Dans la collection de philofanfan 
Moebius, 1988 - Le Monde d'Edena : La Déesse - - Planche originale
1115 

1988 - Le Monde d'Edena : La Déesse -

Planche originale
circa 1988
Encre de Chine
Case-case : 41.5 x 30.8 cm
Partager
La planche
(À suivre) n° 145 de février 1990
La Déesse, page 1
Page intérieure du magazine (À suivre) n° 146 de mars 1990
Page intérieure du magazine (À suivre) n° 147 d'avril 1990
(À suivre) n° 149 de juin 1990
" La Grande Vague de Kanagawa " estampe mondialement célèbre réalisée par Hokusai (1760-1849) en 1830 ou 1831
" La Grande Vague de Kanagawa " inversée
Image extraite de " Nexus Wookie's Blog  Comics and graphic novel reviews "
EO américaine
EO allemande
Le Monde d'Edena, EO intégrale japonaise

Description

Planche réalisée en 1988 ou 1989
Planche 37 extraite du Tome 3 " La Déesse " de la série Le monde d'Edena
Pré-publiée dans le magazine (À suivre) entre les n° 145 (février 1990) et 149 (juin 1990)

Inscriptions / Signatures

Signée par Moebius en bas à droite

Commentaire


Résumé de l'album
(jusqu'à cette planche) :


Evanoui Atan, vive Atana !

Ce récit s'ouvre au cœur de l'interminable forêt Édénique. Atana, plus belle et plus femme que jamais, erre sans relâche depuis des mois. Soudain, au loin, une terrible explosion ! C'est vers le lieu de cette explosion qu'elle décide de poursuivre ses investigations. Sur place elle découvre un cratère et une tête humaine sur un pieu. Résolue plus que jamais à retrouver son Stell et à rompre avec « cette maudite solitude », elle est subitement mise en joue par une étrange soldatesque. Les gonzes, affublés qu'ils sont de longs manteaux et d'une curieuse sorte de masque à gaz prolongé d'un long nez, la conduisent à leur vaisseau. Comme Stell dans l'album précédent, Atana est subitement suspendue à la vision éveillée de l'ombre du rêve qui s'abat sur elle. Elle perd connaissance. Lorsqu'elle revient à elle, c'est pour découvrir la sinistre société dystopique du Nid, gouvernée par La Paterne. C'est une cité souterraine moderne, aseptisée, ultra régulée, asexuée et habitée de clones qui s'appellent conventionnellement l'un l'autre « Monsieur » et portent un masque au long nez pour se prémunir des germes. Constituant une menace, Atana, la « Hors-Nid », est froidement exécutée. Ordre de La Paterne. Un petit groupe de dissidents va néanmoins la ramener à la vie. « Remettre un corps en activité » est pourtant formellement proscrit dans le Nid. Tandis qu'il opèrent au ressuscitement d'Atana - qu'ils considèrent, selon la prophétie du Livre de la Pyramide, comme une déesse qui viendrait les sauver des prisons mortelles de l'ignorance - les rebelles sont détectés par les gardes. Atana, remise en activité juste à temps, est contrainte de fuir avec eux par le système de vidange du four crématoire et de plonger dans les tréfonds de la cité. Aussitôt, les gardes ouvrent les vannes de vidange, et c'est un torrent qui se dresse face aux fugitifs à l'intérieur de la gigantesque tubulure.



l'album et la planche
:


Écrit et dessiné à Paris et Los Angeles entre l’automne 1988 et le printemps 1989 (mais publié seulement en septembre 1990 après la sérialisation dans À Suivre), La Déesse clôture une décennie qui aura tout eu d'une quête initiatique pour Jean Giraud/Moebius.

La décennie précédente, quant à elle, avait été celle de l'explosion et du débordement baroque avec en point d'orgue : Arzach (1975) et Le Garage Hermétique (publié à raison de 2 planches par semaine dans Métal Hurlant entre 1976 et 1979). L'année 1973 constitue, à ce titre, une année charnière en voyant la publication dans Pilote de La Déviation (numéro 688 du 11/01/1973). Dès lors, la mise en page de Moebius devient éclatée, les gros plans foisonnent, les scènes de batailles épiques succèdent aux paysages grandioses et fantasmatiques, et l'utilisation virtuose de la hachure devient quasi frénétique.
De son côté, et bien que la parution de ses albums devienne moins soutenue à partir de 1975, Blueberry n'est pas en reste : son évolution est elle aussi constante. Un point de non-retour est cependant atteint en 1979 avec Nez Cassé (prépublié dans Métal hurlant entre février et avril 1979) qui voit le dessin de Jean Giraud se complexifier de façon si impressionnante qu'un seuil est définitivement atteint.

La décennie qui s'ouvre sera donc celle de la synthèse, de la simplification progressive de son dessin au service d'une efficacité nouvelle. il va chercher à épurer son dessin, à limiter les effets.

