Jean-Claude Fournier, André Franquin, Croquis d'hélicoptère pour Spirou - Œuvre originale
1371 

Croquis d'hélicoptère pour Spirou

Œuvre originale
1972
Crayon
27 x 37 cm (10.63 x 14.57 in.)
Partager
Alouette II - image extraite de documentation technique d'époque
Les 9 apparitions de l'hélicoptère dans les planches 5-6-7 de l'album.
Extrait de "Et Franquin créa la gaffe" (N. Sadoul) où Franquin parle de la dernière aventure de Spirou.
Fantasio parlant du radar dans "Panade à Champignac", 1967.
Couverture du Spirou n°1539, publiant les 1ères planches de "Panade à Champignac", octobre 1967.
Bandeaux-Titres "Panade" : original et publication journal, 1967.
Détail du radar sur la couverture de "Panade à Champignac", 1969.
Original de la page de garde de "Panade à Champignac", 1969.
Radar sur le château, dessiné par Janry.
Publication du croquis dans le Tirage de luxe des éditions Black & White.
L'Alouette II dessinée par Walthéry dans "Benoît Brisefer" en 1968.
Hélicoptère Alouette II, dans "Spirou et les Hommes-Bulles" (4 cases), 1960.

Description

Croquis de recherche pour l'hélicoptère du Triangle qui enlève Zorglub au début de l'album Tora Torapa.

Le modèle de l'hélicoptère est une Alouette II, conçue par la S.N.C.A.S.E. (cf. images additionnelles) au milieu des années 1950. Le mot pitch, noté sur le croquis, est un terme technique signifiant l'assiette de l'appareil, c'est-à-dire l'inclinaison avant-arrière par rapport à l'horizontale, commandée par la manette redessinée en gros plan.

L'hélicoptère apparaît neuf fois dans l'album sur les planches 5, 6 et 7 du récit (cf. images additionnelles).
On peut voir la planche originale 6 dans la collection de DanielSansespace :
https://www.2dgalleries.com/art/fournier-tora-torapa-planche-scenarisee-par-franquin-10357.

Inscriptions / Signatures

"bleu-rouge-jaune" (en haut : indications de couleurs ?) / "pitch TIRE = monte" (au centre : précisions sur une manette) / Signé : Fournier

Commentaire

Ce croquis réalisé par Jean-Claude Fournier, en préparation de son quatrième album de Spirou et Fantasio, est pour moi un support à rêve, comme d'ailleurs une bonne partie de l'album Tora Torapa.
Pourquoi ? Étant passionné par le travail d'André Franquin sur la série, les quelques éléments de scénario qu'il a laissé, concernant une ultime aventure de Spirou sous sa plume, après Panade à Champignac, m'ont toujours fait rêver. Franquin en parle en 1985 à Numa Sadoul à la page 138 de Et Franquin créa la gaffe (cf. images additionnelles).

Les grandes lignes du scénario y sont brossées même si Franquin conclut que ce n'était pas encore arrivé à maturité.
L’action se passe dans une île du Pacifique, assez vaste, du nom de Touhapeete (que Fournier dénommera Tora Torapa) avec une forêt en son centre. Dans cette forêt vit un petit peuple des arbres pour lequel Franquin avait de nombreux projets et avait déjà réalisé des croquis (jamais aperçus malheureusement). L’intrigue raconte l’histoire d’un gangster exilé avec sa bande sur cette île (Fournier a choisi Zantafio pour incarner celui-ci, entouré du Triangle), car il était brûlé en Europe. Il est richissime mais s’ennuie à mourir ; c’est pour cela qu’il décide de faire enlever Zorglub par ses hommes.

Laissons la parole à Franquin pour la suite :
Je me souviens d’un radar ultra-sophistiqué inventé par Champignac pour suivre la migration de certains oiseaux ; avec un fusil, on tirait sur une oie un petit truc qui s’implantait en elle, et on pouvait le suivre très loin sur un écran. Il y avait donc une histoire avec Zorglub et son complice redevenus méchants en train de s’embarquer à bord d’un hélicoptère ; on leur tirait dessus avec le fusil spécial, le petit émetteur se logeait dans la fesse de Zorglub, ou je ne sais plus, et c’est ainsi que les héros pouvaient suivre et localiser l’île où Zorglub était caché.

Suite à cet enlèvement, Spirou et Fantasio partent donc à la recherche de Zorglub grâce au radar, jusqu’à l’île de Touhapetee, et ils leur arrivent un tas de d'aventures et de fantaisies : à savoir, par exemple, qu’une vahiné plutôt effroyable tombe amoureuse de Fantasio (alors que Fournier décidera de créer la belle Ororéa).

Franquin avait déjà dit quelques mots de cette aventure au fanzine Esquisses en 1972. Son interview de l'époque permet de préciser quelques idées du scénario :
- c'est bien un ancien complice de Zorglub (comme Fournier l'a fait avec Zantafio) qui l'enlève (alors qu'il ne parle à Sadoul que d'un gangster, déconnecté de Zorglub),
- il précise bien, même si on s'en doutait au vu du nom (Touhapeete/Papeete), que le modèle de l'île du Pacifique est la polynésienne Tahiti.
- il lie cette aventure au projet initial de Panade où dans la première partie on suivait l'évolution de Zorglub de bébé à adulte, puis dans la seconde partie on vivait cette ultime aventure, tout cela sur 120 pages.
Finalement, le projet scénaristique de Panade à Champignac fut moins ambitieux que prévu, et cette aventure polynésienne eût lieu mais avec un autre auteur.

