Dessin de Pif et Hercule

Dessin n°3 du folioscope (ou flip book en bon anglais) Spectacle bout de ficelle du Pif Poche animé n°87.

Dans ce folioscope, Pif et Hercule tirent sur une même corde, chacun dans leur sens. Au début, Pif réussit à tirer Hercule de son côté jusqu'à disparaître de l'image avant que Hercule ne fasse de même. Enfin, la corde finit par céder.

Avec ce dessin, nous sommes au début de l'histoire animée, et on voit donc Pif en train de tirer Hercule de son côté.

3 (en haut à gauche) - P.87 P98 (en bas)

La série Pif le chien est créée en 1948 dans l'Humanité par l'Espagnol José Cabrero Arnal. Le chat Hercule le rejoint deux années plus tard. En 1952, la série s'installe dans la revue Vaillant qui devient en 1965 Vaillant le journal de Pif puis en 1969 Pif gadget.

Les premiers poches comiques, dont Pif Poche, sont créés par les éditions Vaillant fin 1962. Ils mélangent gags et jeux. Parmi ces jeux, Vaillant va développer le concept des poches animés, qui contiennent un folioscope (ou flip book). Le premier Pif poche avec folioscope (réalisé par Arnal lui-même) est le n°36 de 1968. Il y en aura plusieurs autres de manière discontinue jusqu'au Pif poche n°81 qui institutionnalise le mot "animé" dans son titre (il le portera jusqu'au n°105) et la présence d'un folioscope.

Le Pif Poche animé n°87 sort en novembre 1972. La couverture du mensuel reprend le thème de l'animation qui s'intitule Spectacle bout de ficelle. Le folioscope est en mode paysage, sur le côté extérieur de la page, et ses dessins ne sont réalisés uniquement que sur les pages paires. Il se lit dans le sens inverse de la lecture du poche (le n°87 revenant à cette façon après deux précédents numéros qui avaient inversé le sens de l'animation). Après une présentation du titre sur 36 pages (pp. 140-104), l'aventure se lit sur 100 pages (pp. 102-2) avec 50 dessins différents. On peut voir 4 autres de ces dessins dans la collection d'Astrum : https://www.2dgalleries.com/art/pif-et-hercule-91582.

Ce dessin est l'œuvre du "Studio Pif", un atelier qui entoure Arnal pour l'aider et le suppléer. En effet, depuis plusieurs années, le créateur de Pif ne le dessine plus qu'occasionnellement, fatigué par ses années de déportation. Depuis 1967, le dessinateur de la série Pif est Louis Cance, qui a pris le relais du premier continuateur d'Arnal, Roger Mas.
Avec la nouvelle formule du journal et la création de Pif gadget en 1969, les éditions Vaillant décident de renforcer l'équipe autour d'Arnal et de Pif. Jusque-là le dessinateur espagnol n'est accompagné dans l'animation des différentes publications Vaillant que par Jacques Tabary, le frère du créateur d'Iznogoud, qui travaille aussi sur les œuvres de Jean Tabary. Arnal est ainsi d'abord rejoint par Yannick Hodbert puis par Michel Motti en 1969, et enfin brièvement par Bernard Ciccolini en 1972. Yannick Hodbert raconte en 2005 son entrée à l'atelier :

J'ai commencé par travailler sur des couvertures et des illustrations. Nous avions avec Arnal des rapports très chaleureux. Il était très gentil et simple. Il nous couvait et apportait de petites corrections à nos travaux.

Cette équipe s'occupe essentiellement, à ses débuts, des dessins additionnels : publicités, annonces, couvertures, jeux, gags de poche, illustrations diverses... Il arrive aussi que le travail du Studio dépasse l'univers de la série Pif ; un des premiers travail de Motti est ainsi de lettrer en français les planches de Corto Maltese !
En 2020, Yannick me précise des choses moins romantiques sur le Studio Pif :

Nous étions salariés, d'ailleurs ça a créé un problème, aucun dessinateur n'était salarié... Bref, en avril 1972, le journal nous a licencié pour nous conserver avec le même travail, chez nous, comme pigistes, sans Sécu. Sympa, non ?

Par la suite, à partir de 1973, Yannick et Motti, aidés par Jacques Tabary et Arnal, dessinent en alternance avec Louis Cance les récits de Pif et Hercule dans le journal. Toujours Yannick parlant de l'évolution du Studio :

Il fallait simplement avoir un volume d'histoires de disponible. Seules les histoires comptaient. Peu importe qui les faisait. Par exemple, lorsque Michel Motti est arrivé, il pouvait y avoir une alternance, entre nous, de scénariste et de dessinateur. Ou nous faisions les deux à la fois. Mais il fallait faire du Arnal, des personnages ronds.

Ce dessin original fait donc partie de ce travail additionnel et "mélangé" entre les auteurs (non signé la plupart du temps sauf la mention d'après C. Arnal) et peut être l'œuvre de Michel Motti ou de Yannick Hodbert, voire, même si c'est moins probable, de Arnal lui-même. Difficile de départager, même pour Yannick lui-même, dernier survivant du studio, à qui j'ai posé la question en 2020 :

Je pense (le dessin) trop basique pour être d'Arnal... Mais tout de même de son esthétisme et de son style, avec les proportions exactes de la façon dont il les dessinait... Ce dessin peut lui être attribué.

Vingt minutes après ce premier message, il complète :

Je pense que ce dessin a été réalisé sur table lumineuse... Par qui ?

Confus, non ?
Mon hypothèse, pour rejoindre les propos contradictoires mais vraisemblables de Yannick, c'est que le modèle de ce dessin (le n°1 par exemple) a pu être dessiné par Arnal puis les 49 autres dessins, "clichés" par Yannick et Motti sur table lumineuse.

Merci à Tib du forum Pimpf pour ces informations sur les Pifs poches animés, à Mariano Alda (alias Totoche) pour cet extrait d'interview de Yannick, visible sur le forum Pimpf et à Yannick Hodbert pour avoir répondu à mes questions.