Hosti portas aperire

Au commencement, il y a un crayonné d’Eurydice, publié dans le carnet graphique accompagnant la BD. Un regard dominateur, mis en valeur par la pose idoine. Une longue attente... Et une scène digne d'une tragédie grecque.

Vue de dos et au second plan, Eurydice se débarrasse de sa stola en se retournant vers un soldat qui occupe le premier plan. Anticipant un ordre qui semble inéluctable, elle se donne une chance, malgré la précarité de sa situation, de rester en vie. Aussi sûre de l’effet que produira son geste sur le macédonien que méprisante à son endroit, Eurydice devait initialement afficher un mélange de morgue et d'arrogance similaire à l’esquisse de référence.

Mais ce projet de départ a été contrarié, Gildas ayant souhaité ajouter du sang sur le glaive et la main du soldat ainsi que sur la partie basse de l’arrière plan. Outre le fait de souligner la violence latente de la scène, ce choix a eu pour effet de placer Eurydice face à un mur et de l’acculer au propre, comme elle l’était déjà au figuré. La dramaturgie de la scène s’en est trouvée considérablement accrue.

Inconsciemment, Gildas l'a intégré. D’abord en modifiant légèrement l’orientation du regard d’Eurydice qui, sans pour autant se dérober, s’est fait plus fuyant. Dans la version finale de l’illustration, il n’est plus vissé derrière elle (comme prévu initialement) et tient davantage du regard qui surveille ses arrières que du regard qui toise. Dans la dernière ligne droite, Gildas a également décidé de modifier l'inflexion du sourcil d’Eurydice dont il a finalement brisé la courbure afin de retranscrire une inquiétude qui s'apparente presque à de la peur.

Minimes sur le plan graphique, ces deux changements ont bouleversé la physionomie de la scene dont la version définitive exacerbe la dramaturgie. Comme si cette dernière avait fini par rattraper l'auteur...