Armalite 16

Armalite 16 – Planche 8

Première parution dans "Métal Hurlant" N°48 (01/02/1980) - Page 26

Première case reprise comme splash page/couverture du 2ème chapitre (Armalite 16) dans l’intégrale parue en 2023 (voir photos additionnelles).

Non signée

Une quête de plus de 40 ans !

En 1980, alors lycéen, le libraire pour lequel je travaillais chaque été m'a offert une bande dessinée qui m'avait laissé un souvenir indélébile. Cette lecture avait, sans aucun doute, joué un rôle important dans mon attachement particulier pour les œuvres des années 80.

Mais quelques années plus tard, impossible de remettre la main dessus, et surtout impossible de me souvenir du titre et/ou du nom de l'auteur. S'en est suivi une recherche de plus de 30 ans : ouverture et tri de vieux cartons entreposés chez mes parents, recherches dans des librairies spécialisées, puis sur internet... En vain. J'avais fini par perdre espoir et par abandonner. Il n'en restait pas moins que le souvenir de cette bande dessinée perdue ne m'a jamais laissé en paix.

Et puis, il y a quelques semaines, lors d'une visite chez un galeriste, j'ai repéré sur son bureau un livre intitulé Marseil par Michel Crespin, livre qui traînait en vue de leur prochaine expo. Une couverture qui me disait quelque chose et un graphisme qui ne m'était pas étranger. Une rapide recherche sur Google et – miracle - un visuel de l'édition originale de la bande dessinée « perdue » est apparu : Armalite 16 !

Évidemment j'ai tout de suite posé une option sur cette planche (bien que les prix n’eussent pas encore été fixés ;) et me suis précipité chez des libraires pour retrouver l’EO et acheter l’intégrale sortie un an plus tôt.

Marseil - Armalite 16

D’abord publié dans Métal Hurlant, Michel Crespin sort son premier album, Marseil, en 1979 aux Humanoïdes Associés. Le deuxième album de la série, intitulé Armalite 16 est publié chez le même éditeur en avril 1980. Suivront trois autres tomes : Lune blanche, Dorianne et Les Infernets.

« Imaginez… Imaginez un village des Alpes, serré par les montagnes et l’hiver qui vient. Imaginez… des hommes jusque-là tenus à l’écart d’une guerre qui fut si subite qu’ils n’y prirent pas part. » Ces survivants vont devoir faire face à une nouvelle menace : l’assaut des « verts », ces soldats venus du Nord déterminés à assujettir les montagnards par la force. Résistance, conscience écologique naissante, mélancolie et rencontres au cœur de la montagne sont les ingrédients de cette saga post-atomique qui demeure un incontournable de Michel Crespin. (Source : Humano)

Lorsque les Humanos ont demandé à Jean-Pierre Dionnet quels « titres vitaux » de Métal Hurlant devaient être réédités, il a tout de suite pensé à cette série de Michel Crespin.

C’est ainsi que Marseil – Armalite 16, l’œuvre majeure d’un auteur oublié et parfois sous-estimé, fut enfin publiée sous forme d’une superbe intégrale aux Humanos en 2023, permettant de (re)découvrir l’évolution du style de l’auteur tout au long de cette saga inachevée, où « le dessin changeait sans cesse, d’un noir et blanc dur à des pages colorées, saturées, comme il le sentait, pyrotechnique, vériste et mythologique, sur fond de brouillard descendu des Alpes. »

« Comme d’autres, il arrivait trop tôt. Maintenant je crois qu’il est pile à l’heure. Eh oui, je l’aimais beaucoup. Pourquoi ce passé ? Je l’aime beaucoup. Comme son utopie… dystopie qui pour moi est un réel curieusement aussi crédible, et en tout cas plus intéressant, que le nôtre. » (J-P Dionnet – Préface de l’intégrale)

La planche

Une planche (de grand format) silencieuse, mélancolique et cinématographique zoomant sur l’héroïne de cette saga, une femme vivant à l’écart et observant des hauteurs de sa montagne la folie des hommes dans ce monde post-apocalyptique. Surnommée « Seule » ou encore « la garçonne » dans cet épisode, Crespin finira par la nommer « Hélène » dans les épisodes suivants où elle troquera son fusil pour un arc et des flèches. Publiée pour la première fois en février 1980 dans le numéro 48 de Métal Hurlant (voir photos additionnelles).

J’ai un peu hésité entre deux planches de cet album, mais mon choix s’est vite fixé sur cette-ci, magnifique en noir et blanc et dont la colorisation, belle et soignée, ajoute aussi une dimension esthétique supplémentaire (voir photos additionnelles).

Et en relisant et redécouvrant Armalite 16, je crois avoir compris pourquoi cette œuvre de Crespin m'avait tant marqué à l'époque : c'était sans doute la première fois que je lisais une bande dessinée adulte dont l'héroïne était une « vraie » femme, vivante et indépendante, loin des archétypes machistes de l'époque. Et puis il y avait bien sûr la qualité et le style du dessin de Crespin.

Vernissage de l’expo

J'aurais aimé le rencontrer, lui raconter l'histoire de cette bande dessinée perdue, lui poser mille questions sur la saga (à lire et à relire), mais il était malheureusement décédé en 2001 à l'âge de 45 ans seulement. En revanche, j'ai pu rencontrer deux de ses enfants et une amie proche lors du vernissage, et leur faire part de mon attachement singulier et profond pour cette œuvre de Michel Crespin, mais aussi en apprendre un peu plus sur lui.

De tels moments et découvertes sont rares dans la vie d'un collectionneur, mais lorsqu'ils se produisent, ils apportent une joie infinie et un vrai sens à la passion qui nous anime ici. Une planche qui gardera une place bien particulière chez moi.

PS : Et un immense merci à la galerie qui a eu la si bonne idée d'organiser cette rétrospective !