Dans la collection de Moat 
Jean Giraud, Jean-Michel Charlier, Blueberry - Le Spectre aux Balles d'Or - Planche originale
6481 

Blueberry - Le Spectre aux Balles d'Or

Planche originale
1972
Encre de Chine
36 x 46.5 cm (14.17 x 18.31 in.)
Ajoutée le 29/04/2015
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Vignettes-Chromie-Découpage
Planche couleur
"BeauxArts" magazine hors-série décembre 2014
Acmé de la planche
Il était une fois Blueberry 1995
Le Monde hors-série 2023 "Blueberry, une légende de la bande dessinée "
Page 87 Hors-série Le Monde (2023)
Texte (9) au sujet de-là planche hors-série Le Monde 2023
Journal Pilote n°540 (1970)
Publication originale
Planche encadrée
Giraud sur sa planche à dessiner

Description

Blueberry
Dessin: Giraud Jean
Scénario: Charlier Jean-Michel
Tome 12 "Le Spectre aux Balles d'Or" 1972
Planche 17A-17B
36/46.5 cm

Commentaire

"Le Spectre aux balles d'or" est le 12ème album de la série "Blueberry". Il est publié en 1972 et fait suite à "La mine de l’Allemand perdu", deux tomes qui constituent le "Cycle de l'or de la Sierra". Il serait inspiré de la légende américaine de la mine d'or du Hollandais perdu et du roman de James Oliver Curwood "Les Chasseurs d'or".

Cette planche est présentée et commentée dans le magazine "Beaux Arts" en page 61 du hors-série "Les Secrets des Chefs-d'oeuvre de la BD" (2014) ainsi que dans le hors-série Le Monde "Blueberry, une légende de la bande dessinée" en page 87 (2023). Une grande part des textes qui suivent en sont tirés.


Contexte et album:

1970, c'est l'année de mutation pour Jean Giraud. Après sept ans de répétition sur Blueberry, la série dessinée qui l'a propulsé au sommet de sa profession et auprès du grand public, il décide, d'un commun accord avec Jean-Michel Charlier, d'en changer la donne. Retombée de l'agitation de Mai-68, ces changements s'inscrivent aussi bien dans la vie privée et mentale du dessinateur que dans ses créations diverses et variées. Avec d'autres jeunes loups de sa génération, qui ont entre 25 et 35 ans, Giraud a envie que les choses bougent et s'éloignent du carcan gaullien encore très présent dans la société française. Avec Blueberry, il en a assez de raconter les turpitudes d'un militaire anticonformiste, il voudrait en faire un défroqué, un déserteur permanent (ce qu'il deviendra plus tard). Ce diptyque des Monts de la Superstition (tomes 11 & 12) s'imposera en conséquence comme un intermède dans les aventures de Blueberry.

Le cinéma est aussi passé par là. Il était une fois dans l'Ouest et la Horde sauvage, sont respectivement sortis en août et octobre 1969 sur les écrans français, soit quelques mois avant la publication du "Spectre aux balles d'or" dans les pages de Pilote (le 15 janvier 1970). Avec cet album, le talent de Charlier consistera notamment à savoir s'adapter à certains désirs de Giraud. Du coup, la banale course-poursuite qui aurait pu être bouclée en un seul volet de 46 planches se prolonge et se transmue en une suite plus longue que prévue... 52 planches, dans laquelle la psychologie des participants est échauffée et leur look définitivement perturbé. Ce volet final voit le talent graphique de Giraud exploser. La fluidité de cet album s'explique également par l'environnement du dessinateur. Durant les sept mois passés à le réaliser, Jean Giraud baigne dans le bonheur. Sa femme attend leur premier enfant. Giraud décolle et cela se voit. Une bande dessinée classique dans laquelle un dessinateur exceptionnel se lâche la bride, son chef-d'oeuvre, en somme.

Dans une interview de 1970 -publiée dans le n°14 de la revue Phénix- il dira: «Qu'on le veuille ou non, la bande dessinée est condamnée au double ghetto de la consommation enfantine et du snobisme esthétique». Un dogme qui présage de la double signature de son auteur, en 1973 paraîtra "La déviation". Giraud est en train de glisser lentement vers Moebius.

