1979 - Lester Cockney : Les Fous de Kaboul - Est-ce bien raisonnable ?! -

Planche réalisée en 1979 ou 1980 et dont la grande case sert de pages de garde aux albums de la serie, et ce dès la parution du tome 1.
Planche 32 extraite du Tome 1 " Les Fous de Kaboul " de la série Lester Cockney
Cet épisode est publié pour la première fois en 1980, à partir du n° 252 du Journal de Tintin
" Les Fous de Kaboul " recevra le Grand Prix Saint-Michel en 1982

Signée par Franz Drappier en bas à gauche de la grande case

Résumé (enfin...pas tant que ça) de l'album (jusqu'à cette planche) :


Lester Cockney déboule dans le Journal de Tintin (1946-1988) à son crépuscule. C'est à mon sens la meilleure série de la décennie de l'hebdomadaire.

Le décor est planté dès les deux premières planches de cet album d'ouverture. Lester déambule, seul, dans le quartier de Mayfair à Londres " dans son meilleur et unique costume " et s'accroche avec de jeunes officiers frais émoulus qui s'étonnent de voir passer sous leur nez cette " loque puante ", ce " cochon d'Irlandais " !
Bien mal en a pris au jeune officier godelureau, car après un verre éclaté sur sa tronche et un crocheté court dans l'estomac, le vaniteux s'effondre...et sa tête, en tombant, heurte la marche. Ce con est mort ! Et notre Irlandais est accusé de meurtre par les camarades de promo !
S'ensuit alors une course-poursuite dans Londres et notre bon Lester (qui décidément partage nombre de points communs avec un jeune lieutenant US au nez cassé), rattrapé par la meute et groggy, est enrôlé d'office (pour dix ans) dans l'armée de sa majesté très britannique.
Il reprendra ses esprits à bord du Flying Squale qui cingle en direction de Karachi, près de l'Indus.

Après cent douze jours de traversée, " dont une bonne partie à briquer le pont...à soigner un dos meurtri par les coups de garcette ou à réfléchir à fond de cale sur les besoins de la solitude...elles furent là un beau matin...comme un étourdissement...ocrées et brumeuses... " : " ...les Indes... " (cf. la planche 9) : https://www.2dgalleries.com/art/lester-cockney-les-fous-de-kaboul-les-indes-149008

La Première Guerre anglo-afghane (1839-1842) fait rage et Lester est rapidement mis au parfum : " Cinq ethnies principales, deux cent vingt-cinq dialectes, un nombre respectables de religions. Méfie toi de tout et de rien !... ". L'origine de ce conflit, elle, trouve sa genèse dans la menace que constitue la Russie pour les Britanniques et leur empire des Indes. Ces derniers décident donc de s'emparer de l'Afghanistan afin d'y installer un roi complaisant et d'en faire un État-tampon.

Moins d'une heure après être débarqué, Cockney se fait déjà remarquer de la belle Miss Pebbleton - dont il maitrisera le cheval emballé - et du général Shannon qui voit en ce jeune Irlandais, qui semble s'y connaitre en chevaux, un homme idéal pour son escorte. Ni une ni deux Lester est muté dans ses effectifs. Le hasard fait parfois bien les choses, l'escorte en question est celle de Miss Pembleton en partance pour Kaboul. Une aubaine ? Pas vraiment...la troupe sera dirigée par le lieutenant Mickael. F. Barcow qui de l'aveu de tous ici, est une fieffée " ordure ".

Dès le lendemain, la troupe se met en marche. Le voyage sera brûlant et mortellement ennuyeux. Et un beau jour : " Peshawar ! Dernière ville des Indes avant l'Afghanistan ". C'est à Peshawar que Lester fera la connaissance de deux futurs compagnons de route : Toulouse et le Narbonnais. C'est aussi à Peshawar qu'il comprendra qu'il est au beau milieu d'une poudrière ; pendus aux portes de la ville les corps de Ghilzais (Pachtounes), de Sikhs et d'Afghans annoncent la couleur. C'est Avitabile, chef de l'armée de Shah Shoujah, qui maintient l'ordre et inspire la peur ici...et il prend sa mission très au sérieux ! Sa mission, justement : assurer la libre circulation à travers les passes, dont celle de Khyber (passage naturel vers le Pendjab et l'Inde), et payer les tribus pour qu'elles se tiennent tranquilles. Mais quand ce n'est pas le cas, les dissipés finissent aux portes de la ville.

La région est en ébullition et la petite troupe, qui désormais a quitté Peshawar - entre les embuscades et les âpretés du terrain - à fort à faire. Ils atteignent enfin Kaboul, alors, qu'ailleurs les évènements se précipitent : les tribus se révoltent et ont anéanti un convoi Anglais à Khurd-Kabul.
Les hommes importants de Kaboul, dont le major-général Elphinstone (qui mourra tragiquement en 1842 après que sa troupe eût été massacrée lors de la désastreuse retraite de Kaboul à la Bataille de Gandamak) apprennent la nouvelle et décision est prise de renvoyer deux régiments aux Indes.

Lester Cockney, lui, dans l'immédiat, à d'autres soucis. Il s'est juré de restituer à son propriétaire, un petit poney rouan qu'il a réquisitionné lors de la marche vers la passe de Khyber, et il veut désormais - plus que tout - tenir son engagement. Les deux hommes ont convenus de se retrouver à la sortie de Kaboul. Lester fausse donc compagnie à la troupe et sort de la ville direction les collines environnantes...On l'y retrouve planche 32 en bien mauvaise posture...


La planche :


La planche de la série, du moins à mes yeux. Le Lombard ne s'y est d'ailleurs pas trompé et fait de la grande case - dès le tome 1 - la page de garde de la série.
Et comment, finalement, en être autrement...
Cette grande case recèle - à elle seule - toute la magie de Franz Drappier, dit Franz. Elle est vertigineuse, à tous points de vues. Ceci que l'on soit : un simple admirateur de belles choses, un passionné de bandes dessinées, un admirateur de Franz ou un inconditionnel de l'auteur. J'appartiens aux quatre catégories, et je tiens là une vraie madeleine.
Si on ajoute à la qualité intrinsèque de la planche le fait qu'elle provienne du merveilleux diptyque " Les Fous de Kaboul (Grand Prix Saint-Michel en 1982) " et " La neige était crissante ", cela me laisse songeur.

Une nuit noire à la fois pénétrante et engourdissante.

Merci beaucoup à l'ancien propriétaire de cette planche pour cette transaction qui me permet de réaliser un rêve d'adolescent.