Pour en revenir à l'hélicoptère, on voit que celui-ci, ainsi que la scène qu'il introduit, font partie des éléments créés par Franquin qui sont fidèlement reproduits dans l'album Tora Torapa. Franquin précise un peu plus loin qu'il a donné ces fragments de scénario à Fournier sans plus s'en soucier. Le même Fournier répéta plusieurs fois ne pas se souvenir de cette "transmission" mais force est de constater que pour ce passage lié à l'enlèvement de Zorglub par hélicoptère et l'utilisation du radar de Champignac, les similitudes sont frappantes.

Il faut s'attarder un peu sur ce radar car c'est un élément qu'on voit dessiné dès Panade à Champignac et qui ressemble à "une espèce de sommier de lit" selon Fantasio : celui-ci est en effet expressément remarqué par nos héros à la case 8 de la planche 6 de Panade. Il avait été introduit quelques semaines auparavant en couverture du journal Spirou qui signalait le retour des héros, en octobre 1967 (cf. images additionnelles). Il est même présent sur le bandeau-titre de Panade à Champignac, mais est en partie coupé au montage dans le journal (cf. images additionnelles). Deux ans après, en 1969, pour la sortie en album de cette histoire et alors que Fournier a déjà repris la série, Franquin redessine tout de même ce radar, bien en évidence sur la couverture et la page de garde de l'album (cf. images additionnelles), mais laissons-le nous l'expliquer :
C’est pour cette idée-là [l'enlèvement de Zorglub par hélicoptère] qu’il y a, sur le toit du château, en couverture de l’album, une espèce de sommier en fer : c’est précisément le fameux radar dont je viens de te parler. Personne n’a jamais pu expliquer la présence de cet objet, qu’on ne justifie aucunement dans cet album, eh bien, c’était pour recevoir les ondes prévues au prochain épisode de « Spirou » […] Et c’est bien la preuve qu’en dessinant ma couverture de « Panade », j’avais encore à l’esprit de continuer la série, je n’avais pas encore décidé d’arrêter.

Franquin mélange un peu les dates (nous sommes en 1985 dans cette interview) sur son envie d'arrêter Spirou car, en 1969, il l'a déjà abandonné à Fournier. Mais c'est étonnant de penser à ce soin du détail, concernant ce radar, qui effectivement ne sert à rien à l'histoire Panade à Champignac et ne servirait plus à cette ultime aventure de Spirou puisque Franquin ne travaille plus sur la série. C'est sans savoir que 3 années plus tard, Fournier entamera Tora Torapa et remettra au goût du jour le radar qui, chose étrange, n'apparaît nulle part dans l'album (ni dans aucune autre histoire dessinée par Fournier), sauf la partie "écran" à l'intérieur du château.

Comme la page de garde de l'album Panade à Champignac (cf. images additionnelles) deviendra ensuite la page de garde générique des albums de la série Spirou et Fantasio, avec ce château délabré et ce radar, celui-ci va s'ancrer dans la mémoire populaire comme un élément constitutif de Champignac. Franquin était, chose rare, d'ailleurs très content de ce dessin, il en parle à Numa Sadoul, toujours dans Et Franquin créa la gaffe :
Déjà les pages de garde, j'en suis content. Elles sont dessinées de manière un peu dégueulasse, au pinceau, d'un trait peu soigné et très "lancé", et ça dit bien ce que ça veut dire, ça a plus de gueule que certains dessins hyper-léchés

On retrouve ainsi ce radar dans deux albums dessinés par Janry : Qui arrêtera Cyanure ? et Le Rayon noir (cf. images additionnelles).

Ce modèle d'hélicoptère, l'Alouette II, connaît un succès dessiné (en plus de son succès cinéma) car, outre les séries d'aviation comme Dan Cooper, Tanguy & Laverdure, Michel et Thierry où on le reconnaît ; on le retrouve également employé par Walthéry dans Benoît Brisefer (cf. images additionnelles), Jidéhem (Ginger "Les Yeux de feu"), Eddy Paape (Johnny Congo "La flèche des ténèbres") ou chez Bilal (La Croisière des oubliés).
Mais la plus belle réminiscence reste la présence de ce modèle d'hélicoptère dans un récit de Spirou et Fantasio de Franquin lui-même (aidé par Roba), dès 1960 dans Spirou et les Hommes-bulles (cf. images additionnelles).

Ce croquis a été publié dans le Tirage de luxe de Tora Torapa des éditions Black & White (cf. images additionnelles, merci beaucoup à Raphaël Wacker).

Publications

  • Tora Torapa
  • Black Et White
  • 05/2019
  • Page 98
  • Tora Torapa
  • Dupuis
  • 01/1973
  • Supplément

Voir aussi :   Spirou et Fantasio

Thématiques


4 commentaires
Pour laisser un commentaire sur cette œuvre, veuillez vous connecter

A propos de Jean-Claude Fournier

Jean-Claude Fournier qui signe généralement du seul nom de Fournier, est un scénariste et dessinateur français de bande dessinée notamment connu pour son travail sur Spirou.