Ses discussions avec Numa Sadoul collectées dans Docteur Moebius et Mister Gir sont à ce titre très révélatrices :

A propos, le dessin, parlons-en. Tu disais vouloir, dans Le Monde d'Edena, obtenir un style " non marqué par les traces de l'égo "...
Au début, j'ai été vivement intéressé par cette notion d'un dessin purement objectif. Mais je vois aujourd'hui que j'ai échoué à ce niveau : c'est impossible, ce doit être un mythe. Je ne regrette pourtant pas d'avoir essayé ; j'en ai tiré des leçons profitables.
Qu'est-ce que ça veut dire, un dessin "purement objectif "?
Je me le demande, justement... Hergé est assez intéressant de ce point de vue-là : il met dans son dessin très peu de geste personnels.
Mais ce n'est pas un dessin " purement objectif ", car il est en permanence nourri de ses expériences, de ses conflits, de ses passion refoulées.
Voilà pourquoi le seul véritable dessin sans ego est le dessin sacré [...] j'essaie par moments de faire une BD qui sache éviter le recours à l'habilité et au mélodrame.
Mais comment ?
Je ne sais pas... non, là, je ne sais vraiment pas !
Comment pourrais-tu raconter une histoire pleine de drame et d'émotion en essayant d'oublier le drame et l'émotion, et l'habilité technique requise ?
J'essaie d'arriver à une modération des effets. Ce qui ne signifie pas forcément l'oubli de l'émotion.
Dans l'Incal aussi tu as essayé ?
Justement, dans les deux derniers, je me suis offert quelques tranches de défoulement. Je trouvais idiot de faire du puritanisme alors que le scénario demandait au contraire des effets.
Quand même en règle générale depuis L'Incal, ton style a évolué vers une forme nettement plus épurée.
Cela n'a rien à voir : on peut-être épuré et pratiquer l'effet !
Mais ce n'est-ce pas ce que tu veux dire quand tu parles d'un dessin nettoyé de l'ego ?
Ce n'est pas tout à fait ça. Le dessin nettoyé de l'égo aboutit à la ligne méditative pure. L'absolu du dessin sans ego serait de tracer un cercle aussi parfaitement qu'avec un compas. Tel n'est pas le but de la BD qui est d'abord de raconter des histoires. En fait ce qui me plaît, c'est de jouer dans la narration sur un registre accordé à ma personnalité ; trouver des effets mais en demi-teintes, conduire tout de même le lecteur, mais par des procédés subtils et calmes. C'est assez difficile à expliquer mais on retrouve beaucoup de cela chez Hergé ou même André Juillard, chez des auteurs qui entraînent l'adhésion du lecteur par la probité.
C'est juste. Et c'est vrai que tu as fini par arriver à une certaine clarté de la ligne, à un minimum d'effets.
C'est devenu simple. Mais ce n'est pas du Hergé tout de même...
On t'a beaucoup reproché cette simplification, ce glissement vers l'édénisme graphico-mental. Qu'as-tu pensé de cette déception qui s'exprimait parfois ?
J'ai pensé que nous avons besoin, pour être excités sensoriellement, d'un certain nombre d'ingrédients corsés.
Que Moebius leur donnait auparavant ?
Peut-être. Alors que je propose maintenant d'expanser la sensualité, la sensibilité, d'ouvrir un peu plus les canaux de l'attention au lieu de la surenchère de l'assaisonnement... Ça rappelle le problème de la nourriture où soit tu recherches une augmentation de la force du goût des aliments, soit une augmentation de ta propre capacité à sentir. Je ne demande pas au lecteur de s'exciter sur des stimulations très fortes ; je lui propose des stimulations faibles - de la BD homéopathiques, si je puis dire ! - et s'il accepte de jouer ce jeu-là, il trouvera un plaisir subtil, s'ouvrira à de nouvelles sensations de plus en plus fines. Ma position doit être juste puisque je reçois des témoignages de lecteurs satisfaits [...]


Sur l'étoile, dessiné en 1983, est certainement l'acmé de ce dessin objectif, Moebius s’approche alors au plus près de son idéal de dessin sans ego. A l'automne 1988, lorsqu'il entreprend le dessin de La Déesse, il a fait le deuil de cette quête illusoire. Le tome précédent Les Jardins d’Edena voit déjà son dessin redevenir un peu plus fouillé ; les hachures réapparaissent de-ci de-là à mesure que l'album avance, et avec elles : le relief. Avec La Déesse les pages redeviennent chargées, les hachures reconquièrent les pages, le jeu sur les volumes reprend une importance prépondérante.
Alors, pourquoi cette page-ci ? Et bien justement parce que du fait qu'elle soit principalement liquide elle ne s'inscrit - de prime abord - dans aucune démarche, aucune tentative, aucun paradigme : ne reste que la pureté gracile du trait et cette géométrie, ce sens à la fois achevé et inné du découpage.

Si le dessin sans ego était presque mort-né, la pureté du trait de Moebius a encore de beaux jours devant elle et continuera à accompagner vingt-trois années durant les lecteurs en quête, non pas d'illusion, mais d'idéal.

Publications

  • La Déesse
  • Casterman
  • 09/1990
  • Page intérieure
  • Intégrale
  • Casterman
  • 04/2015
  • Page 167

Voir aussi :   Le Monde d'Edena

30 commentaires
Pour laisser un commentaire sur cette œuvre, veuillez vous connecter

A propos de Moebius

Jean Giraud, connu sous son vrai nom et sous les pseudonymes Moebius et Gir est un auteur français de bande dessinée. Sous le pseudonyme de Moebius, il est l'auteur et/ou le dessinateur de bandes dessinées fantastiques qui lui valent une reconnaissance internationale jusqu'aux États-Unis et au Japon, habituellement peu réceptifs à la bande dessinée européenne.