Au sujet de la planche 17:

Un découpage rigoureux:

«Giraud est aussi un grand technicien du découpage. Personne n'est au-dessus de lui». Ces mots du dessinateur Michel Rouge, qui travailla notamment sur la série parallèle "Marshal Blueberry", montre bien l'aura du dessinateur originel de "Blueberry" dans la profession. Une science qu'il acquit auprès de son mentor Jijé, à qui l'on doit l'illustration de couverture du premier album de la série, paru en 1965. Sur cette planche fabuleuse, le découpage narratif agit en plusieurs temps successifs, suivant les fuyards ou les poursuivants. La chromie de la page (c.f photos additionnelles) se scinde en deux parties bien distinctes, selon que l'on se place du côté minerai bleu ou de la dune rocailleuse orange. McClure et Blueberry, à la poursuite de Wally et Prosit, doivent escalader une dune où se nichent des sables mouvants. Giraud s'en donne à coeur joie avec le canyon, lui qui affirmait, dans le premier numéro de "Métal Hurlant", paru en 1975:«Ce que j'aime bien dessiner, c'est les cailloux... Plus il y a de cailloux, plus je prends mon pied... ah!... les cailloux... parlez-moi des cailloux, des CAILLOUX». La course poursuite entre les duos Wally/Luckner (vignettes 1-2-4) et Blueberry/Mac Clure (vignettes 3-5 et suivantes) est répartie sur cette planche en deux zones de lectures indépendantes, ces deux «L» imbriqués donnant alors une dynamique de lecture et un tempo dignes des meilleures séquences de westerns hollywoodiens. Un dessinateur de seconde zone aurait sans doute donné plus d'importance à la 3ème vignette, où l'immensité de la dune apparaît. Mais le simple décalage de point de vue opéré par rapport à la 1ère vignette verticale suffit. Idem, l'acmé de la planche se situe dans les trois dernières -et plus petites- vignettes (7-8-9). Blueberry glisse dans les sables mais le cadrage reste identique, manière de signifier le caractère intangible de l'avalanche avec plus d'acuité. Cette dernière vignette est reprise également dans l'album "Il était une fois BLUEBERRY" paru en 1995 aux éditions Dargaud (voir images additionnelles). Enfin Charlier et Giraud ont bien reçu la leçon des classiques, qui suggèrent de placer un mini-suspense narratif à la fin de chaque page impaire, ce qui est le cas ici.

«Dune géante , repli de paroi , faille très étroite , canyon, falaise , crevasse , grande dune , vraie souricière , entrailles de la montagne , sable de plus en plus fin» tels seront pour cette planche 17 les mots utilisés par Jean-Michel Charlier et animés par un Gir qui donnera véritablement vie à l’élément minéral et aride de ce dédale! Les volumes de la seconde vignette traités en hachures (technique dont il est l'instigateur dans la B.D!) relèvent du pur génie graphique qui influencera toute une génération de dessinateurs européens !

Et pour finir quelques citations du Docteur Gir à propos de son album du Spectre évoqué 18 ans après sa création pour Pilote lors des entretiens avec Numa Sadoul en 1988 (Casterman , 1991, p.169) :
«Et je me demande encore comment j’ai pu dessiner "Le spectre aux balles d’or". Je suis stupéfait par la quantité de travail et de réussite qu’il représente » …. « Dans le Spectre, d’un seul coup, je me suis mis à produire des dessins dont je me croyais incapable.»

Peu de textes pour une planche de Blueberry, un petit chef-d'oeuvre en une page d'un des plus grands album du 9ème art.

Publications

  • Le spectre aux balles d'or
  • Dargaud
  • 01/1975
  • Page 17
  • La mine de l'allemand perdu - Le spectre aux balles d'or
  • Horus
  • 04/1980
  • Page intérieure
  • L'intégrale
  • Dargaud
  • 11/2014
  • Page intérieure

Thématiques


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A propos de Jean Giraud

Jean Giraud est un auteur français de bande dessinée, connu sous son propre nom et sous les pseudonymes de Mœbius et Gir. En tant que Jean Giraud et Gir, il est le créateur, avec le scénariste Jean-Michel Charlier, de la célèbre bande dessinée de western Blueberry. Sous le pseudonyme de Mœbius, il est l'auteur de bandes dessinées de science-fiction, telles que Le Garage hermétique, L'Incal ou Arzach, qui lui valent une reconnaissance internationale.