Breccia Alberto, Nadie#14, El Triangulo de la muerte, planche n°1 de titre, 1978.

Carlos Trillo et Alberto Breccia, deux géants de l'historieta se distinguent sur un volume dédié à un personnage (Nadie, dans l'original) qui au contraire ne veut pas être Personne. Comme son nom l'indique sans équivoque, l'agent secret au service du contre-espionnage britannique, le protagoniste de cette série publiée à la fin des années 1970 en Argentine (qui en Italie a immédiatement trouvé sa place dans Skorpio en 1977-78), est un maître de sous-entendus.

Ses missions n'existent pas, elles ne sont présentes dans aucun rapport, tout comme son nom - on imagine - n'est inscrit dans aucun bureau d'état civil. Autre que 007 : contrairement à l'agent inventé par Ian Fleming, notre protagoniste n'a même pas de numéro pour s'identifier. Ses aventures, sans prétentions intellectualistes ni visées à aucune innovation linguistique ou narrative, partent des stéréotypes du genre espionnage et ajoutent juste ce que l'on attendrait des deux auteurs qui les signent.

Alors que dans les mêmes années ils se consacraient à des titres destinés à faire l'histoire de la bande dessinée – Trillo avec Horacio Altuna signait ce chef-d'œuvre de comédie et d'humanité de Loco Chavez, Breccia donnait forme aux visions troublantes de H.P. Lovecraft sur The Cthulhu Myths – au lieu de Nobody, ils semblaient s'installer dans la moyenne rassurante du stéréotype. Pourtant, les deux - comme le suggère Alvaro Pons dans l'introduction du volume italien qui vient d'être publié par Editoriale Cosmo - donnent le sentiment de s'être beaucoup amusé à travailler sur un personnage aussi - littéralement - anonyme.