé sur un article de mon journal local concernant le suicide d'une femme pauvre, Carolyn Lamboly. Handicapée, démunie et seule, elle avait, pendant plus d'un an, demandé à maintes reprises l'aide du système de soutien communautaire. Mais son dossier s'était perdu dans le système informatique du comté et elle était devenue une personne invisible.

Quelques jours avant Noël 1990, malade, seule et désespérée, elle s'est pendue. Son corps est resté deux mois sans être réclamé dans un funérarium. Elle a finalement été enterrée dans une tombe anonyme dans un cimetière public. Ces histoires sont nées de mon désarroi.
Will Eisner


Quelques récompenses

1968 : Prix du Comic Book de la National Cartoonists Society
1972 : Temple de la renommée de l'Academy of Comic Book Arts
1975 : Grand Prix de la ville d'Angoulême
1986 : Prix Yellow-Kid de Lucques pour l'ensemble de son œuvre
1992 : Prix Eisner du meilleur album pour Voyage au cœur de la tempête
1993 : Prix Harvey du meilleur scénariste et du meilleur auteur pour Peuple invisible
1994 : Prix Max et Moritz exceptionnel pour une œuvre remarquable
1995 : Prix Milton Caniff pour l'ensemble de sa carrière
1995 : Prix Haxtur pour l'ensemble de sa carrière
1998 : Adamson d'or pour l'ensemble de son œuvre

2015 : Temple de la renommée Harvey Kurtzman

Publications

  • Invisible People
  • Kitchen Sink Press
  • 11/1993
  • Page intérieure
  • Peuple invisible
  • Comics Usa
  • 11/1992
  • Page intérieure

Thématiques


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A propos de Will Eisner

William Erwin Eisner, dit Will Eisner, est un auteur de bande dessinée américain. Créateur du Spirit ainsi que du concept de « roman graphique » et de ses premières applications aux États-Unis, théoricien et directeur éditorial, c'est une figure majeure de la bande dessinée du XXe siècle et l'un de ses plus grands auteurs.

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